Intervention de étienne Brière

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h15
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

étienne Brière, direction de la R&D d'EDF :

– Je souhaiterais commencer mon propos en rappelant de nouveau que les EnR (Énergies renouvelables) constituent un domaine très large, avec à la fois des EnR électriques, dont nous avons parlé, notamment l'hydraulique – la première des ENR électriques, et encore pour longtemps – et les EnR thermiques, qu'il s'agisse de bioénergie, de géo-énergie ou de pompes à chaleur. Mon propos ce matin va se concentrer sur les énergies renouvelables électriques, mais il est important, dans toutes les réflexions que nous pouvons développer dans le domaine de la recherche, de ne pas oublier les autres. Cela a bien été pris en compte ce matin. C'est un point extrêmement important.

La R&D d'EDF sur les EnR s'inscrit dans la stratégie du groupe qui a lancé plusieurs plans, à la fois pour un doublement de la puissance installée en énergies renouvelables, un plan solaire ambitieux (stockage et mobilité), ainsi qu'une stratégie hydrogène bas carbone sur laquelle je ne reviens pas. L'ensemble répond aux objectifs de la PPE et de la stratégie nationale vers la neutralité carbone. En termes de R&D, le Groupe EDF fait des efforts importants chaque année et plus de 60 % de cette R&D sont consacrés aux nouvelles technologies de la transition énergétique.

Je vais illustrer nos priorités de R&D en trois points. Le premier s'appuie sur le constat que nous faisons tous. Effectivement les progrès des énergies renouvelables – une division par 10 en 10 ans des prix des panneaux photovoltaïques et des batteries, une division par 2 en 8 ans pour l'éolien – sont très importants et vont se poursuivre. Nous sommes convaincus qu'effectivement, dans les cinq ans qui viennent, les progrès vont continuer, à la fois en termes de performance et de coût. Le premier objectif pour nous, à la R&D d'EDF, est donc de permettre de déployer et d'industrialiser le plus rapidement possible les nouvelles technologies qui arrivent sur le marché. Nous avons un rôle de passeur pour permettre à la R&D d'apporter la performance opérationnelle aux projets en France et dans le monde.

Je donnerai quelques exemples, le premier pour le photovoltaïque. Depuis 2 ou 3 années, nous avons vu émerger des panneaux bifaciaux, qui augmentent le productible. Notre rôle a été de les qualifier, d'évaluer leur productible, l'énergie produite, de manière à ce que cette technologie puisse être intégrée rapidement dans les projets.

Un autre exemple est le lidar flottant, une technologie qui mesure le vent en mer. Nous l'avons qualifié et maintenant, cela permet de mesurer le productible, l'énergie attendue, sur des parcs éoliens en mer, de manière plus rapide et moins chère. C'est un autre exemple d'activité de R&D où nous qualifions des nouvelles technologies pour les industrialiser et les intégrer directement dans les projets.

Pour l'hydraulique, les technologies de surveillance des ouvrages sont importantes. Nous avons développé des technologies de fibre optique pour détecter plus rapidement les fuites éventuelles sur des ouvrages. Les actions pour la maîtrise des impacts environnementaux constituent aussi des enjeux pour les projets en cours.

Un autre exemple actuel est le sujet de l'autoconsommation photovoltaïque : la R&D a pu mettre au point des services d'autoconsommation, permettant à des particuliers d'intégrer du photovoltaïque dans leurs usages, dans le souci d'une économie de leur facture et d'un usage accru de cette forme d'énergie.

Le deuxième point de mon propos est qu'effectivement, ces nouvelles technologies sont des composantes des systèmes énergétiques. Des axes importants de nos projets de R&D consistent justement à faciliter et accélérer cette intégration des énergies renouvelables dans les systèmes énergétiques qui, demain, seront autant centralisés que décentralisés, locaux et globaux.

Mon premier exemple en la matière sera l'optimisation des systèmes de stockage pour améliorer la rentabilité des dispositifs. Nous avons testé, il y a cinq ou six ans, des batteries de 1 mégawatt sur notre site des Renardières. Nous avons pu développer les algorithmes de pilotage pour montrer les services que pouvaient rendre ces systèmes de stockage, ce qui nous a permis ensuite de déployer des projets opérationnels aux États-Unis et au Royaume-Uni, ainsi que dans les territoires insulaires, pour voir en quoi ces batteries apportaient des services. Cette action de R&D vise à améliorer l'intégration des ENR dans les systèmes électriques.

