Je le sais et vous l'avez répété avec vos mots, cet article est extrêmement sensible. Madame Genevard, vous estimez que c'est le coeur de ce projet de loi. Je ne sais pas, mais c'est une conséquence importante de l'article 1er que vous avez adopté il y a quelques heures. Évidemment, construire le droit de la filiation est un acte important, qui a du sens, même si l'objet du projet de loi, je le redis, est avant tout bioéthique. Nous ne faisons que tirer les conséquences de l'ouverture de la PMA à des femmes seules ou en couple. Elle doit s'accompagner de l'établissement d'une filiation pour les enfants qui naîtront.
Je reviendrai sur trois points soulevés par MM. Breton, Bazin, Hetzel et Brindeau : la méthode, notre prétendu changement de pied et votre sollicitation d'un avis du Conseil d'État.
Sur la méthode, je serai très brève. Le projet de loi est complexe et nous avions fait une double proposition au Conseil d'État, avant de finaliser le projet tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale. Puis nous vous avons entendus, nous avons énormément travaillé avec la rapporteure et les autres députés impliqués afin de formuler la proposition que vous avez sous les yeux. Elle est juridiquement très rigoureusement pesée, tout en répondant à une attente très forte.
Contrairement à ce que vous affirmez, ce texte est l'illustration de la méthode de travail – la coconstruction – que nous pouvons conduire avec le Parlement. Monsieur Hetzel, vous employez – et vous le savez – des termes inappropriés. Il n'y a ni « abus de droit » ni « détournement de procédure ». Le Gouvernement ne fait que tirer les conséquences de l'article 44 de la Constitution et de l'article 86, alinéa 5 de votre Règlement.
Vous prétendez que nous changeons de pied. Absolument pas. L'évolution que va connaître le droit de la filiation pour les couples de femmes est effectivement une véritable révolution, mais seulement pour ces couples. Nous introduisons un nouveau fondement – un acte de volonté et un projet parental – également perçu par certains comme une révolution. C'est très important, mais nous ne changeons pas de pied.
Mme Genevard, certaines de vos citations pourraient paraître choquantes. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de propos du Gouvernement – vous ne l'avez du reste pas prétendu. Il faut faire attention : cette évolution, pour importante qu'elle soit, doit se faire dans le respect des opinions et de la sensibilité des uns et des autres.
Enfin, il n'est pas nécessaire de demander l'avis du Conseil d'État sur notre amendement. Il a été écrit de manière extrêmement rigoureuse et minutieuse par les spécialistes de droit civil qui travaillent à la direction des affaires civiles et du sceau de la chancellerie. Les séances de travail ont été nombreuses. En outre, nous avons respecté les principes de fond et de forme énoncés par le Conseil d'État dans son avis. Sur le fond, il estimait qu'il n'était pas souhaitable de modifier la filiation telle qu'elle existe pour les couples hétérosexuels. Nous ne le faisons pas, contrairement à ce que vous affirmez, Monsieur Bazin. Le Conseil d'État avait également validé le principe d'un consentement mutuel des deux mères au projet parental ; vous le retrouverez dans notre proposition. Il préconisait l'interdiction de toute action à des fins d'établissement ou de contestation de la filiation si la PMA a lieu ; le texte le prévoit aussi.
Nous respectons également les recommandations du Conseil d'État concernant les enfants : il n'y a pas de droit à l'enfant ; ce dernier est considéré comme un sujet disposant de droits et de devoirs. Nous reprenons les deux grands principes énoncés par le Conseil d'État : L'enfant, une fois né et quelle que soit sa filiation, a les mêmes droits. En outre, nous respectons son intérêt supérieur puisqu'il doit disposer, je cite le Conseil d'État, « d'une certitude juridique sur son état » et de la garantie d'un cadre familial stable. C'est ce que nous vous proposons.
J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression car notre proposition, très rigoureuse, a été rédigée dans la concertation et respecte les principes énoncés par le Conseil d'État.