Intervention de Sébastien Chenu

Séance en hémicycle du mardi 10 septembre 2019 à 15h00
Mobilités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Chenu :

La réduction des inégalités territoriales, l'amélioration des offres de déplacement au quotidien et l'accélération de la transition énergétique doivent être des priorités de toute politique de transports publics. Cependant, ces grands objectifs ne s'incarnent dans ce projet de loi qu'au travers de mesures trop vagues, au financement incertain quand elles ne sont pas polluées par le soupçon d'une volonté d'ubériser à marche forcée le secteur des transports.

Le Rassemblement national alerte depuis de nombreuses années les gouvernements successifs quant à la fracture territoriale qui s'accentue entre les grandes métropoles d'une part et les villes moyennes et les zones rurales d'autre part. Les métropoles, gavées d'argent public, bénéficient d'une offre de services publics abondante et de solutions de transports modernes et variées. Au contraire, les zones périphériques et rurales sont toujours plus enclavées, créant à juste titre chez les habitants le sentiment d'être laissés pour compte. Est-il acceptable qu'après 20 heures, Denain, principale ville de ma circonscription, soit inaccessible en train alors que la métropole lilloise ne se situe qu'à une cinquantaine de kilomètres ?

Tant que la logique de concentration des réseaux de transport en étoile autour des métropoles ne sera pas brisée, le phénomène de métropolisation, qui exclut de nombreuses villes de plus en plus enclavées, sera encouragé.

C'est pourquoi nous avons proposé, par voie d'amendement, une nouvelle organisation, en toile d'araignée, qui privilégie la connexion entre les villes moyennes et les territoires pauvres en services publics. Dans ma circonscription, malgré l'augmentation constante du nombre d'usagers, plusieurs gares de proximité voient leur exploitation diminuer quand il n'est pas décidé leur fermeture pure et simple. Les usagers se retrouvent obligés de réaliser leur trajet quotidien en voiture, voire de déménager pour conserver leur emploi ou en obtenir un. Ainsi, un Français sur dix déclare avoir dû renoncer à un emploi ou à une formation à cause de problèmes de transport. C'est pourquoi nous avons proposé que le maintien en exploitation des petites lignes ferroviaires et des gares de proximité soit inscrit comme un grand objectif de cette loi d'orientation des mobilités.

L'accélération de la transition énergétique est louable. À terme, la sortie du diesel et du tout thermique est un objectif de bon sens. Mais ce n'est pas en instaurant une écologie punitive qui sanctionne et laisse de côté les plus fragiles, lesquels n'ont pas les moyens de s'acheter un véhicule propre à plus de 35 000 euros, que la transition énergétique sera menée avec succès – Ludovic Pajot l'a très bien dit. L'interdiction de l'ensemble des véhicules thermiques à l'horizon de 2040 n'a pas de sens si, en parallèle, diminue le montant de la prime à la casse.

La recherche et la promotion des énergies alternatives restent largement lacunaires. C'est pourquoi nous proposons depuis longtemps un vaste plan hydrogène qui permettrait à la France de combler son retard dans ce domaine. D'autres pays mènent une politique destinée à approfondir la recherche sur cette énergie d'avenir, mais vous avez choisi, au contraire, de réduire l'an dernier les crédits disponibles.

Ce projet de loi d'orientation des mobilités est aussi, malheureusement, entaché par le soupçon d'une ubérisation à marche forcée. Après les ambulances et les taxis, le Gouvernement s'attaque désormais aux auto-écoles. Les petites auto-écoles, qui représentent parfois l'un des derniers commerces de proximité dans certaines petites villes, sont priées de s'effacer devant des plateformes internet qui se retrouveront en situation de quasi-monopole et dont rien – au contraire ! – ne permet d'assurer qu'elles offriront un service de meilleure qualité à un prix plus abordable que la petite école traditionnelle qui a pignon sur rue.

Une nouvelle fois, ce Gouvernement prouve sa déconnexion totale avec le quotidien des Français en poursuivant la politique des transports menée depuis trente ans : privatisations et ubérisation généralisée.

En deuxième lecture, nos inquiétudes perdurent et s'aggravent. Ce texte affiche des objectifs louables mais ne permet pas de mener une transition écologique ambitieuse. Il engage au contraire une marche forcée vers la numérisation et l'ubérisation de l'économie, de notre société entière.

À terme, mais c'est peut-être votre volonté, vous aurez transformé notre pays en un immense centre commercial.

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