– Merci de nous avoir conviés à cette audition, qui va nous permettre de vous donner un aperçu de nos principaux axes de R&D en matière d'énergies renouvelables. Compte tenu du temps limité, je ne vais pas vous dresser un panorama exhaustif de tous nos programmes, mais plutôt vous présenter une sélection de ceux qui nous paraissent prioritaires.
Avant de commencer, j'aimerais consacrer quelques minutes à replacer les énergies renouvelables dans la stratégie du Groupe Total et plus généralement, dans le contexte global de la lutte contre le changement climatique. Comme vous le savez, l'ambition du Groupe Total est de devenir la major de l'énergie responsable, c'est-à-dire de fournir à une population mondiale en croissance une énergie abordable, propre et disponible. « Propre » signifie pour nous respectueuse de l'avenir de la planète. Pour cela, nous intégrons dans notre stratégie les objectifs de réduction d'émissions de CO2 fixés lors de la COP 21, et les scénarios de mix énergétique nécessaires pour les atteindre. Cette transformation du mix énergétique mondial, comme cela a été mentionné précédemment, va demander des « efforts de guerre ». Le développement de nouvelles technologies exigera des investissements massifs dans la construction et le développement de nouvelles infrastructures de production, de transformation et de transport de l'énergie, tout cela au fur et à mesure des progrès technologiques et de la réduction des coûts. Cette réalité technique et économique fait que la transformation du mix énergétique ne pourra passer que par une évolution et non par une révolution. Nous tenons compte de ce constat dans notre stratégie.
L'autre élément que nous intégrons dans notre stratégie est que cet enjeu est mondial. L'objectif est de limiter les émissions de CO2 à l'échelle de toute la planète, et non pas d'un seul pays. Notre approche est globale et prend en compte les besoins et les spécificités locales de tous nos clients, dans chacun des 130 pays où nous sommes présents. Pour atteindre les objectifs fixés lors de la COP 21, nous devons agir simultanément selon trois axes. En premier, il faudra faire évoluer le mix d'énergies fossiles, c'est-à-dire le charbon, le pétrole et le gaz, vers plus de gaz, qui est deux fois moins émetteur de CO2 que le charbon. Ensuite, il faudra développer l'efficacité énergétique, car nous devons maintenir stable la consommation d'énergie tout en satisfaisant les besoins d'une population en croissance et qui aspire à un meilleur confort de vie. Enfin, nous devrons déployer un maximum d'énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial.
Aujourd'hui, je vais me focaliser sur nos programmes R&D sur les énergies renouvelables, mais sachez que nous investissons des efforts de R&D tout aussi importants sur les deux autres axes et sur d'autres aspects de la transition énergétique.
Le premier axe de recherche que je vais vous présenter a pour objectif de réduire le coût de l'électricité renouvelable, car même si des progrès considérables ont été effectués ces dernières années, avec l'électricité solaire désormais compétitive sur beaucoup de marchés, nous pensons qu'il reste un grand potentiel d'amélioration. Au niveau des composants d'abord, notre filiale Sun Power propose déjà les panneaux solaires les plus performants et plus fiables du marché, mais nos équipes de R&D continuent sans cesse de les améliorer. La toute nouvelle génération qui a été mise sur le marché en mars, et qui a été développée en collaboration avec les équipes R&D de Total, présente ainsi un rendement record, supérieur à 22 %, et une dégradation près de trois fois inférieure à celle des panneaux conventionnels.
Nous préparons aussi les ruptures technologiques de demain. Pour cela, nous avons créé l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France avec nos collègues d'EDF, d'Air Liquide, avec le CNRS et l'École Polytechnique. Comme cela a été mentionné, c'est un partenariat assez unique, entre académiques et industriels, dans le but de développer les prochaines générations de panneaux solaires, plus fiables, plus performants et moins chers que les technologies actuelles à base de silicium. C'est aussi un exemple d'engagement de Total dans une dynamique de filière et dans un partenariat public-privé. Monsieur le vice-président Cédric Villani, député de l'Essonne, qui était présent tout à l'heure, connaît notre intention d'aller plus loin et de développer d'autres projets de ce type sur le plateau de Saclay.
À plus court terme, nous développons nos propres outils de modélisation et de design des systèmes solaires, pour être capables de proposer à chacun de nos clients la solution la plus fiable, la plus économique et la mieux adaptée à ses besoins, partout dans le monde. Nous déployons en parallèle des sites de test dans différentes localisations et nous y testons les différentes technologies, en comparant les résultats avec nos modèles prédictifs afin de les améliorer, par exemple dans la prédiction des phénomènes de dégradation ou dans l'évaluation des performances de technologies émergentes comme les panneaux bifaciaux, qui ont déjà été mentionnés. Cela nous permet d'améliorer notre excellence opérationnelle, par exemple en optimisant nos stratégies et techniques de nettoyage dans des environnements avec fort empoussièrement. Bien entendu, nous exploitons ici désormais toutes les opportunités offertes par les progrès de la science des données. Nous allons développer une plateforme numérique où nous agrégerons toutes les données provenant de nos sites de production solaire dans le monde. Cela va nous permettre d'analyser en temps réel les performances et de détecter des problèmes, mais aussi d'affiner nos modèles prédictifs.
