Intervention de Alexandre Roesch

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h15
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Alexandre Roesch, directeur général du Syndicat des Énergies Renouvelables :

– Merci d'avoir convié le SER à cette audition publique. Je vais rebondir sur ce qui a été dit par les deux intervenants précédents, et notamment Alice Vieillefosse, qui terminait par trois défis.

En effet, pour atteindre les objectifs de la PPE, qui sont finalement assez proches – 2028 est un horizon de temps assez court – mais avec des volumes ambitieux, trois axes nous semblent importants. Le premier est celui de l'appropriation locale des projets d'énergies renouvelables. Le deuxième est celui de l'industrialisation des filières des énergies renouvelables, puisqu'il ne s'agit pas seulement de déployer des volumes, mais il faut aussi dégager des opportunités industrielles. Enfin, le troisième axe est celui de l'intégration des énergies renouvelables au système énergétique. Je pense que Florence Lambert reviendra sur certains de ces sujets.

Concernant le premier axe, pour aller un peu plus dans le détail, nous voyons que la PPE a fait le choix de recourir majoritairement à des technologies extrêmement compétitives aujourd'hui : l'éolien, qu'il soit terrestre ou en mer, le solaire photovoltaïque et, notamment, l'usage de la biomasse dans la chaleur. Je rappelle que la chaleur représente aujourd'hui 45 % de la consommation d'énergie en France et qu'elle reste carbonée à 80 %. C'est un enjeu majeur de décarbonation de notre mix énergétique.

La PPE a fait le choix de se reposer en grande partie sur ces technologies, pour lesquelles la recherche a permis des gains de compétitivité importants. Nous le voyons dans les résultats des appels d'offres très récents. Néanmoins, les progrès technologiques se poursuivent.

À propos de l'appropriation locale des projets, je voudrais vous donner quelques exemples plus concrets. Commençons d'abord par l'éolien. Il y a aujourd'hui différents sujets de questionnement et d'appropriation locale face auxquels nous identifions comme axe de recherche la diminution des émissions sonores des éoliennes, qui peut être perçue comme un enjeu dans certains territoires. Nous avons un gros travail également à faire avec les services de l'État pour réduire l'impact du balisage, notamment nocturne, des éoliennes. Il y a tout un axe de recherche sur la réintégration des enjeux environnementaux, le développement de systèmes d'observation de la faune et de la flore, qu'elle soit terrestre ou maritime. Je voudrais citer l'exemple du programme de recherche « Éolien et biodiversité », piloté par la Ligue de Protection des Oiseaux, grâce auquel le suivi environnemental des projets éoliens génère des données qui sont ensuite versées dans un compte commun géré par le Muséum national d'histoire naturelle. Cela permet d'apprendre en développant les projets, pour que les études d'impact puissent être réalisées à l'avenir encore plus facilement.

Il y a un sujet de gestion des conflits d'usage à approfondir, avec de meilleures cartographies des sensibilités, pour faciliter les co-usages, avec les radars par exemple. Un autre sujet qui émerge dans le débat et sur lequel la filière se mobilise est celui de la fin de vie des éoliennes, notamment le recyclage des matériaux et des pales qui sont en grande partie en matière composite. Nous voyons maintenant émerger des solutions qu'il va falloir désormais industrialiser. Je rappelle que cette première filière devra, si l'on en croit la PPE, générer 35 gigawatts par an de capacité installée alors qu'elle ne produit que 15 GW aujourd'hui.

Concernant le solaire photovoltaïque, comme cela a été mentionné, il est intéressant de voir que de nouvelles applications émergent. Une installation de solaire flottant sera prochainement mise en route. Là aussi, il y a un enjeu de maîtrise du foncier : nous commençons sur des zones artificialisées, mais il faut aussi pouvoir développer du photovoltaïque sur des gravières par exemple. Il existe un potentiel en France en la matière et nous voyons des nouvelles applications apparaître.

L'agrivoltaïsme en est une autre. Avec le changement climatique, des zones viticoles, par exemple, connaissent des augmentations d'alcool dans le raisin. Des applications extrêmement intéressantes apparaissent, permettant à des systèmes photovoltaïques placés sur traqueur de gérer le stress hydrique des plantes et donc de développer un co-usage, entre développement d'énergie solaire photovoltaïque et développement de la production de biomasse.

Pour parler de la biomasse et du bois énergie – le président du Conseil national de l'air est dans la salle – la technologie et la recherche sur les appareils de chauffage au bois, notamment de chauffage domestique, ont énormément progressé au cours de ces dix dernières années. Cela s'est appuyé sur la mise en place d'un label, dénommé « Flamme Verte ». L'enjeu aujourd'hui, pour progresser davantage sur la qualité de l'air, et notamment sur les émissions de NOx, est de travailler sur la qualité du combustible. Les efforts que nous réalisons sur les équipements pourraient en effet être annihilés par l'usage d'un mauvais combustible. Avoir un combustible labellisé de qualité, avec un taux d'humidité contrôlé, représente donc un enjeu aujourd'hui pour la filière. C'est en même temps une opportunité de développement industriel, puisque des filières de production de bois bûche de qualité apparaissent. Il y a par ailleurs le marché du granulé, qui arrive en force, et qui lui aussi apporte des solutions très concrètes en termes de maîtrise de la qualité de l'air.

