Nous voici à un moment essentiel de la législature : ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale inscrit dans la loi certains engagements de campagne forts du Président de la République. Il procède à des choix importants et assumés.
Néanmoins, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des finances, je commencerai par rappeler que les dépenses des administrations de sécurité sociale représentent environ 45 % de la dépense publique et sont celles qui contribuent le plus à son augmentation depuis cinq décennies. À l'heure où l'évolution des finances publiques est d'abord analysée à l'échelle de l'ensemble des administrations publiques, une place toute particulière doit être accordée aux finances sociales. D'ailleurs, par bien des aspects, finances sociales et finances de l'État sont perméables.
Certaines des mesures les plus importantes proposées par le Gouvernement se déclinent en deux volets, l'un relevant du projet de loi de finances initiale et l'autre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je salue donc l'initiative de la commission des finances consistant à instaurer un groupe de travail sur la procédure budgétaire. L'idée d'une discussion commune des propositions relatives aux recettes des finances sociales et à celles des finances de l'État y trouvera toute sa place. Espérons qu'elle permettra de présenter plus clairement les multiples transferts de compensation qui ont lieu entre l'État et la sécurité sociale, dus notamment aux exonérations de cotisation et qui expliquent en partie les difficultés qu'éprouve l'État à atteindre ses objectifs de réduction du déficit budgétaire. En 2017, le montant des exonérations compensées était de 37,2 milliards d'euros, les exonérations non compensées étant ramenées à 1,4 milliard, auxquels il convient d'ajouter le montant des exemptions d'assiette, non compensées pour la plupart, soit 7,8 milliards.
J'en viens à présent aux quatre sujets qui ont particulièrement intéressé la commission des finances : la consolidation de la trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux ; deux mesures majeures en faveur du pouvoir d'achat des actifs et de la compétitivité de nos entreprises ; l'adossement du RSI au régime général ; enfin, le renforcement du soutien aux familles qui en ont besoin et aux plus vulnérables.
Le PLFSS 2018 s'inscrit dans la lignée des efforts passés visant au redressement des comptes sociaux et conforte la trajectoire de retour à l'équilibre. En 2019, les régimes de base de la sécurité sociale ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse devraient présenter un excédent de 0,6 milliard d'euros. Cet assainissement des finances sociales découlera d'abord de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie.
Ainsi, en 2018, l'ONDAM devrait augmenter de 2,3 % par rapport à son montant de 2017, soit un effort ambitieux de 4,2 milliards d'euros par rapport à la croissance tendancielle des dépenses d'assurance maladie prévue en 2018. Celle-ci, estimée à 4,5 %, a été tirée par la montée en charge de la nouvelle convention médicale négociée au cours de l'été 2016 et l'arrivée sur le marché de nouvelles molécules et de nouveaux dispositifs médicaux résultant de l'amélioration des soins.
Pour ce qui est de la branche vieillesse, il s'agira d'être vigilant quant à l'évolution de son solde. En 2019, il redeviendrait négatif. Les dépenses de la branche croîtraient en raison de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom, qui remplacent les classes creuses nées dans l'entre-deux-guerres. S'y ajoute l'effet de la revalorisation des pensions. À l'inverse, le relèvement de l'âge du taux plein automatique de 65 à 67 ans produirait encore des économies jusqu'en 2023.
À plus long terme, le Conseil d'orientation des retraites a actualisé ses projections de solde financier de l'ensemble du système de retraite, sur la base d'hypothèses économiques révisées et des nouvelles projections démographiques et de population active de l'INSEE. Avec des hypothèses assez optimistes de chômage structurel à 7 % et d'une augmentation de la productivité du travail de 1,8 %, l'équilibre ne serait retrouvé qu'en 2040. Donc, vigilance !
Quoi qu'il en soit, la trajectoire de ce PLFSS permet d'envisager à moyen terme l'extinction de la dette sociale. L'existence même de cette dette constitue d'ailleurs un problème de principe : on ne peut pas repousser indéfiniment le financement de notre sécurité sociale sur les générations futures. La tendance est plutôt favorable. Pour rappel, les déficits cumulés de l'ACOSS et la dette restant à amortir de la CADES représenteront 140,9 milliards d'euros en 2017, en diminution de 14,9 milliards d'euros par rapport à 2016. Autrement dit, la CADES amortit annuellement un montant de dette supérieur au déficit annuel de l'ACOSS.
Sans transfert supplémentaire, la dette de la CADES s'éteindrait en 2024. Tenons-nous à cet objectif, il est réaliste ! Ne différons pas l'échéance en prétextant une fois de plus des circonstances particulières pour nous soustraire à un effort nécessaire. Les 20 milliards d'euros de déficits cumulés de l'ACOSS doivent être remboursés par les excédents dégagés progressivement par les branches.
