Puisqu'il m'est impossible de répondre à tous les arguments avancés, je n'évoquerai que quatre brefs points. On a évoqué le droit à l'enfant. Il n'y a pas de droit à l'enfant, il y a les droits de l'enfant, ou, de la part des parents, le désir d'enfant, tous légitimes.
Le droit à l'enfant n'existe pas. M. Chiche a rappelé à ce sujet que le succès d'une AMP n'était pas garanti puisqu'une procréation menée dans ces conditions n'a, à l'issue de quatre fécondations in vitro, que 60 % de chances d'aboutir.
N'oublions pas non plus le rôle de l'équipe médicale : comme dans chacun des autres actes qu'il accomplit, le médecin n'est pas un prestataire technique de services. En Belgique, où le corps médical pratique depuis bien longtemps l'AMP au bénéfice de femmes seules ou de couples de femmes, 30 % des femmes seules qui le sollicitent sont déboutées de leur demande parce que l'équipe médicale ne la considère pas comme méritant d'être poursuivie.
Bannissons donc une bonne fois pour toutes de nos discussions ce terme de droit à l'enfant, totalement inapproprié. Aucune demande de droit à l'enfant n'a été formulée par aucun d'entre nous.
Deuxièmement, effectivement, les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS) pratiquent depuis le début l'appariement afin d'essayer de maintenir le secret, une certaine vraisemblance, afin de laisser penser que l'enfant serait génétiquement issu de ses parents. Il faut désormais le laisser à la liberté des parents : certains le souhaitent, c'est très bien, respectons leur choix. Sans aller toutefois jusqu'à cette quasi absurdité en cherchant un appariement pour les groupes sanguins (ABO), et pourquoi pas demain pour les groupes HLA, et pour je ne sais quoi d'autre après-demain… C'est démodé. Mais un appariement physique peut être revendiqué par certains parents. Malheureusement, cela peut se retourner contre eux : les gens appartenant à des minorités ethniques ont le plus grand mal à trouver des donneurs correspondant à leur type.
Il faut donc laisser aux couples qui ne demandent pas d'appariement la possibilité de recevoir des gamètes d'un type différent – j'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens, que nous examinerons le moment venu. Il ne serait par exemple pas choquant que demain un couple asiatique habitant en France puisse avoir ainsi un enfant de type caucasoïde, s'il le souhaite. L'appariement doit désormais être laissé en grande partie à la liberté des parents, et non imposé de façon paternaliste.
Troisièmement, bien entendu, la GPA est hors sujet. Je vois deux raisons pour lesquelles il n'y a aucun risque qu'elle constitue une dérive possible après l'adoption de ce projet de loi.
Tout d'abord, la GPA est pour l'instant interdite aux couples hétérosexuels : il n'est donc pas possible de l'étendre aux couples homosexuels. C'est donc tout à fait différent de l'AMP, dont l'accès était restreint, et sera désormais offert à toutes. Or la GPA reste interdite à tous.
Par ailleurs, il existe une autre différence, qui ne tient pas à une question de droit ou de demande d'égalité et qui est, chers amis, imparable, car anatomique : même si vous me direz qu'on ne peut insulter l'avenir et que l'on ne sait pas de quoi demain sera fait, pour encore longtemps, les hommes ne procréent pas au sein de leur propre organisme.