Ces deux textes ont été déposés par notre collègue sénateur Alain Richard et adoptés par le Sénat avec le soutien du Gouvernement. Ils apportent des clarifications utiles au code électoral, que chacun sait, en particulier dans cette salle, ne pas toujours être d'une compréhension aisée.
En préambule, je tiens à préciser que les sénateurs ont strictement circonscrit le champ de ces deux textes aux questions liées au financement des campagnes et à la propagande électorale, position que nous vous proposons de suivre.
Ces clarifications, issues pour la plupart de recommandations du Conseil constitutionnel formulées dans sa décision du 21 février dernier sur les élections législatives de 2017, touchent à des sujets particulièrement sensibles pour les candidats, mais également et surtout pour nos concitoyens. Deux grandes thématiques sont en effet abordées : les conditions de financement des campagnes électorales – notamment la question de l'inéligibilité pouvant être prononcée en cas de manquement grave ou de fraude – et les conditions dans lesquelles se déroule la propagande électorale, qui suscitent à chaque élection des questions récurrentes.
Je me réjouis, à ce titre, que ces dispositions proviennent d'une initiative parlementaire : il est en effet de notre responsabilité que les règles encadrant les campagnes et l'expression des suffrages soient les plus claires et les plus précises possibles, et que tout soit fait pour en assurer le plein respect. Cette exigence démocratique, que nous avons portée dès le début de la législature avec la loi pour la confiance dans la vie politique, trouvera d'ailleurs, une suite avec le projet de loi « Engagement et Proximité », dont nous débattrons dans quelques semaines.
Si ces propositions traitent d'un champ beaucoup plus restreint, elles s'inscrivent dans cette volonté de transparence et d'exemplarité que nous sommes nombreux à partager dans tous les groupes présents au sein de cette commission.
Je souhaiterais à présent rappeler succinctement le contenu des deux textes que nous allons examiner. La proposition de loi ordinaire comprend deux volets.
Le premier traite des conditions de financement des campagnes électorales et des sanctions pouvant être prononcées par le juge de l'élection.
À ce titre, l'article 1er A permet désormais aux candidats, mais également aux partis politiques, à la suite d'un sous-amendement du Gouvernement adopté par le Sénat, de recueillir des dons par le biais de plateformes de paiement en ligne. Comme le recommandait le Conseil constitutionnel, cette dérogation au principe selon lequel aucun tiers ne peut intervenir dans le recueil des dons entre le candidat et les donateurs, à l'exception de son mandataire, s'accompagnera d'un décret devant préciser les modalités de traçabilité des opérations financières ainsi effectuées et la fiabilité de la qualité de personnes physiques des donateurs.
L'article 1er propose plusieurs mesures de simplification pour les candidats, dont notamment une dispense de recourir à un expert-comptable pour tous ceux qui n'ont pas atteint 5 % des suffrages exprimés – ou 3 % par coordination pour les élections européennes – et dont les dépenses sont inférieures à un plafond fixé par décret. Cette mesure devrait soulager de nombreux petits candidats, sans nuire au contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui d'ailleurs soutient cette mesure.
Les articles 1er bis et 1er ter sont de précision et n'appellent pas de commentaires particuliers, tandis que l'article 3 bis concerne le délai de carence qui s'appliquera aux préfets et aux sous-préfets prenant leur retraite pour se présenter à des élections municipales dans le ressort de leur ancienne activité. Ce délai me semble être de bon sens, et peut-être même devrait-il être plus important, notamment pour les sous-préfets qui ont un véritable rôle de proximité dans nos territoires.
J'ai davantage de réserves sur les autres dispositions de ce premier volet, à savoir, à l'article 1er ter A, la légalisation du paiement de menues dépenses directement par le candidat, qui n'est actuellement que toléré. En effet, les plafonds proposés me semblent élevés selon les élections ou la taille de la collectivité concernée, et il me paraît difficile de définir a priori ce qu'est une « menue dépense », comme l'ont montré les auditions que nous avons conduites. Il me semble donc que cette disposition ne sécurisera pas nécessairement les candidats et qu'elle pourrait avoir des conséquences négatives sur les conditions dans lesquelles sont engagées les dépenses pendant les campagnes.
Par ailleurs, les dispositions prévues aux articles 2 et 3, hormis des clarifications rédactionnelles bienvenues, ne me semblent ni répondre aux préoccupations du Conseil constitutionnel concernant la date d'application des peines d'inéligibilité, ni adresser un message opportun aux candidats et à leurs électeurs, puisque, dans la version adoptée par le Sénat, le juge est invité à prononcer des peines différentes pour des candidats ayant commis un manquement comparable. La justification avancée est le délai éventuel séparant deux décisions, du fait de l'instruction des dossiers, délai qui ne doit pas conduire à ce que deux candidats condamnés se retrouvent dans des situations d'éligibilité ou d'inéligibilité différentes au regard des élections suivantes.
Or, au-delà de l'incertitude sur les intentions de ces candidats concernant les futures élections, il ne semble pas justifié d'établir une peine en fonction de la capacité d'un candidat à se présenter à un scrutin à venir, surtout lorsque le manquement commis est d'une particulière gravité ou qu'il relève d'une fraude. Une telle mesure me semblerait, à titre personnel, très difficile à justifier auprès de nos concitoyens.
Le second volet de cette proposition de loi apporte également plusieurs clarifications qui rejoignent les préoccupations récemment exprimées par le Conseil constitutionnel. L'article 4 vise à interdire la tenue des réunions électorales la veille du scrutin, ce qui permet d'uniformiser les règles calendaires applicables à l'ensemble des actions de propagande électorale. Dans cette perspective, je vous proposerai d'adopter un amendement afin de fixer le terme de la campagne électorale à la veille du scrutin, zéro heure, c'est-à-dire, en pratique, le vendredi soir à vingt-trois heures cinquante-neuf, conformément au droit en vigueur régissant l'élection présidentielle.
L'article 4 bis permet de clarifier les règles de communication des résultats électoraux constatés en outre-mer lors des élections générales, en interdisant la diffusion de résultats partiels ou définitifs avant la fermeture du dernier bureau de vote en métropole.
L'article 5 vise à préciser le contenu des bulletins de vote, notamment en ce qui concerne les noms et la présence éventuelle de photographies susceptibles d'y être insérées, de manière à assurer la sincérité du scrutin. Si le texte adopté par le Sénat va dans le bon sens, quelques ajustements me paraissent nécessaires.
Enfin, outre plusieurs dispositions de simple coordination, la proposition de loi pose, à l'article 6, le principe de l'immutabilité du régime électoral un an avant toute élection, ce qui justifie, par cohérence, de prévoir une entrée en vigueur différée de cette proposition de loi, c'est-à-dire postérieure aux prochaines élections municipales – c'est l'objet de l'article 8.
Pour ce qui est de la proposition de loi organique, elle tire les conséquences de la loi ordinaire pour les élections sénatoriales, législatives et présidentielles et appelle, par conséquent, les mêmes remarques que celles que je viens de présenter pour la loi ordinaire.
Je tiens pour conclure à remercier M. Christophe Euzet, qui m'a accompagné tout au long des auditions. Nous avons tâché de conserver le plus possible les avancées obtenues au Sénat quand elles nous semblaient aller dans le bon sens, et les amendements que nous vous proposerons permettront, je l'espère, d'aboutir à un texte équilibré qui puisse être adopté par nos collègues sénateurs.