Non, monsieur le rapporteur, nous ne respirons pas tous le même air, et c'est bien là le problème ! Ce n'est pas un hasard si l'incinérateur dont je vous parlais doit être reconstruit à Ivry-sur-Seine, ville populaire, et non à Neuilly-sur-Seine. D'ailleurs, comme vous pouvez le constater, les prix de l'immobilier montrent que les plus riches de notre pays ont mis en place des stratégies pour acheter un air plus pur. Vous pouvez retourner la question dans tous les sens, aujourd'hui, les quartiers populaires subissent une pollution bien plus élevée. Une étude extrêmement intéressante montre que c'est dans les villes d'immigration récente qu'on installe les incinérateurs et qu'on brûle les déchets. Donc, il est faux de dire que nous sommes toutes et tous exposés à la pollution de la même façon, que nous respirons le même air. Ce sont d'abord les plus pauvres de notre pays qui pâtissent de ces problèmes.
Par ailleurs, madame la ministre, vous affirmez que l'objet de votre projet de loi est d'offrir des alternatives. Nous le contestons – ce sont deux visions du monde qui s'opposent –, ce qui ne nous empêche pas de respecter votre position. Une étude récente de Carbone 4 montre que, pour être à la hauteur des enjeux écologiques, il faudra engager des changements, pour un quart, d'ordre individuel et, pour trois quarts, de nature collective. Nous ne disons pas autre chose. Nous sommes d'accord sur le fait que les gens vont devoir, petit à petit, abandonner la voiture et emprunter de manière croissante les transports en commun, mais il nous faut d'abord entreprendre un changement de modèle. Il ne faut pas commencer par viser les plus précaires de nos concitoyens. Je ne pense pas, par exemple, que l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, dont nous avons déjà parlé maintes fois mais que je souhaite réintroduire dans le débat, contribue à répondre aux besoins des gens, à leur offrir des prix abordables et une alternative à la voiture.
Sans prétendre avoir le monopole du dialogue avec les gilets jaunes, pour moi, ce qu'ils ont dit l'année dernière, c'est qu'ils sont d'accord pour moins utiliser leur voiture, mais à condition d'avoir des trains même sur les petites lignes, des gares qui rouvrent, des services publics qui fonctionnent mieux et à une distance raisonnable, qu'il s'agisse de la maternité ou de l'école, par exemple. Il nous faut donc commencer par changer tout ce qui ne va pas avant d'infliger une triple peine aux personnes disposant de faibles moyens, qui vont être les premières à souffrir de la mise en place des ZFE alors qu'elles ne sont pas les premières responsables de la pollution de l'air.