Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du jeudi 12 septembre 2019 à 15h00
Mobilités — Article 36

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

… au sud du pays ou à l'Italie seront débarquées à Rotterdam. Cela augmentera le volume du transport routier, ce à quoi je suis opposé. Nous devons trouver le moyen, d'une manière ou d'une autre, que l'on cesse de contourner toute la France et l'Espagne pour livrer des marchandises qui devront revenir en France, et parfois même dans le sud de la France ou en Italie. Nous devons couper cette route, ou du moins la rendre plus pénible – en tout cas, pas la faciliter ni accroître sa fréquentation.

En outre, les Français ont quelque chose à proposer que d'autres n'ont pas forcément. Dans la zone du port fluvial de commerce de la Drôme, que l'on appelle « port de Valence », convergent le réseau de chemin de fer, l'autoroute et, si mes souvenirs sont bons, un canal. Le chemin de fer est même relié à une énorme plateforme de tri, une gare de triage. Tout cela est laissé à l'abandon. C'est une erreur totale ! Mes collègues prétendent que cela ne se dit pas, mais si : l'intérêt national et l'intérêt écologique, cela existe !

Nous devons restreindre la capacité des grandes structures à accueillir des quantités de plus en plus déraisonnables de marchandises, qui ensuite sont redirigées vers des régions où elles pourraient arriver d'une tout autre manière.

J'en viens à mon dernier argument – et je demande, là encore, que l'on s'y arrête quelques instants, même si cela ne rejoint pas complètement l'actualité. Depuis que les glaces du pôle fondent, une route maritime est en train de s'ouvrir, provoquant d'ores et déjà des querelles sur la propriété de ce qui se trouve sous l'eau, querelles territoriales entre la Russie, le Danemark et les États-Unis d'Amérique notamment. Nous, Français, restons en retrait, mais si nous nous penchions vraiment sur la question, nous pourrions nous en mêler.

L'ouverture de cette nouvelle route emporte une conséquence : l'un des critères du transport maritime est en train de sauter. Autrefois, le seul critère existant était la largeur d'un bateau, pas la longueur. Je ne sais pas si vous avez eu cette occasion, mais j'ai pu voir une fois un navire de 350 mètres de long ! Il n'y a pas de limite, on peut faire flotter ce qu'on veut, du moment qu'on a les bons architectes et les bons ingénieurs ! Bref, dès lors que s'ouvre une route passant par le Nord, le critère de la largeur n'intervient plus, parce qu'on n'a plus à tenir compte de la largeur du canal de Suez ou du canal de Panama. Seul le critère de la longueur demeure. Et, la contrainte de la largeur disparaissant, on pourra transporter des quantités de plus en plus importantes sur des navires de plus en plus grands.

Le transport maritime représente déjà 90 % du transport international. Je ne vous parle pas là de quantités résiduelles, ou d'un moyen parmi d'autres de transporter des marchandises : le transport essentiel du commerce mondial, ce sont les voies maritimes ! Or ce ne sont pas les voies les moins polluantes, tant pour l'eau, même si les gens pensent souvent que la mer est infinie et qu'elle épongera tout ce que l'on y jette, que pour l'air, même si bien sûr nous faisons de très gros progrès, nous autres Français en particulier, sur les moteurs et sur les modes de propulsion – ce sont des techniques que nous maîtrisons.

Je dis tout cela pour refuser cette hypocrisie qui pousse à ne rien dire, ou à faire comme si le canal Seine-Nord Europe allait de soi. Non, il ne va pas de soi ! Je le dis comme je le pense : il n'est pas utile au regard des défis de notre époque, et il coûte beaucoup trop cher alors que nous avons besoin de beaucoup d'argent pour alimenter le réseau « secondaire » – entre guillemets – des canaux en France. Surtout, pendant que nous réalisons ce projet, nous ne faisons pas le reste – nous ne modifions pas l'écluse qui sépare la Seine du port du Havre, ce qui nous permettrait de faire entrer par le port du Havre des quantités de marchandises considérables qui feraient du Havre le port de Paris.

Ce serait notre intérêt bien compris. Notre pays est un grand consommateur de marchandises importées. Nous sommes, souvenons-nous-en, la deuxième économie de l'Union européenne, et nous avons à notre porte ses troisième et quatrième économies, à savoir l'Italie et l'Espagne. Jusqu'à une date récente, avant que nous ne fassions entrer d'un coup dix pays d'Europe de l'est dans l'Union, la France était une plateforme, elle absorbait une quantité considérable de marchandises.

L'intérêt écologique, l'intérêt financier et l'intérêt national se conjuguent pour dire que ce canal est une erreur. Ce qu'il faut, c'est créer une bonne liaison entre Paris et Le Havre…

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