S'il est un titre qui répond bien à l'intitulé du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, c'est le titre III. Ce dernier est en effet consacré au développement de mobilités plus propres et plus actives ; il trace, dans ce domaine, des orientations pour les années et les décennies à venir.
Avant d'en venir au fond, je m'autoriserai une petite observation concernant la procédure et le travail que nous avons accompli. Vu que nous en sommes au stade de la nouvelle lecture, il me semble en effet qu'il est l'heure de dresser un premier bilan de la discussion du projet de loi.
Il est presque de tradition de considérer que, dans le cadre de nos institutions, c'est le Gouvernement qui légifère – au point que l'annonce du dépôt d'un projet de loi en Conseil des ministres a parfois plus d'écho que l'adoption définitive dudit texte par le Parlement.
La discussion du titre III du projet de loi d'orientation des mobilités nous conduit à nuancer cette idée reçue.
Ce titre comportait au départ neuf articles, la plupart issus des Assises de la mobilité. Si ces neuf articles figurent encore dans le projet de loi que nous examinons à partir d'aujourd'hui, signe de la qualité du travail d'élaboration de la loi par le Gouvernement, en liaison avec tous les acteurs impliqués dans les Assises, le titre III comporte désormais quarante-neuf articles : c'est dire l'ampleur du travail accompli par le Parlement !
Au-delà du nombre d'articles, de très nombreuses mesures, sur lesquelles je reviendrai, ont été adoptées par voie d'amendement. Je tiens à saluer le climat constructif, empreint à la fois d'exigence et de confiance, qui a prévalu durant nos débats et nos échanges avec le Gouvernement. Élisabeth Borne, et aujourd'hui Jean-Baptiste Djebbari, ainsi que leurs équipes, ont adopté une attitude de dialogue avec les deux assemblées, ce qui a permis d'avancer sur de nombreux sujets.
Si j'osais reprendre la phrase de l'un de nos plus illustres prédécesseurs, je dirais qu'au cours de la discussion du projet de loi, nous avons essayé « d'aller à l'idéal et de comprendre le réel ». L'un ne va pas sans l'autre et, au cours de nos débats, nous avons tous pu avoir le sentiment que certaines propositions seraient difficiles à mettre en oeuvre, parce que trop idéalistes, quand d'autres manquaient au contraire d'ambition, compte tenu de notre souci de ne pas trop brusquer les changements nécessaires.
Aller à l'idéal et comprendre le réel, comme le disait Jaurès, ce sont deux nécessités complémentaires pour accompagner notre société vers la transformation d'ensemble qu'exige la transition écologique.
Je commencerai par l'idéal, car ce projet de loi en porte une part. Cet idéal est de s'attaquer aux grands défis auxquels notre siècle nous confronte.
D'abord, atteindre la neutralité carbone des transports terrestres en 2050, pour pouvoir assurer la neutralité carbone globale de la France à cette date. Les transports représentant aujourd'hui quelque 75 millions de tonnes d'émissions de CO2 par an, soit environ 30 % des émissions françaises, on voit que l'objectif que nous nous sommes fixé pour 2050 a lui aussi quelque chose d'un idéal.
Ensuite, nous devons absolument réduire la pollution de proximité. Comme je l'ai évoqué à plusieurs reprises en commission et lors de la première lecture, cette pollution aux oxydes d'azote, particules et ozone nous touche tous. Les dernières études sont alarmantes : elles font état d'un nombre de décès annuels en France dus à la pollution qui serait compris entre 48 000 et 67 000, pour un coût collectif total de 100 milliards d'euros par an. En outre, notre pays est sous le coup de procédures européennes pour non-respect des normes de qualité de l'air.
Ce double idéal, je crois qu'il est partagé sur tous les bancs. Nous pouvons avoir des visions différentes quant à la manière d'y parvenir, mais nous nous accordons sur l'objectif.
Aller vers l'idéal, cela suppose aussi de comprendre le réel. Et ce réel, si nous l'avions oublié, s'est rappelé à nous à l'automne dernier, au cours du mouvement des gilets jaunes. Je le sais pour avoir organisé treize grands débats dans ma circonscription, dont une part importante était à chaque fois consacrée aux enjeux écologiques. Ces questions préoccupent nos concitoyens, tout autant que la difficulté à faire face à leurs coûts de déplacement.
Comprendre le réel, c'est savoir que l'on ne pourra pas bouleverser du jour au lendemain les habitudes, ou modifier en quelques mois seulement des systèmes et des réseaux de mobilité qui ont mis des décennies à se construire. C'est aussi comprendre que nos entreprises, dans leurs activités productives, et nos concitoyens, dans leur vie quotidienne, peuvent avoir besoin de temps pour adapter leurs habitudes aux nouvelles perspectives. C'est enfin avoir conscience que les plus modestes de nos concitoyens auront besoin d'être aidés pour aller vers des mobilités plus propres et plus actives.
Nous devons donc comprendre le réel, mais sans oublier l'idéal. Comment y parvenir ?
En définissant des trajectoires – car partir de la situation actuelle ne suffit pas, et se focaliser sur un objectif lointain non plus. Nous devons construire ensemble la trajectoire qui doit nous permettre de passer de la situation actuelle à l'idéal que nous souhaitons voir advenir. C'est précisément ce à quoi le titre III du projet de loi est consacré.
