Intervention de Jean-Marc Zulesi

Réunion du mardi 11 juillet 2017 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Zulesi, rapporteur :

Je remercie la présidente car il n'est pas simple de faire confiance à un jeune député de province pour être le rapporteur de deux projets de loi de ratification d'ordonnances d'une grande importance. Je tiens également à souligner l'excellent travail des administrateurs de l'Assemblée qui nous ont aidés, soir et week-ends compris.

Je reviendrai sur les points saillants des deux ordonnances. La première, portant le n° 2016-1060, réforme les procédures destinées à assurer l'information et la participation du public dans l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement. Le code de l'environnement est modifié afin de prévoir la participation du public en amont de la demande d'autorisation et de l'enquête publique selon deux modalités : le débat public et la concertation préalable.

Une nouvelle définition des finalités de la participation du public à l'élaboration des décisions publiques est ainsi donnée, sur le fondement de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Ces finalités sont la qualité de la décision publique et sa légitimité démocratique, la préservation d'un environnement sain, la sensibilisation et l'éducation du public ainsi que l'amélioration de l'information environnementale. Il est prévu que la participation du public soit étendue aux documents de planification de l'État et des collectivités territoriales, soumis à l'évaluation environnementale, à l'exception de ceux relevant d'une procédure spécifique au titre du code de l'urbanisme tels que les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Les compétences de la CNDP seront étendues aux plans et programmes de niveau national et les objectifs du débat public ou de la concertation préalable qui peut être organisé par la CNDP seront redéfinis. L'ordonnance cite explicitement l'option dite « option zéro » qui fait obligation au maître d'ouvrage de présenter des solutions alternatives, y compris l'absence de mise en oeuvre du projet.

Les modalités de saisine de la CNDP seront quant à elles réformées : pour les grands projets relevant de ses compétences, elle pourra désormais être saisie par 10 000 ressortissants de l'Union européenne résidant en France, ce qui constitue un progrès en termes de participation citoyenne.

Le texte définit et encadre la procédure de concertation préalable. Distincte du débat public, la concertation préalable concerne les projets, plans et programmes de moindre envergure. Cette procédure, jusqu'alors trop allusivement traitée par le code de l'environnement, est désormais précisée dans sa durée, qui est comprise entre quinze jours et trois mois. La concertation préalable peut être lancée sur une base volontaire par le maître d'ouvrage ou être imposée par l'autorité compétente pour autoriser un projet.

Un nouveau droit d'initiative, ouvert au public, est instauré et vise à demander au représentant de l'État l'organisation d'une concertation préalable sur un projet, un plan ou un programme, lorsqu'aucune n'est prévue. Cette procédure, dans le texte qui nous est soumis, ne concerne que les projets dépassant un seuil de dépenses ou de subventions publiques de 10 millions d'euros. Je prendrai l'initiative, en vue de l'examen du texte en séance publique, de déposer un amendement abaissant ce seuil à 5 millions d'euros.

Ce droit d'initiative est ouvert à 20 % de la population recensée des communes concernées par la déclaration d'intention ou à 10 % de la population du département ou de la région concernés, ainsi qu'aux collectivités territoriales ou aux associations agréées nationales, régionales ou départementales. L'ordonnance clarifie le statut du garant chargé de veiller au bon déroulement de la procédure, qui sera désormais obligatoirement désigné pour toute concertation préalable. La liste des garants sera rendue publique par la CNDP. Le garant pourra demander des expertises complémentaires à la charge de la CNDP. Un garant devra être désigné pour vérifier les suites données à chaque débat public ou concertation préalable.

Il faut parallèlement donner les moyens de mener à bien ces initiatives. C'est pourquoi un fonds de concours sera créé pour contribuer aux dépenses liées au débat public.

Enfin, l'ordonnance élargit les possibilités de saisine de la CNDP lorsqu'il sera question d'une réforme relative à une politique publique ayant un effet important sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. La saisine sera autorisée pour le Gouvernement, 60 députés ou 60 sénateurs ou – ce qui peut susciter un débat – 500 000 ressortissants de l'Union résidant en France.

Des aspects secondaires de ce texte, je retiendrai quatre nouveautés.

L'article 3 de l'ordonnance, qui concerne la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement, fait entrer le code de l'environnement dans l'ère du numérique. L'apport principal de ces nouveaux articles est de prévoir, de façon systématique, une procédure dématérialisée de participation du public, sans pour autant abandonner totalement la procédure papier. Dans tous les cas, la gratuité de la procédure est réaffirmée.

Par ailleurs, pour des raisons d'efficacité, est réduite à quinze jours, contre trente habituellement, la durée de l'enquête publique pour un projet ne faisant pas l'objet d'une évaluation environnementale. Pour les autres projets, les délais restent inchangés. De la même manière, l'éventuelle prolongation de l'enquête qui pouvait être de trente jours jusqu'en 2016, est désormais limitée à quinze. Les avis des collectivités territoriales et de leurs groupements seront désormais mis à la disposition du public, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Sur tous ces points, le rôle du juge administratif est réaffirmé et renforcé – gage du respect de l'État de droit et de la transparence des procédures.

Je serai plus bref sur l'ordonnance n° 2016-1058, dont l'essentiel des dispositions consiste à transposer en droit français les dispositions de directives européennes. L'élaboration de cette ordonnance se place, en effet, dans le cadre d'une procédure précontentieuse engagée contre la France par la Commission européenne, celle-ci reprochant aux autorités françaises de ne pas avoir achevé la transposition de la directive 201192CE du 13 décembre 2011, dite « directive projets », concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

L'ordonnance comporte des avancées notables, notamment une consultation systématique des collectivités locales, en plus de l'autorité environnementale, et des mesures de simplification des procédures.

Je note cependant deux motifs d'inquiétude. En raison de son calendrier d'élaboration, l'ordonnance n'a pas pris en compte les dispositions de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, en ce qui concerne la démarche « éviter, réduire, compenser », dite « séquence ERC » ; j'ai déposé trois amendements à cet effet. En revanche, remédier à la seconde inquiétude, liée au champ de l'examen au cas par cas, dépendra de la pratique des services de l'État dans les années à venir, lorsqu'ils vont appliquer les nouvelles dispositions relatives à l'évaluation au cas par cas des projets susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement.

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