Dans l'éolien, nous avons une approche assez similaire. J'aimerais simplement mentionner que nous avons développé une gamme de lubrifiants spécifiques pour les turbines éoliennes, qui permettent d'améliorer leur rendement et d'augmenter leur durée de vie. Notre objectif est aussi de réduire l'intervalle des vidanges. Aujourd'hui, leur huile doit être changée tous les trois à six ans. Grâce à nos solutions, nous avons déjà montré que nous pouvions porter cette durée à dix ans et nous visons désormais d'atteindre le plein à vie. Comme le montre cet exemple, chaque détail compte pour réduire le coût de l'électricité renouvelable et diminuer son empreinte carbone. Chaque élément de la chaîne de valeur doit être optimisé et Total travaille partout où il peut y avoir une valeur ajoutée.
Le deuxième axe de recherche pour les énergies renouvelables, qui a déjà été mentionné ce matin, consiste à permettre leur déploiement massif et d'être installées sur des sites aujourd'hui inaccessibles. Pour vous donner quelques exemples sur lesquels travaille Total, dans le domaine solaire, nous visons, avec des start-up françaises, à faire cohabiter agriculture et production solaire, ou encore à trouver des solutions pour solariser des toits dont la structure ne permettrait pas de supporter le poids du système photovoltaïque habituel. Dans l'éolien, nous développons aussi un programme d'éolien offshore flottant en haute mer. C'est une technologie qui permet d'accéder à des gisements de vent plus stables et de minimiser les nuisances visuelles et sonores pour les populations. Or Total est un leader mondial des plateformes ancrées ou flottantes en haute mer. Nous mobilisons actuellement toute l'expertise que nous avons acquise depuis des années dans le domaine des hydrocarbures pour la transposer dans le domaine de l'éolien flottant. Comme pour les lubrifiants, nous mettons à profit les compétences développées dans nos métiers traditionnels pour faire progresser les technologies renouvelables.
Le troisième axe consiste à résoudre le problème de l'intermittence des énergies renouvelables. L'électricité renouvelable est aujourd'hui propre et désormais abordable, mais il reste encore à la rendre disponible. Nos clients souhaitent pouvoir en bénéficier chaque fois qu'ils en ont besoin, c'est-à-dire aussi la nuit et quand il n'y a pas de vent. Comme vous le savez, Total a acquis en 2016 le groupe français Saft, leader mondial des batteries de spécialité. Saft développe désormais des solutions de stockage pour l'énergie stationnaire. À court terme, nous améliorons les technologies lithium-ion à base d'électrolyte liquide, et nous les intégrons dans des systèmes parfaitement sécurisés.
La sécurité est la priorité numéro un du Groupe Total et de Saft, et nos solutions de stockage stationnaire intègrent des dispositifs de sécurité spécifiques et propriétaires pour prévenir tout risque d'incendie généralisé. Pour rappel, un container de stockage contient autant de batteries qu'une cinquantaine de voitures électriques. Les incendies observés récemment dans les systèmes de nos concurrents justifient les efforts de R&D importants que nous avons investis sur ce sujet.
Enfin, nous développons la prochaine génération de batteries lithium-ion à électrolytes solides, dans le cadre d'un consortium européen avec des partenaires comme Solvay, Manz ou Siemens. Ce programme permettra de développer des batteries plus sûres, avec une densité énergétique supérieure, et donc avec une plus grande autonomie. Les premières applications verront le jour en 2025. La massification est attendue à l'horizon 2030.
Dernier axe que je souhaite mentionner aujourd'hui : il s'agit de coupler nos technologies d'énergies renouvelables avec nos technologies de stockage et avec d'autres sources de production électrique comme les centrales à gaz. Ces systèmes multi-énergies nous donnent une grande flexibilité dans la production d'électricité bas carbone et nous permettent de répondre aux besoins spécifiques de chacun de nos clients. Par exemple, en couplant batteries et centrale photovoltaïque (PV), nous pouvons fournir une électricité bas carbone plus stable et sur une durée plus longue dans la journée. En couplant du PV à des génératrices diesel, nous permettons à nos clients qui ne sont pas reliés à un réseau électrique de réduire leur empreinte carbone, en économisant du fioul en journée. Nos programmes de recherche ont pour objectif de dimensionner et de modéliser ces systèmes complexes, et de développer et optimiser les algorithmes qui en pilotent le fonctionnement.
Dernier exemple que je vais vous citer aujourd'hui : nous collaborons avec l'École Polytechnique dans la réalisation d'un bâtiment intelligent sur le campus de Saclay. Ce bâtiment sera équipé de panneaux Sun Power et de batteries Saft, et son optimisation énergétique sera réalisée par notre filiale GreenFlex. Dans le cadre de la chaire Trend X, nos équipes de R&D vont collaborer avec l'École Polytechnique pour y développer des stratégies innovantes d'efficacité énergétique qui intégreront notamment le comportement et l'action des étudiants résidents.
Je vous remercie de votre attention et je suis à votre disposition pour répondre aux questions.