Intervention de David Marchal

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h15
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

David Marchal, directeur exécutif adjoint en expertise et programmes de l'ADEME :

– Merci de m'avoir invité à cette audition. Bien entendu, sans répéter ce qu'Alice Vieillefosse a déjà dit, il est clair que nous avons des objectifs ambitieux pour la PPE.

Je voudrais évoquer en premier lieu le bilan des dépenses de R&D de la France depuis les années soixante-dix, réalisé par l'Agence internationale de l'énergie pour ses différents pays membres. Nous voyons que les soutiens à la R&D sur les énergies renouvelables sont en augmentation depuis les années 2000. Tout l'enjeu est de savoir comment nous pouvons considérer finalement ces coûts, ces dépenses, comme des investissements aujourd'hui. Il s'agit bien de R&D et les dépenses de R&D sont des investissements à transformer en emplois, en industrie et en fabrication en France.

Concernant les coûts, nous entendons souvent dire que le déploiement des énergies renouvelables coûte cher. Effectivement, la PPE est associée à des systèmes de soutien pour son déploiement. Je voudrais cependant insister sur les baisses de coûts passées, et rappeler les gains que nous avons pu faire. Aujourd'hui, notamment en prenant en compte la CSPE (contribution au service public de l'électricité), le complément de rémunération moyen apporté par l'État aux énergies électriques renouvelables est de 95 euros par mégawattheure en moyenne. Pour toutes celles programmées dans le cadre de la PPE, ce soutien va diminuer de 95 euros à 25 euros. Par rapport au coût de la CSPE dont nous entendons souvent parler, et les 7 milliards d'euros de soutien public notamment aux EnR électriques, il faut bien avoir conscience que c'est grâce à l'accélération que vous avez mentionnée dans les rythmes de déploiement, que nous pouvons avoir cette division quasiment par quatre du soutien moyen aux énergies renouvelables électriques dans le cadre de la PPE. Il s'agit là d'un point très important, parce qu'il signifie que nous progressons vers la compétitivité. Cela complète le premier point que j'évoquais sur la manière de transformer les coûts de R&D en investissement et donc en développement industriel.

Je voulais également évoquer les actions de l'ADEME et présenter, sans répéter ce qu'Alice Vieillefosse a déjà expliqué, pourquoi il y a plusieurs guichets de soutien à la R&D, qui diffèrent selon la maturité technologique des projets, sur une échelle qui s'appelle le TRL (Technology readiness level), indice de maturité technologique. À l'ADEME, plusieurs programmes s'adressent à des niveaux de maturité différents. Lorsqu'il s'agit de recherche proche de la recherche fondamentale, en amont, nous soutenons plutôt des thèses. Ensuite, nous lançons des appels à projets de recherche, avec un budget d'environ 30 millions d'euros par an, dont 30 % pour les énergies renouvelables. Pour les projets plus proches de la maturité, plus importants en taille et qui font l'objet de démonstrateurs, voire de fermes pilotes, l'ADEME est opérateur du programme d'investissements d'avenir. S'agissant des énergies renouvelables, du stockage, ou encore des smart grids, nous avons aidé, jusqu'à 2018, environ 400 bénéficiaires, avec 1,1 milliard d'euros de soutien public, pour des démonstrateurs et des fermes pilotes.

Je souhaiterais maintenant évoquer plus spécifiquement les axes de R&D. Un certain nombre de technologies prévues dans le cadre de la PPE sont déjà matures. C'est d'ailleurs pour cela qu'elles ont été choisies comme technologies majeures à déployer, avec un certain niveau de maturité financière. Si nous raisonnons sur le court terme de la PPE, les enjeux de R&D se déplacent petit à petit du développement technologique vers des questions d'intégration au système énergétique et d'acceptabilité sociale, même si le développement technologique demeure important.

Il faut bien avoir en tête que le soutien à l'innovation peut soit concerner des technologies prises individuellement – comment améliorer les performances d'une technologie donnée, comme le photovoltaïque, l'éolien etc. – ou chercher à faciliter l'intégration de technologies entre elles. Nous pouvons aussi chercher à faciliter leur déploiement et dans ce cas, nous traitons plutôt des thématiques sociologiques et économiques.