Le deuxième enjeu est celui de l'industrialisation des filières des énergies renouvelables. Dans le cadre du Conseil national de l'industrie, des comités stratégiques de filières ont été mis en place. Il y en a un notamment qui s'intitule « Industrie des nouveaux systèmes énergétiques » et qui trace des perspectives à la fois de recherche et d'industrialisation des différentes filières. Le gaz renouvelable est un objectif important de la PPE. Au-delà des débats que nous pouvons avoir sur les volumes et les baisses de coûts attendues, il y a un travail d'identification des leviers de baisse des coûts, actuellement mené par la filière. Est également en cours une revue de littérature scientifique pour identifier les externalités positives de cette filière, les quantifier, les objectiver et ensuite les valoriser dans une discussion plus large sur les co-bénéfices qu'elle peut générer. Je citerais également un chantier de structuration industrielle de la filière, d'accompagnement des PME et des ETI, pour qu'elles soient mieux positionnées dans leurs relations avec les autres donneurs d'ordres de la chaîne de valeur et que nous puissions créer une filière française industrielle du gaz renouvelable, notamment sur la partie amont.

L'éolien en mer est évidemment un enjeu majeur. Ces 15 derniers jours, plusieurs annonces importantes ont été faites par le Premier Ministre dans son discours de politique générale et été reprises par le ministre d'État. Aujourd'hui, les volumes sont d'un gigawatt par an, dans la première partie de la PPE. C'est en tout cas ce que nous attendons dans la version révisée de la PPE. Il y a un enjeu industriel fort. Je rappelle que les six premiers parcs posés d'éolien en mer vont générer 15 000 emplois en France, avec des implantations industrielles sur des segments majeurs, notamment la production de pales et de nacelles. Une implantation industrielle est en train d'apparaître avec ces six premiers parcs.

L'enjeu en second lieu est celui de l'éolien flottant, comme le mentionnait David Marchal. La France s'est bien positionnée technologiquement sur cette filière, qui est à 80 % identique à celle de l'éolien posé. Les différences proviennent en fait des technologies de flotteurs, et d'ancrage des structures aux fonds marins. Là-dessus, nous avons de bons positionnements et un très bon exemple de la continuité d'un instrument d'aide publique de recherche-démonstration, avec le programme d'investissements d'avenir (PIA). La première éolienne flottante au large du Croisic, connectée au réseau depuis l'automne dernier, a ainsi bénéficié du PIA porté par l'ADEME. De la même manière, quatre fermes pilotes vont voir le jour assez rapidement. Nous nous réjouissons qu'il y ait dans la PPE une poursuite de cette trajectoire de développement industriel. Nous aurons des projets de l'ordre de 250 mégawatts sur l'ensemble des zones et des régions identifiées : un en façade Atlantique, et deux autres en façade Méditerranée.

S'agissant du solaire photovoltaïque, il existe un enjeu de relocalisation industrielle. Dans le passé, il y a eu des difficultés, mais aujourd'hui, grâce à l'excellence de nos centres tels que l'INES et l'IPVF, la recherche ouvre des perspectives de déploiement industriel en France. Nous avons des technologies différenciantes, à des stades de démonstration, qui n'attendent plus que de passer à des phases industrielles et qui seront extrêmement compétitives sur les marchés internationaux. De la même manière, nous observons que les projections, qu'elles soient européennes ou mondiales, sont très élevées pour cette filière. Il ne faut pas rater le coche. La bataille industrielle n'est pas perdue sur le solaire photovoltaïque.

Pour terminer, je voudrais mentionner deux technologies importantes qui n'ont plus aucune perspective dans la PPE, ce que nous regrettons beaucoup : l'hydrolien et la géothermie.

À propos de l'hydrolien, ces dix derniers mois, une première mondiale a eu lieu avec la mise en place d'une ferme hydrolienne fluviale sur le Rhône, suite à un partenariat entre Hydroquest, Voies Navigables de France et les Chantiers de l'Atlantique. Ensuite, trois démonstrateurs ont été mis à l'eau au cours des derniers mois à Ouessant, à Étel, et à Paimpol-Bréhat. Nous avons bénéficié de financements publics et nous sommes au stade des démonstrateurs. Les PME françaises sont présentes sur le terrain. Elles continuent de déployer des modèles de démonstrateurs à l'échelle 1. L'enjeu maintenant est de passer au stade de la ferme pilote. Là encore, nous pensons qu'une combinaison intelligente des programmes d'investissements d'avenir et des instruments de financement européens pourrait apporter des solutions.

Pour terminer, une autre filière importante est la géothermie. Je la mentionne car c'est un enjeu stratégique. Peu de gens le savent mais les eaux géothermales ont un fort potentiel de production de lithium. Nous avons fait de premiers calculs : avec 10 sites géothermaux exploités, nous pourrions produire l'équivalent d'à peu près 6 % de la production mondiale de lithium actuelle. Les gisements se trouvent en Alsace et dans le Massif Central notamment. Un projet européen mené par ERA-NET sur le sujet, en lien avec les autres filières industrielles, notamment en mobilité électrique, nous semble absolument fondamental. La géothermie électrique est aussi une filière qui a plusieurs avantages.

Sur le tout dernier enjeu, celui de l'intégration du système énergétique il n'y aura pas d'explosion des besoins de flexibilité à court terme. Par contre, après 2035, il va falloir préparer le terrain et alors nous avons différentes solutions : stockage, modulation de la demande ou de l'offre, etc. Je pense que nous y reviendrions dans les échanges.

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