Si, si, si, j'ai vachement changé ! Avant ça, il faut l'avouer, la planète, le climat, la vie sur terre, tous ces machins, ça ne me faisait pas vibrer – bien moins que la 5G ou la révolution numérique. On aurait bien des start-up pour remplacer les abeilles ?
Dans mon programme présidentiel, d'ailleurs, j'y consacre, quoi, dix lignes ? Dix lignes dans un chapitre intitulé « un nouveau modèle de croissance », dix lignes coincées entre « nous baisserons l'impôt sur les sociétés », « nous transformerons le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en allégement de charges », « nous supprimerons l'ISF »… Voilà, c'était ça, mon écologie !
Mais, pendant les vacances, j'ai lu des livres ! Et les rapports des scientifiques ! Il y a eu aussi, toutes les semaines, ces mouvements de la jeunesse, Greta et tous ses copains et copines. Ça m'a interpellé quelque part au niveau de la conscience. Et le vote aux élections européennes, bien sûr. Ça m'a fait réfléchir, tout ça.
Il y a des lents, des prudents, des torturés du bulbe, à qui il faut des années pour penser, pour mûrir sur des sujets comme la croissance, le productivisme, l'anthropocène, la condition animale... Ils analysent, ils chipotent. Moi, non ! Moi, avec mon cerveau de Formule 1, ça a fait « paf ! », tout de suite ! J'ai changé. D'un coup, j'ai changé.
Fin août, le Président de la République annonçait au site Konbini sa conversion à l'écologie. Je m'en réjouissais : une épiphanie soudaine, une révélation. Comme Paul Claudel touché par l'esprit saint derrière un pilier de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Comme Moïse, recevant au Mont-Sinaï les tables de la loi. Notre chef de l'État était touché par une grâce écolo et je m'en réjouissais, d'autant que sa conversion était contagieuse. Le Premier ministre, lobbyiste pour Areva au civil – il n'y a pas de sot métier, chacun doit gagner son pain – , se prononçait tout à coup pour « l'écologie souriante ». La secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire se sentait pousser des ailes. Elle encourageait tous les marcheurs : « N'ayez pas l'écologie timide ! »
Vous comprenez donc mon bonheur, ma joie, en cette rentrée parlementaire : quel délice de revenir dans une assemblée désormais remplie de militants écolo ! J'allais retrouver des toilettes sèches près de la buvette, des brebis pour tondre les pelouses du Palais-Bourbon, des députés plus chauds que le climat, avec des pâquerettes dans les cheveux, le président Richard Ferrand en champion du Flower Power...