La PMA post mortem pose des problèmes en termes d'établissement de la filiation vis-à-vis du défunt, qui nécessiterait des dispositions ad hoc. Elle pose également des problèmes de succession. Notre droit précise qu'il faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou avoir déjà été conçu et naître viable. La PMA post mortem pose des problèmes de règlement de la succession. Par exemple, lors d'une succession, si un partage a déjà été fait, il conviendrait de revenir sur ce partage lors de la naissance éventuelle de l'enfant ; ou bien il faudrait différer le partage jusqu'à la naissance. Évidemment, rien n'est impossible – le droit n'est qu'un outil –, mais nous sommes vraiment là face à une très grande complexité. C'est un autre élément qui vient à l'appui de la réflexion de Mme Buzyn.
Monsieur Isaac-Sibille, vous demandez quelle est la définition juridique du couple, notion qui apparaît à plusieurs reprises dans le projet de loi. Un couple, ce sont deux personnes qui, sans distinction de leur statut juridique, s'engagent à partager des éléments mis en commun et une vie ensemble. Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il existait trois modes d'établissement du couple : le mariage, le PACS et le concubinage, indépendamment du sexe des personnes concernées. Nous avons là, je crois, une définition du couple assez claire et que nous utilisons, me semble-t-il, à bon escient.
Madame Faucillon, vous m'interrogez à nouveau sur la distinction juridique dans le mode d'établissement de la filiation. Nous avons souhaité établir la sécurité juridique des deux mères et de l'enfant. Dès lors qu'il y aura consentement à l'AMP et reconnaissance conjointe, la filiation de l'enfant sera établie à l'égard des deux mères. Pour un couple hétérosexuel non marié qui a recours à une PMA – les choses sont différentes pour un couple marié puisque nous fondons notre raisonnement sur la vraisemblance biologique –, il y aura, de la même manière, consentement à l'AMP et reconnaissance anticipée ou reconnaissance au moment de la naissance. On a donc bien, dans les deux cas, deux actes.
Nous avons fait le double choix – c'est un choix politique que nous assumons – de ne pas toucher au mode d'établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels tel qu'il est établi actuellement. Il s'agit d'une loi sur la bioéthique qui pose un principe d'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et en tire les conclusions en matière de filiation, mais qui, pour autant, ne bouleverse pas l'entièreté du droit de la filiation. Nous aurions pu le faire s'il s'était agi d'une loi sur la famille ou sur la filiation, mais ce n'est pas le cas. Nous ne touchons donc pas au mode d'établissement de la filiation pour les hétérosexuels ; nous ouvrons des droits pour les couples de femmes, et nous calons ce mode d'établissement de la filiation au plus près de l'un des deux modes d'établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels, c'est-à-dire sur la base d'une reconnaissance.
Nous avons voulu la simplicité et la sécurité, mais aussi le respect d'une forme de réalité et de singularité pour les couples de femmes. Un couple de femmes qui va donner naissance à un enfant, ce n'est pas exactement la même chose que lorsqu'il s'agit d'un couple hétérosexuel. Nous prenons acte de cette réalité. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous nous appuyons sur cette réalité pour proposer un nouveau mode d'établissement de la filiation fondé sur un projet parental et sur un acte de volonté, ce qui n'existe pas jusqu'à présent et qui, me semble-t-il, est très riche et très porteur.
Nous avons donc, dans ce projet, à la fois la sécurité, la simplicité, avec un rapprochement très étroit avec l'un des deux modes d'établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels, mais aussi la reconnaissance d'un nouveau mode d'établissement de la filiation qui me semble être très riche pour les couples de femmes. Je ne vois pas pourquoi il faudrait à tout prix qu'on revendiquât pour elles une filiation de type classique, fondée sur la vraisemblance biologique.