S'agissant du stockage dont nous entendons souvent parler, il y a un intérêt évident à préparer l'avenir. Il y aura un sujet pour les zones insulaires, qui peuvent être des territoires d'expérimentation. Il y a un intérêt aussi à préparer ces technologies pour que des acteurs industriels puissent les déployer après 2030, quand le besoin s'en fera vraiment ressentir dans le système électrique. Mais je voudrais en revanche souligner qu'il n'y aura pas besoin avant l'horizon 2030 de technologies de stockage à intégrer au système électrique français métropolitain.

Enfin, je voudrais évoquer certains verrous qui pèsent aujourd'hui sur différentes technologies. Ainsi, l'un des verrous de l'éolien, à notre sens, est l'absence de chef de file. Nous avons financé des instituts pour la transition énergétique dans d'autres domaines, comme cela a été mentionné (le photovoltaïque, les smart grids) mais nous n'avons pas de chef de file de la R&D sur l'éolien en France qui permettrait de faire le lien entre les nombreux laboratoires qui travaillent sur des sujets proches et avec les industriels. Pourtant, il y a beaucoup de thématiques, beaucoup de R&D à faire sur les caps dynamiques de l'éolien en mer, sur des turbines de grande taille, etc. Nous soutenons beaucoup de projets en ce sens mais nous gagnerions à avoir un opérateur qui fasse le lien entre la R&D et le monde de l'industrie.

Concernant le photovoltaïque, les enjeux concernent la baisse des coûts et l'écoconception : notamment, la réduction de l'impact environnemental des modules. Il y a d'autres sujets comme l'agrivoltaïsme, une thématique de R&D intéressante, pour concilier une production agricole avec une production photovoltaïque.

Mon introduction portait majoritairement sur l'électricité, mais il faut aussi parler de la chaleur, qui représente un enjeu majeur pour la PPE. Les enjeux de R&D concernent également la chaleur renouvelable ou le bois-énergie, avec notamment des questions de qualité de l'air et de filtre. Par exemple, des projets intéressants ont pour but de réduire les émissions de NOx (oxyde d'azote). Nous avons également des enjeux de R&D assez différents, sur la modélisation du puits de carbone en forêt et les impacts que pourrait avoir la mobilisation accrue de la biomasse forestière sur celui-ci. Pour les pompes à chaleur, les enjeux concernent les fluides frigorigènes : comment abaisser leur impact environnemental et comment développer des pompes à chaleur à haute température.

En ce qui concerne le biogaz, les questions portent sur la baisse des coûts, la digestion en anaérobie, les cultures intermédiaires à vocation énergétique. Il s'agit de recherches à la fois d'ordre agronomique et portant sur des sujets bactériologiques en lien avec la digestion.

Enfin, nous soutenons des projets concernant les biocarburants, notamment les technologies de seconde ou de troisième génération, et les baisses de coûts et d'impacts environnementaux attendus. Les enjeux portent sur la facilité d'intégration de ces biocarburants, en termes d'incorporation dans les carburants classiques, pour faciliter la substitution aux carburants fossiles.

Je pourrais passer en revue d'autres énergies. Nous sommes ainsi également opérateurs sur l'hydrogène, que nous pourrions évoquer à l'occasion des questions qui suivront.

En conclusion, des verrous existent mais nous restons actifs pour soutenir la R&D dans les énergies renouvelables. L'État a aussi un rôle important à jouer dans le développement industriel. C'est ce que nous essayons de faire au travers des investissements d'avenir. Nous avons cité les fermes pilotes éoliennes flottantes. Cette filière est assez emblématique de ce que la France pourrait faire en termes de développement industriel sur les énergies renouvelables. Aujourd'hui, avec l'évolution des technologies, des questions similaires peuvent se poser, sur le photovoltaïque par exemple, avec pourquoi pas des questions de réimplantation d'usine ou d'industrie en France, alors que la majeure partie de l'industrie a aujourd'hui migré en Asie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.