Nous voici à nouveau réunis autour de la loi d'orientation des mobilités. Notre première lecture du projet de loi et le travail positif mené avec le rapporteur du texte au Sénat, M. Didier Mandelli, en vue de la commission mixte paritaire nous ont laissés un temps espérer que nous pourrions parvenir à un accord. Nous estimions en effet que le Sénat avait fait oeuvre utile sur de nombreux points du texte, et que nos collègues sénateurs étaient animés de la même volonté d'arriver à une issue positive.
La commission mixte paritaire a échoué et, en dépit des regrets que nous avons déjà tous exprimés, il convient de préserver la démarche constructive qui a prévalu jusque-là. Nous nous sommes donc attachés à ne pas revenir sur les dispositions introduites au Sénat, qui nous avaient paru enrichir le texte.
Ainsi, le titre IV, devenu le titre Ier A, puisque le Sénat a souhaité faire figurer la programmation financière en début de texte, traite de la programmation des investissements de l'État dans les systèmes de transport. Dans son article 1er, il fixe quatre grands objectifs à l'horizon de 2037. Nous voulons tout d'abord réduire les inégalités territoriales en renforçant l'accessibilité des zones enclavées et des territoires mal connectés aux grandes agglomérations. Il s'agit ensuite de concentrer les efforts sur les déplacements du quotidien et d'améliorer la qualité des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux. Nous souhaitons aussi accélérer la transition énergétique en favorisant le rééquilibrage modal vers les transports les moins polluants. Il faut enfin d'améliorer l'efficacité des transports de marchandises en facilitant le report modal.
Pour atteindre ces quatre objectifs, cinq programmes d'investissement prioritaires ont été définis : l'entretien et la modernisation des réseaux nationaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants ; la désaturation des grands noeuds ferroviaires ; le désenclavement routier des villes moyennes et des régions rurales ; le développement de l'usage de mobilités moins polluantes et partagées ; enfin, le soutien à une politique de transport de marchandises ambitieuse.
Sur tous ces points, jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire, des échanges fructueux avec le Sénat avaient permis de dégager de fortes lignes de consensus. De même, nous avons souhaité une programmation sincère et financée. Aussi nos deux assemblées se sont-elles entendues pour la construire sur la base du scénario 2, tel qu'établi dans le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures de janvier 2018.
Cette trajectoire est à la fois ambitieuse et réaliste. Elle prévoit une importante augmentation des dépenses de l'AFITF – l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – , à hauteur de 40 %, entre les périodes 2014-2018 et 2019-2023, soit une enveloppe quinquennale de 13,7 milliards d'euros pour la période 2019-2023, portée à 14,3 milliards d'euros pour 2023-2027. Des inquiétudes se sont néanmoins fait jour concernant les ressources correspondant à ces dépenses. Nos collègues sénateurs ont donc posé le principe de l'affectation intégrale à l'AFITF du produit de l'augmentation de la TICPE – la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – de deux centimes par litre de gazole pour les véhicules légers et de quatre centimes par litre pour les poids lourds, augmentation décidée en réponse à l'abandon de l'écotaxe
Le travail réalisé à l'Assemblée aura permis d'aller plus avant sur cette question des ressources. Sur proposition de votre rapporteure, l'Assemblée nationale a décidé de poser le principe d'une participation du transport aérien au financement des infrastructures de transport les moins polluantes et les moins émettrices de gaz à effet de serre, en affectant dans un premier temps à l'AFITF le surplus de recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « taxe Chirac ». Cette disposition devrait permettre de dégager 30 à 50 millions d'euros par an. Elle a une portée symbolique forte, puisque, pour la première fois, le transport aérien contribuera au développement des mobilités propres et durables.
Au cours de l'examen en commission et en séance publique, les échanges ont été nourris sur ces questions de la contribution du secteur aérien, mais aussi du transport routier, au financement des infrastructures. Les attentes en la matière ont été entendues : le 9 juillet 2019, à l'issue du deuxième Conseil de défense écologique, le Gouvernement a annoncé deux mesures supplémentaires destinées à financer nos infrastructures. D'une part, la France appliquera une éco-contribution sur les billets d'avion pour les vols au départ de notre territoire, à l'exception des vols intérieurs de ou vers la Corse et les outre-mer, et des liaisons d'équilibre du territoire. D'autre part, dès 2020, le remboursement partiel dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur la TICPE, sera réduit de 2 centimes par litre de gazole. Les ressources ainsi dégagées, respectivement 180 millions d'euros pour l'aérien et 140 millions pour les poids lourds, seront intégralement consacrées aux investissements de l'État dans les infrastructures de transport.
Ces dispositions n'ont évidemment pas vocation à figurer dans le projet de loi d'orientation des mobilités car elles relèvent du projet de loi de finances. Nous nous félicitons néanmoins d'arbitrages que nos débats auront largement contribué à déterminer.
En matière de taxation du transport aérien, notre réflexion a grandement avancé au cours des premières lectures. Elle est appelée à se poursuivre. Je rappelle que l'article 1er F dispose que « le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2019, un rapport d'information portant sur les niveaux de fiscalité du secteur aérien en France et, par comparaison, dans les autres pays de l'Union européenne ». Ce document permettra d'éclairer les réflexions à l'échelle de l'Union européenne et le travail sur les projets de loi de finances.
J'en viens aux principes auxquels nous nous sommes tenus tout au long de la discussion – ce dont je me félicite – afin d'aboutir à un texte de programmation affirmant une trajectoire claire avec un degré de généralité suffisant pour traverser les années.
En première lecture, au Sénat comme à l'Assemblée, les velléités d'allonger la liste des projets d'infrastructures prioritaires du COI à inscrire dans la loi ont été contenues. Nous poursuivrons dans cette voie en émettant un avis défavorable à tout amendement visant à ajouter tel ou tel projet particulier d'infrastructure dans le texte qui vous est soumis. Les travaux du COI sont en effet le fruit de mois, voire d'années, d'observation du réseau d'infrastructures national. Il nous appartient de conserver ces équilibres.
Par ailleurs, nous avons veillé à ce que le texte réaffirme fortement la prise en compte des spécificités de nos territoires. Il ne me semble pas nécessaire pour autant de le rappeler par amendement à chaque article ou à chaque paragraphe. Outre les dispositions de l'article 1er A, l'alinéa 25 du rapport annexé, introduit sur l'initiative de votre rapporteure, insiste bien sur le fait que « cette programmation tient compte des enjeux spécifiques en matière d'accessibilité des territoires de montagne, insulaires, ultramarins et frontaliers, en leur accordant une attention particulière tant en matière d'entretien que de développement des infrastructures ». Je salue cependant la ténacité avec laquelle certains de nos collègues siégeant sur tous les bancs ont tenu à faire valoir les spécificités et difficultés propres à ces territoires.