Arrêtons-nous maintenant sur deux mesures fondamentales qui concernent les recettes de la sécurité sociale, le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de nos entreprises. L'article 7 suscitera bien entendu de nombreux débats. Il s'agit tout simplement de tenir une promesse de campagne du Président de la République : mieux valoriser et rémunérer le travail.
C'est pourquoi il est proposé d'appuyer davantage le financement de la sécurité sociale sur la CSG. Il faut bien mesurer la portée du message qui est donné ici : faire contribuer l'ensemble des revenus, y compris les revenus du capital, à la protection sociale ; renforcer l'universalité des droits, en particulier ceux de l'assurance chômage, qui s'ouvrira à tous.
La hausse de 1,7 point de CSG financera la suppression des cotisations salariales maladie et d'assurance chômage. Cette suppression interviendra en deux temps : le 1er janvier et le 1er octobre 2018. Dès le 1er janvier, les salariés verront leur pouvoir d'achat augmenter. Un salarié au SMIC gagnera 132 euros en 2018 et 263 euros en année pleine.
Pour les travailleurs indépendants, le Gouvernement propose une baisse de la cotisation famille de 2,15 points pour compenser la hausse de la CSG. En plus de cette mesure, 75 % des travailleurs indépendants, c'est-à-dire ceux qui touchent un revenu inférieur à 43 000 euros par an environ, verront leur pouvoir d'achat augmenter par le renforcement de l'exonération dégressive des cotisations d'assurance maladie et maternité. Le gain annuel pour un travailleur indépendant gagnant l'équivalent d'un SMIC sera de 270 euros.
Pour les fonctionnaires, le Gouvernement propose, à l'article 47 du projet de loi de finances pour 2018, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité. Son montant était de 1,4 milliard d'euros en 2016. Le Gouvernement a prévu que l'impact budgétaire de cette suppression, ajoutée aux mesures de compensation de la hausse de la CSG pour la seule fonction publique d'État en 2018, serait de 2,1 milliards d'euros.
J'en viens maintenant au cas des retraités. Il est vrai que la hausse de la CSG ne sera pas compensée par une baisse des cotisations pour les retraités. Je rappelle que cette hausse s'appliquera aux retraités dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 14 375 euros, soit environ 1 400 euros mensuels, et non 1 200 euros comme on le dit souvent. En revanche, la majeure partie des retraités verront la hausse de la CSG compensée par l'exonération de la taxe d'habitation. À cet égard, je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir pris en compte la situation particulière des personnes retraitées résidant dans des EHPAD sans but lucratif. Son amendement au projet de loi de finances est une réponse rapide et claire à l'un des angles morts que nous avions identifiés.
Outre ces mesures en faveur du pouvoir d'achat des actifs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale transforme le CICE en allégements de cotisations patronales. Le CICE a été utile et a contribué au redressement des marges des entreprises. Il a eu un effet positif sur l'emploi. Il a néanmoins ses défauts : une certaine complexité et un décalage d'une année entre la constitution de la créance fiscale et son versement. Il est donc proposé dans le PLF de supprimer le CICE, tandis que le PLFSS accentue les allégements généraux.
Rappelons qu'en 2017, les mesures du pacte de responsabilité ont représenté 40 milliards d'euros de soutien fiscal et social aux entreprises. Rappelons également que la mesure de bascule du CICE en allégements de cotisations s'inscrit dans un contexte général de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, qui sera ramené à 25 % en 2022. J'ajoute qu'en 2019, les entreprises bénéficieront du double avantage de la perception du CICE et de l'allégement de cotisations, désormais accessible aux associations. Cette mesure était une promesse de campagne du Président de la République ; elle sera tenue.
Mon troisième point concerne l'adossement du régime social des indépendants au régime général. Les nombreux dysfonctionnements qu'il a connus ne permettaient plus de maintenir ce mode de gestion. La période transitoire s'étalera sur deux ans. Il faut souligner que les particularités de la protection sociale des indépendants seront maintenues, notamment leur régime obligatoire de retraite complémentaire. Il faut répéter que le personnel du RSI sera transféré aux branches du régime général, tout comme celui des organismes conventionnés.
Enfin, je retiens de ce PLFSS des mesures en faveur des familles monoparentales et des plus vulnérables. Il est vrai que la tendance de la politique familiale dans sa plus large acception est à un ciblage des prestations. Le PLFSS renforce les aides aux familles monoparentales par la majoration du montant maximal du complément de libre choix du mode de garde. On sait que des contraintes particulières touchent les familles monoparentales : les enjeux de garde d'enfant sont par exemple un frein à la reprise d'emploi et on ne peut que se réjouir d'une telle mesure. Quarante millions d'euros seront consacrés à leur soutien. Enfin, l'allocation vieillesse et l'allocation adulte handicapé seront majorées de 100 euros par mois en trois ans.
Vous pouvez le constater, ce PLFSS concrétise de nombreuses annonces en cohérence avec les engagements de cette majorité comme avec les mesures contenues dans le projet de loi de finances.