Un autre élément d'activité concerne l'optimisation et l'agrégation de plusieurs offres. Le développement du compteur Linky est une brique importante du développement de la transition énergétique. Ce compteur va permettre d'accroître la flexibilité de l'aval comme on dit en jargon, c'est-à-dire le pilotage des charges chez les clients. L'outil que sont les compteurs communicants est une brique essentielle du paysage, que nous allons permettre d'utiliser pour activer le pilotage des ballons d'eau chaude ou, par exemple, de la charge des véhicules électriques. Nous travaillons sur ces nouvelles sources de flexibilité.

Les systèmes énergétiques de demain seront constitués de plusieurs éléments. Je prends l'exemple d'un projet qu'EDF a gagné au Maroc, qui illustre l'intérêt des solutions d'hybridation. Il s'agit d'un projet où l'on couple à la fois du solaire thermodynamique, du photovoltaïque, du stockage thermique, et toute l'innovation qui favorise ces nouveaux projets intégrés dans le système électrique. Ce système va produire de l'électricité décarbonée de 8 heures du matin à minuit, grâce à des solutions intelligentes de couplage de sels fondus, de stockage thermique et de photovoltaïque, à des prix très compétitifs, inférieurs à 65 euros le mégawattheure.

J'évoquerai également, dans cette démarche d'intégration, les études régionales que nous conduisons pour accompagner les territoires dans leur stratégie vers la neutralité carbone. Ces études mettent en lumière la complémentarité des énergies locales avec les énergies plus centralisées, dans un objectif de développement de plusieurs vecteurs énergétiques couplant l'électricité à d'autres vecteurs, pour atteindre les objectifs de bas carbone.

Enfin, mon dernier point portera sur la R&D à plus long terme pour préparer les technologies du futur. Il s'agit d'anticiper et de préparer les solutions technologiques et systémiques de demain. Je citerai un premier exemple, dont nous sommes plusieurs acteurs autour de la table : l'IPVF (Institut photovoltaïque d'Île-de France). Cet ITE7, qui a été mentionné ce matin, traite du photovoltaïque, et associe Total, Air Liquide, les PME Horiba Jobin Yvon et Riber, l'École Polytechnique et le CNRS, pour aller de cellules standards vers des cellules à 30 % de rendement à l'horizon 2030. Initialement, nous visions 30 centimes d'euros mais nous sentons qu'il faudra sans doute fixer des objectifs plus ambitieux encore, peut-être 25 centimes d'euros Cette préparation de l'avenir nécessite des démarches en partenariat, nous ne pouvons pas les faires seuls. Mon voisin Benoît Lombardet, de Total, souhaitera peut-être l'évoquer aussi.

Un autre sujet est la question du vieillissement des composants, que ce soit des éléments photovoltaïques ou des électrolyseurs. Nous devons travailler à comprendre le vieillissement de ces matériels par des lois phénoménologiques, par des lois empiriques. C'est important.

L'éolien en mer représente un autre défi, avec l'éolien flottant bien sûr, mais aussi l'éolien posé. Il soulève des questions sur la maîtrise des risques environnementaux et le développement de solutions techniques comme celles des flotteurs ou des câbles dynamiques, et des sujets liés aux impacts environnementaux. Cette démarche est également développée en partenariat puisque l'ITE France Énergies Marines constitue un des vecteurs importants de coordination des acteurs en France. Nous en sommes pleinement satisfaits parce qu'il permet une excellente coordination entre acteurs industriels et acteurs académiques.

Enfin, la gestion des données et le numérique sont des enjeux essentiels. La capitalisation des données de retour d'expérience est extrêmement structurante. Nous travaillons à définir des formats de données qui vont nous permettre de préparer leur analyse et de renforcer la compétitivité des EnR demain. Nous évaluons des technologies nouvelles, comme les convertisseurs électroniques, les volants d'inertie, les super-capacités, afin de préparer et d'évaluer les places de ces technologies dans le futur.

Je n'oublie pas les enjeux des impacts environnementaux, notamment sur la biodiversité, et les questions de perception et d'acceptabilité pour lesquels nous mobilisons une équipe de sociologues et avons de nombreuses thèses en cours, en association avec des laboratoires partenaires.

En conclusion, le développement des EnR s'inscrit bien, pour EDF, dans le cadre de la PPE et de la stratégie vers la neutralité carbone. Dans ce contexte, nous anticipons pour préparer les briques technologiques qui s'intègreront dans la transition énergétique. La transition énergétique repose sur plus d'électricité décarbonée, plus d'usages de l'électricité. Les pompes à chaleur, l'hydrogène fabriqué à partir d'électricité bas carbone et les véhicules électriques, accompagnés d'une réglementation qui valorise l'absence de CO2, sont pour nous des axes majeurs de la transition énergétique et la R&D y contribue.

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