Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du mardi 24 octobre 2017 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, madame la ministre de la santé et des solidarités, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, après l'examen du budget de l'État la semaine dernière, voici venu le moment d'examiner le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale du quinquennat.

D'emblée, madame la ministre, je vous le dis : vous nous trouverez toujours à vos côtés chaque fois qu'il s'agira de mieux maîtriser les dépenses de santé, à condition que cela ne nuise pas à la qualité des soins dont nous avons la chance de bénéficier.

Vous nous trouverez également à vos côtés chaque fois qu'il s'agira de mieux maîtriser les dépenses de protection sociale, à condition que les Françaises et les Français, notamment ceux qui en ont le plus besoin, continuent de bénéficier d'une protection aujourd'hui encore très performante.

Nous aurons l'occasion de revenir à ces questions au cours de nos débats. Aussi m'en tiendrai-je ce soir au chapitre consacré à la politique familiale et plus particulièrement aux articles 25 à 27 de ce projet de loi.

Notre politique familiale nous est enviée dans de nombreux pays. S'il faut la préserver, tout en veillant à ce qu'elle s'adapte constamment aux évolutions de la société, son avenir nous inspire quelque inquiétude.

Elle vient en effet de subir cinq années de coups de rabot successifs : abaissement du plafond du quotient familial, fiscalisation de la majoration pour les familles nombreuses, hausse des droits de mutation, modulation à la baisse des allocations familiales, celle-ci ayant porté un coup fatal à l'universalité de notre politique familiale. C'est un véritable matraquage des familles : en cinq ans, elles se sont vu priver de plus de 4 milliards d'euros.

Je vous l'avoue, madame la ministre : je ne m'attendais pas à ce que l'une de vos premières décisions consiste à porter un nouveau coup à cette politique. Comme je le disais la semaine dernière, au cours de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, alors même que vous proposez la création d'une mission parlementaire sur la politique familiale, vous avez devancé les conclusions en baissant de 15 euros par mois, dès le 1er avril 2018, le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant – la PAJE. Quelles sont les raisons de ce choix ?

Avec cette décision, 500 millions d'euros seront encore retirés aux familles les plus modestes et 250 millions d'euros aux familles intermédiaires. En outre, 10 % des familles qui peuvent aujourd'hui la toucher en perdront le bénéfice. D'autres verront leur prestation divisée par deux, alors que la PAJE est un pilier de l'aide à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, une conciliation que nous devons encourager afin que toutes les femmes qui le souhaitent puissent avoir une activité professionnelle.

Cette décision est d'autant plus incompréhensible que nous constatons aujourd'hui une forte diminution de nombre de places en crèches ainsi qu'un appauvrissement du nombre de modes de garde des enfants. Cela aura sans doute pour conséquence une baisse du taux d'emploi des femmes qui, faute de modes de garde adaptés, sont obligées d'arrêter de travailler.

Je regrette que le ministre de l'économie et des finances ait refusé, la semaine dernière, notre amendement à ce sujet, alors même que votre propre majorité faisait la même proposition. Finalement, celle-ci a rejeté son propre amendement qui visait, comme le nôtre, à étendre le crédit d'impôt famille – le CIF – aux travailleurs indépendants, alors que cette mesure aurait permis de relancer la création de places de crèches privées.

Pour compenser cette diminution de la PAJE, vous vous prévalez de la hausse du complément de libre choix du mode de garde, qui figure à l'article 25, en justifiant cette mesure par un choix assumé très clairement : aider davantage les familles monoparentales. Il est vrai que ces familles rencontrent des difficultés et que nous devons les aider. Toutefois, comme je vous l'ai expliqué il y a dix jours en commission, les familles les plus pauvres privées du complément, du fait même des critères d'attribution.

Ce sont autant de décisions incompréhensibles, alors même que la branche famille est une des seules branches qui soient à l'équilibre et que vous affirmez vouloir attendre les résultats de la mission parlementaire pour adapter vos choix.

Madame la ministre, dimanche dernier, vous déclariez qu'en matière de politique familiale vous n'aviez aucun tabou. Or, comme vous l'avez également constaté, la France enregistre, pour la première depuis la Deuxième Guerre mondiale, une baisse de la natalité – c'est même la deuxième diminution consécutive. Je ne suis pas de ceux qui pensent que les femmes font des enfants pour toucher des allocations. Si c'était le cas, ce serait dramatique. En revanche, je suis convaincu que certaines renoncent à avoir des enfants faute de moyens suffisants et faute d'un mode de garde adapté à la poursuite de leur activité professionnelle. Notre politique familiale doit préserver cette liberté de choix. La politique familiale n'est pas la politique sociale : c'est l'impôt qui assure la juste répartition des richesses.

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