Nous devons inclure ce sujet dans la réflexion collective sur une possible réforme de la procédure législative. Pour ma part, j'ai l'intention d'en saisir le groupe de travail qui y est consacré.
Enfin, ce PLFSS marque la fin d'une forme d'abandon par l'Assemblée, après le vote du texte jusqu'à l'examen du prochain. Les multiples rapports demandés par les uns et les autres reflètent l'intérêt de notre assemblée pour une réflexion au long cours. De fait, notre commission mènera dans les semaines qui viennent plusieurs missions sur l'avenir de notre protection sociale, sur la politique familiale, sur les EHPAD du futur ou encore sur la prévention sanitaire. La réflexion se fera en lien avec la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, dont je salue les coprésidents Annie Vidal et Gilles Lurton.
Quels que soient les sujets abordés, cette réflexion doit avoir un seul but : faire du PLFSS un instrument au service d'une réelle sécurité sociale. La sécurité sociale est ce que nous avons tous en partage, quels que soient notre milieu social ou notre origine. La sécurité sociale, c'est la structure de la solidarité dans notre pays. On ne dira jamais assez combien ce bien commun est précieux. La sécurité sociale, c'est le principal héritage du Conseil national de la Résistance au sortir de la seconde guerre mondiale. L'idée fondatrice est simple, mais la victoire est immense : « assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail » pour reprendre la formulation du 15 mars 1944.
Trop souvent, les discours politiques se bornent à une approche quantitative de la sécurité sociale, et plus précisément à la question de son coût, sans en apprécier la qualité. Depuis longtemps, la France est un phare dans le monde, parce que la société qu'elle veut construire, celle qu'elle a construite à force de luttes, d'espoirs, d'avancées progressives et de grandes victoires, celle qu'elle continue inlassablement de vouloir faire advenir, c'est une société de justice, d'entraide, d'égalité et de liberté. Ce que tant de nos voisins admirent, veulent parfois pour eux-mêmes, ce ne sont pas seulement nos belles idées, mais notre modèle de protection sociale, émanation concrète de nos valeurs.
Alors, bien sûr, le monde avance, le progrès ne se met pas en pause. Nous sommes entrés dans un nouveau monde : mutation de l'économie, révolution numérique, nombreuses avancées de la recherche médicale. Face à cela, nous avons tous ici, chers collègues, une responsabilité particulière. Nous le savons, soit notre modèle de protection sociale évolue, s'adapte, innove, invente, se réinvente, soit il sera balayé par les mauvais vents de la mondialisation et les dérives du chacun pour soi. La sécurité sociale, c'est justement l'inverse du chacun pour soi. Voilà ce qu'il ne faut cesser de proclamer avec passion.
En même temps, pour que l'idéal vive, il faut aussi que la protection sociale s'inscrive dans la modernité, sans cesser d'être humaine. Or, pour faire entrer la sécurité sociale dans le XXIe siècle, sans doute y a-t-il moins à inventer qu'à accompagner : accompagner les projets et les actions des femmes et des hommes, acteurs de la solidarité et de la santé, qui ont pris la mesure de l'enjeu et qui s'engagent, travaillent, pour rendre notre modèle de protection sociale plus performant, plus fort encore.
Rappelons-nous que s'il est facile de détruire, de critiquer, de dénoncer, il est toujours beaucoup plus difficile, et en même temps beaucoup plus noble et plus efficace, de construire, d'inventer, de proposer. Telle est la démarche qui anime le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette nouvelle législature. Il n'est que la première étape de la profonde transformation de notre modèle social qui est en germe.
En guise de conclusion, permettez-moi de rendre hommage à Simone Veil à travers la citation d'un extrait du discours qu'elle a prononcé à l'occasion du soixantième anniversaire de la sécurité sociale, en 2005 : « L'histoire de notre protection sociale est faite de constructions successives, de la volonté d'hommes et de femmes de conduire ensemble cette solidarité que nous avons reçue en héritage. » Cette histoire ne touche pas à sa fin, bien au contraire. Nous nous apprêtons aujourd'hui, à travers nos débats et le travail parlementaire que nous allons mener tout au long de cette nouvelle législature, à en écrire une nouvelle page.