Cette trajectoire est notamment définie à l'article 26 AA du projet de loi, qui fixe l'objectif d'atteindre en 2050 la neutralité carbone des transports terrestres. À cette date, plus aucun véhicule terrestre ne devra être alimenté par des énergies fossiles.
Je rappelle, pour donner un point de repère, qu'actuellement, les ventes de véhicules neufs en France se répartissent de la manière suivante : près de 94 % concernent des véhicules qui fonctionnent entièrement au gazole ou à l'essence, 4 % des véhicules hybrides, 2 % des véhicules électriques et quelques millièmes des véhicules au gaz.
Pour parvenir à l'objectif de neutralité carbone, nous proposons en outre d'inscrire dans la loi la condition nécessaire de sa réalisation, à savoir la fin de la vente des véhicules neufs utilisant des énergies fossiles d'ici à 2040. En effet, ces véhicules ayant une durée de vie moyenne d'environ dix ans, il faudrait arrêter de les vendre au plus tard en 2040 pour qu'ils ne roulent plus en 2050. En fixant à 2040, dans la continuité du plan climat présenté en juillet 2017 par Nicolas Hulot, la fin de la vente des véhicules fonctionnant à l'énergie fossile, nous serons le premier pays à inscrire un tel horizon dans la loi.
Enfin, nous sommes soumis aux objectifs européens de réduction des émissions polluantes d'ici à 2030. À partir de 2020, les nouveaux véhicules devront émettre, dans leur ensemble, moins de quatre-vingt-quinze grammes de CO2 par kilomètre, chiffre qui sera progressivement abaissé à cinquante-neuf grammes en 2030, soit une valeur inférieure au seuil retenu actuellement pour la définition d'un véhicule à faible émission.
Voilà donc la trajectoire que nous avons définie au cours de la première lecture et que je vous proposerai de confirmer. Je rappelle qu'afin de nous assurer qu'elle est bien suivie, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, qui associe les deux chambres du Parlement, produira une évaluation tous les cinq ans, évaluation qui sera ensuite débattue par le Parlement.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin de toute la panoplie des leviers de l'action publique. C'est ce à quoi sont consacrés les quarante-neuf articles du titre III. Je crois qu'en première lecture, nous avons, sur tous les bancs, apporté notre pierre à cet édifice. En la matière, en effet, les bonnes idées se complètent plutôt qu'elles ne s'excluent – d'autant que nous travaillons contre la pollution de proximité, contre les émissions de gaz à effet de serre, c'est-à-dire pour notre santé et pour le climat !
Je n'égrainerai pas toutes les dispositions adoptées, mais je précise qu'il existe cinq grands blocs.
Le premier vise à favoriser les mobilités actives, au premier rang desquelles la marche et le vélo. Nous avons considérablement renforcé les obligations de construction de pistes cyclables, encouragé la construction de locaux à vélo dans les copropriétés et dans les gares, facilité le transport des vélos dans les trains et les cars, de manière à favoriser l'intermodalité.
Un deuxième ensemble a pour ambition de favoriser le déploiement des mobilités électriques, à l'hydrogène et au gaz. Depuis l'équipement et le pré-équipement des parkings en bornes de recharge jusqu'à l'augmentation du taux de réfaction pour le raccordement au réseau électrique, les mesures retenues sont là encore nombreuses et diverses.
Troisièmement, nous incitons à l'acquisition de véhicules à faibles émissions, en fixant des obligations minimales de verdissement pour les flottes captives, publiques et privées. Pour les flottes privées de plus de 100 véhicules, 10 % des renouvellements devront ainsi concerner des véhicules à faibles émissions en 2022, et 50 % en 2030. Cela permettra d'alimenter le marché de l'occasion et de rendre ces véhicules de plus en plus accessibles à nos concitoyens.
Quatrième ensemble de mesures, celles qui visent à inciter nos concitoyens à avoir recours à des mobilités plus propres et plus actives. Nous créons ainsi le forfait mobilités durables, qui permettra de prendre en charge les frais de déplacement à vélo et en covoiturage. D'autre part, les publicités pour les voitures devront être accompagnées d'un message incitant aux mobilités actives et partagées.
Enfin, je ne peux pas, en tant que président du Conseil national de l'air, oublier les mesures visant à lutter contre la pollution de l'air de proximité, avec la création des zones à faibles émissions mobilité et l'inclusion des plans d'action pour la réduction des émissions de polluants atmosphériques dans les plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET.
Vous l'aurez compris, chers collègues, le titre III du projet de loi d'orientation des mobilités est un titre ambitieux, qui, non seulement fixe des objectifs, mais aussi trace des trajectoires et active de multiples leviers pour atteindre les objectifs fixés. C'est de ces mesures que nous aurons à débattre dans les jours à venir, en vue de les perfectionner et, si nécessaire, de les ajuster.
Nous n'avons plus, si j'ose employer cette expression rugbystique à quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde du rugby – pour laquelle je souhaite bonne chance à notre équipe nationale – , qu'à transformer l'essai. Je compte sur vous !