Intervention de Abdelilah Slaoui

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h15
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Abdelilah Slaoui, directeur adjoint scientifique de l'Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) et responsable de la cellule Énergie du CNRS :

– Merci Madame la présidente. Je vous remercie pour cette opportunité de présenter les travaux de recherche et développement au CNRS dans le domaine des énergies renouvelables. En préambule, je voudrais rappeler que sur les 1 100 unités de recherche du CNRS, incluant les universités, les écoles et le CEA, plus du quart sont impliqués dans une R&D concernant l'énergie. Cela représente un équivalent de 4 500 équivalents temps plein travaillés et environ 1 400 pour le CNRS. Le tiers de ces personnes travaillent sur les énergies renouvelables au sens large. Les SHS, dont nous avons parlé, en font aussi partie, mobilisant un nombre important de chercheurs.

Si je me focalise sur les énergies renouvelables, compte tenu du temps limité dont je dispose et de la thématique de la matinée, les énergies renouvelables concernent essentiellement, pour le CNRS, au sens large encore une fois, les énergies solaires, l'énergie marine et les biocarburants. Avec le CEA, nous travaillons beaucoup sur l'hydrogène et les piles à combustible. Cependant, je n'évoquerai pas spécifiquement l'hydrogène – puisque ce n'est pas le propos – mais plutôt l'énergie solaire, la biomasse et les énergies marines.

Je commencerai par la biomasse et son potentiel, en me focalisant sur les biocarburants et sur les systèmes intégrés que nous avons évoqués. Dans ce secteur, il faut regarder le système sous ses différents aspects : la biomasse, l'utilisation de la lumière, avec des procédés chimiques bio-inspirés ou des procédés physico-chimiques, pour produire différents éléments (éthanol biodiesel, hydrogène, électricité) essentiellement destinés aux usages de la mobilité. Nous développons des axes de recherche autour de cela. Nous nous focalisons sur les biocarburants de deuxième et troisième générations pour éviter les inconvénients de la première génération, qui utilise souvent des plantes riches en sucre (betteraves, canne à sucre) ou des plantes riches en huile (soja, colza et palme) et éviter ainsi la concurrence avec la production à des fins alimentaires et le coût environnemental associé. Les biocarburants de deuxième génération sont fondés sur l'utilisation de la biomasse lignocellulosique, c'est-à-dire des taillis, du bois, de la paille, dont la production n'interfère pas avec l'alimentation.

Les biocarburants de troisième génération reposent sur l'utilisation des micro-organismes photosynthétiques, par exemple les micro-algues, les cyanobactéries, qui vont transformer directement la lumière solaire en composés d'intérêt énergétique (de l'hydrogène, des lipides) pour produire du biodiesel. Beaucoup de personnes travaillent sur ce sujet et nous y croyons beaucoup.

Dans le domaine de la R&D, à court terme, nous allons déjà nous appuyer sur les résultats de démonstrateurs « bio-fuel », et plus généralement sur ce qui existe déjà (Bio-T-full, Gaya et Futurol). À long terme, nous voulons développer des micro-organismes ou des enzymes à bas coût, de manière à pouvoir produire ces biocarburants. À plus long terme encore, il y a tout ce qui est procédés de valorisation énergétique des algues et autres bio-organismes.

Pour l'énergie solaire, j'évoquerai deux aspects. Il y a bien sûr l'électricité photovoltaïque, dont nous avons beaucoup parlé et dont il faut accompagner l'expansion importante. Pour cela, nous travaillons sur des feuilles stratégiques de recherches matricielles. Les aspects d'étude fondamentale concernent la chimie, la physique, la photonique et les modélisations, mais il faut tenir compte aussi des recherches sur les matériaux. L'objectif de la R&D est dans tous les cas d'accroître les rendements de conversion et de réduire les coûts. Pour cela, nous nous appuyons sur de nombreux laboratoires. Une fédération représente 25 laboratoires, avec l'IPVF6 et en collaboration avec le CEA. Outre l'amélioration des rendements, nous visons à utiliser le moins de matière possible, avec des couches de matériaux de plus en plus minces, avec des matériaux performants, des matériaux constitués d'éléments abondants, en innovant aussi dans les procédés de fabrication.

Il ne faut pas oublier l'énergie solaire thermique ou thermodynamique, autour de laquelle se réalisent énormément d'activités de recherche. Je rappelle que par exemple, le four solaire d'Odeillo va fêter ses 50 ans cette année. Même s'il n'a pas « produit » directement, il a permis énormément de productions indirectes en termes de R & D, à commencer par la production d'électricité par une turbine à gaz et d'énergie solaire dans un projet qui s'appelle Pégase, ou bien des activités autour du stockage thermique.

Les énergies marines présentent un potentiel considérable, nous en avons déjà parlé. Cette filière a différentes variantes : de l'éolien posé jusqu'à l'énergie des vagues, en passant par l'éolien flottant, comme nous l'avons dit, et l'hydrolien. Chacune a ses avantages et ses inconvénients, leur maturité technologique est variable, leur empreinte carbone diffère, ou parfois est mal connue. S'agissant des énergies marines, nous nous sommes organisés pour travailler dans le cadre d'un groupe de recherche comprenant 28 partenaires, dans 18 unités de recherche, en partenariat avec France Énergies Marines, CEREMA, l'INRIA et l'IFPEN, mais aussi de nombreuses entreprises. Nous avons beaucoup contribué à ce que les énergies marines renouvelables puissent prendre toute la place qui leur revient. En particulier, nous avons retenu des axes de recherche spécifiques pour optimiser les performances des filières matures, comme les interactions entre les machines, l'optimisation des architectures de raccordement, la standardisation.

Le deuxième axe consiste à faciliter la maturation pour les filières en développement, avec des modélisations en multi-physique. Nous disposons de plusieurs bassins et sites d'essais. Il nous faut également étudier les possibilités d'intégration au réseau pour que cela ait du sens.

Le troisième axe vise à préparer les prochaines générations de convertisseurs. C'est là où les ruptures technologiques apparaissent, par exemple avec des génératrices supraconductrices. Nous travaillons sur les éoliennes à 20 méga et plus, power to gas liquide, et sur de nouveaux concepts.

Comme vous pouvez le voir, tout un ensemble d'activités se développe autour de ces différentes énergies renouvelables. Il ne faut pas oublier ce qui concerne l'hydrogène et la pile à combustible, le stockage, la pile à combustible à électrolyseur à oxyde solide, ou encore les systèmes énergétiques multi-flux. Tout cela entre dans le cadre d'une fédération d'organismes de recherche ainsi qu'au sein des consortiums que nous créons avec le CEA et les industriels, pour faire en sorte que cette technologie puisse être celle de demain.

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