Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mardi 10 septembre 2019 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Je répondrai à la question de l'égalité des droits, dont certains d'entre vous soutiennent qu'elle porterait en germe une dérive de l'AMP vers la GPA.

On peut à mon sens s'appuyer sur deux arguments afin de contrecarrer cette idée : le premier tient au fait qu'il n'existe pas, je le répète, de droit à l'enfant. Je vous ai expliqué hier soir que nous avons introduit dans le projet de loi un article créant un article 6-2 dans le code civil visant à bien préciser quels sont les droits et les devoirs de l'enfant ; mais vous ne trouverez nulle part mention d'un droit à l'enfant.

Dans son avis relatif au projet de loi relatif à la bioéthique, le Conseil d'État a indiqué très clairement qu'à partir du moment où il n'existe pas de droit à l'enfant, aucun principe d'égalité ne peut en découler : « La notion de droit à l'enfant n'ayant pas de consistance juridique, l'enfant étant sujet de droit et non l'objet du droit d'un tiers, aucune atteinte au principe d'égalité ne peut être invoqué sur ce terrain ».

Cela me paraît aller précisément dans le sens de ce que nous disons : on ne peut pas revendiquer l'égalité sur la base d'un « droit à » qui n'existe pas et qui n'a pas de consistance : dès lors, la question du glissement des droits d'un couple de femmes vers ceux d'un couple d'hommes ne se pose pas davantage.

Mon second argument à l'encontre de ce glissement vers la GPA, que M. Patrick Hetzel qualifie d'« effet domino implacable » tient au fait que le principe d'égalité ne peut à mon sens jouer en la matière. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont réaffirmé à plusieurs reprises en jugeant qu'au regard de l'AMP, les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ne sont pas dans la même situation, et les couples de femmes et les couples d'hommes pas davantage au regard de la procréation. Par conséquent, l'égalité ne peut pas être invoquée en la matière.

Par ailleurs, et je ne fais là que redire sous une autre forme la même chose que ce qu'Agnès Buzyn vient d'indiquer, la GPA pose deux problèmes liés à des principes fondamentaux, et tout d'abord à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes. Une GPA amènera les parties à décider par convention qui sera la mère de l'enfant. Or ce ne sera pas forcément celle qui accouchera : une telle situation porterait donc atteinte à l'indisponibilité de l'état des personnes. Par ailleurs, la GPA pose également, vous le savez, un problème de patrimonialité du corps, notion que nous récusons.

Nous devons respecter ces deux principes fondamentaux de notre droit : or la GPA bute précisément sur ces deux principes, à savoir l'indisponibilité de l'état des personnes et la non patrimonialité du corps humain.

Par conséquent, parce que le principe d'égalité ne peut être invoqué et parce que la GPA bute sur deux principes fondamentaux que nous devons respecter, je maintiens qu'il ne faut pas nourrir de craintes sur le plan juridique quant à un possible glissement de l'ouverture de l'AMP à des couples de femmes vers la GPA.

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