Ce projet de loi relatif à la bioéthique est l'occasion pour le Parlement de débattre de sujets éminemment importants, qui mettent aux prises, d'un côté, les positions éthiques, philosophiques, voire morales de chacun d'entre nous et, de l'autre, les évolutions de la science, en termes de valeurs et de principes qui soutiennent notre société. C'est sur cet écart entre ce qui est possible et ce qui est acceptable que nous sommes amenés à nous prononcer.
L'équilibre, toujours difficile à trouver, doit, selon nous, s'appuyer sur les principes qui fondent notre pacte républicain : l'égalité des droits de tous les citoyens, l'encadrement juridique des pratiques existantes pour ne pas les laisser en dehors de la loi, l'usage de la raison dans la délibération, et le respect de la dignité de chacun. Aussi abordons-nous l'examen du texte avec la ferme conviction que celui-ci contient des propositions qui constituent de réels progrès, tout en rappelant qu'il est bien légitime d'en interroger les fondements et les prolongements possibles – cela est sain en République, dont l'essence même est l'amalgame de la diversité. La diversité d'opinions doit donc aussi produire une diversité d'expressions dont nous n'avons rien à craindre, si ce n'est qu'elle puisse nous éclairer et mieux faire entendre nos différents points de vue, dès lors que ces expressions sont elles-mêmes le fruit de la raison, de l'argumentation et du questionnement. Cette démarche est d'autant plus salutaire que les questions abordées sont parfois d'une très grande complexité. Les multiples auditions auxquelles nous avons été associés nous ont permis de forger nos opinions au regard des avis parfois contradictoires des spécialistes de ces domaines, au sujet desquels mes collègues du groupe MODEM et moi-même aurons l'occasion de nous exprimer tout au long de nos échanges.
S'agissant de l'élargissement de l'accès aux technologies disponibles en matière de procréation, si la mesure concernant la PMA ne pose pas véritablement question au sein de notre groupe, car il s'agit, selon nous, d'une évolution légitime au regard de la maturation de l'opinion publique, sa traduction, en revanche – notamment en ce qui concerne l'établissement de la filiation et l'accès aux origines –, soulève de multiples interrogations auxquelles nous devrons apporter des réponses. Nous attendons beaucoup de nos débats pour trouver une issue qui garantisse tout à la fois la simplicité et l'égalité des droits – ceux des parents aussi bien que ceux des enfants.
Cette égalité repose également sur la faculté qu'auront les futures personnes concernées à accéder aux gamètes. Quand on ouvre un droit, il faut toujours se soucier de son effectivité. À ce titre, nous avons plusieurs craintes et interrogations. S'il faut s'attendre, avec la levée de l'anonymat du donneur, à une baisse importante du nombre de dons, quelles mesures le Gouvernement peut-il anticiper pour faire en sorte que le stock de gamètes reste à un niveau qui garantisse la facilité d'accès ? Qu'est-il prévu pour le stock de gamètes existants, qui risquent d'être détruits ? Si le stock devait être insuffisant, n'y a-t-il pas un risque de voir certains profils de demandeurs être discriminés ?
Par ailleurs, comme je le disais précédemment, le projet de loi souligne la place de la science et des découvertes scientifiques dans notre droit. Si plusieurs avancées sont notables, concernant notamment le dépistage et les possibilités offertes à la recherche, nous estimons que nous n'allons pas assez loin. Ainsi, les diagnostics préimplantatoires et néonataux nous semblent être des outils pertinents pour assurer un déroulement normal de la grossesse et, par la suite, de la vie de l'enfant et de l'individu. Il nous semble important d'aller au-delà de ce que propose le texte en la matière. Le groupe MODEM formule ainsi plusieurs propositions en ce sens.
Ce sont là quelques-uns des enjeux qu'il nous paraît important de souligner et de soumettre à notre réflexion collective. Le groupe MODEM et apparentés aborde nos échanges avec une réelle volonté constructive de parvenir à un équilibre susceptible de recueillir l'assentiment du plus grand nombre.