« L'obscurité dans l'expression des lois vient ou de ce qu'elles sont trop verbeuses, trop bavardes, ou au contraire de leur excessive brièveté », disait Francis Bacon il y a plus de trois siècles. Les préconisations du Conseil constitutionnel s'inspirent très certainement de ce constat, mais aussi et surtout d'un principe de réalité et d'une expérience précieuse qui donnent tout leur sens aux textes dont nous discutons aujourd'hui.
Ces textes affichent les objectifs de clarification et d'harmonisation de certaines dispositions du droit électoral relatives à la propagande électorale et à l'inéligibilité. Il s'agit, en d'autres termes, d'améliorer la lisibilité de la loi.
Ces propositions de lois comportent des correctifs utiles en matière de propagande électorale et d'opérations de vote. Comme l'a relevé le Conseil constitutionnel, il ne paraît pas cohérent d'autoriser les réunions électorales jusqu'à la veille du scrutin, alors que les autres formes de propagande, telles que les tracts ou messages électroniques, sont interdites dès le samedi précédant l'élection. L'article 4 procède donc à une harmonisation nécessaire et pertinente qui simplifiera la réflexion des candidats sur ce qu'ils peuvent ou doivent faire.
De même, il était peu logique qu'aucun texte n'interdise la présence de la photographie d'une personne autre que le candidat ou son suppléant sur un bulletin alors que seul le nom de ce dernier peut y figurer. Là encore, les clarifications apportées par l'article 5 sont bienvenues.
En revanche, les dispositions relatives à la déontologie sont insuffisantes à une époque où la probité et l'exemplarité sont devenues des impératifs de l'action publique.
Nous proposons de porter à deux ans – ce qui correspond à la durée moyenne d'exercice des fonctions – la durée de l'interdiction faite aux anciens membres du corps préfectoral – notamment les sous-préfets – de se présenter dans le ressort où ils ont exercé leurs fonctions afin de favoriser l'impartialité des élections.
L'article 2 est celui qui nous pose véritablement problème. Il nous semble ne pas suivre les préconisations du Conseil constitutionnel, lesquelles demandaient simplement un alignement du texte sur la pratique, c'est-à-dire l'appréciation laissée au juge pour prononcer une peine d'inéligibilité dans les trois cas énumérés à l'article 136-1 du code électoral. La rédaction dudit article laissait penser que le juge était dans l'obligation de prononcer la sanction en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité et en conservait la possibilité dans les deux autres cas. L'article 2 restreint la faculté pour le juge de prononcer l'inéligibilité à la volonté de fraude ou au manquement d'une particulière gravité. Ce faisant, il limite la possibilité de déclarer un candidat inéligible, ce qui n'était pas, me semble-t-il, la demande du Conseil constitutionnel.
Le droit électoral exige de la clarté et ce point qui n'est pas mineur, puisqu'il concerne la suppression d'un droit civique fondamental, mérite débat. À ce stade, si l'article abaisse les exigences en termes de probité et de respect de la réglementation dans un domaine qui ne souffre aucun écart, nous nous y opposerons, comme nos collègues du Sénat.
Enfin, certaines clarifications supplémentaires semblent nécessaires pour répondre aux préconisations du Conseil constitutionnel. Il aurait ainsi été utile de considérer par principe les bilans de mandat comme des dépenses électorales dès lors qu'ils sont diffusés pendant les six mois précédant l'élection, afin d'éviter des interprétations divergentes entre la CNCCFP et le Conseil constitutionnel, et donc de faciliter leur travail en matière de financement de la campagne électorale. Cette clarification serait également utile aux candidats, qui conserveront la possibilité de faire le bilan de leur mandat avant les six derniers mois.
En conclusion, les objectifs de clarté et d'intelligibilité de la loi, qui ont valeur constitutionnelle, doivent effectivement être au coeur des préoccupations du législateur. Ils le sont à travers ces deux textes. La simplification des dispositions législatives doit être un objectif constant et partagé, mais cela ne signifie pas la négation de la complexité des questions abordées. Or l'inéligibilité, prononcée par le Conseil constitutionnel et non susceptible de recours, mérite une analyse plus poussée et une expression argumentée sur le plan de la déontologie et de l'exemplarité.