Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 21h05
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

J'ai noté vos différentes interrogations. Je n'y réponds pas car j'y reviendrai à l'occasion de l'examen des sous-amendements qui traitent de ces sujets.

Le présent amendement est le résultat d'un travail extrêmement soutenu, conduit avec Mme la rapporteure Coralie Dubost depuis plusieurs semaines. Je tiens également à remercier Jean-Louis Touraine et les autres membres de la commission avec lesquels nous avons échangé, notamment Aurore Bergé et Guillaume Chiche. Les interventions d'autres députés, de tous bords, nous ont permis de vous faire cette proposition.

Je le répète, ce projet de loi est une réforme de bioéthique, et non de la filiation. C'est pourquoi, pour reprendre l'expression de M. Saulignac, dans certaines hypothèses, nous n'avons pas pu « aller jusqu'au bout ». Nous avons fait le choix de ne pas toucher au droit de la filiation tel qu'il existe pour les couples hétérosexuels.

Les auditions auxquelles la commission a procédé ont montré que le dispositif initial du projet de loi semblait opérer des distinctions – distinctions, et non discriminations – trop marquées entre les différents modes d'établissement de la filiation. Je le redis, l'intention du Gouvernement n'était évidemment pas d'enfermer les couples de femmes ayant recours à l'AMP dans une catégorie juridique à part.

Notre amendement répond à quatre principes : sécurité juridique pour les enfants et les mères ; simplicité des procédures – nous y tenons beaucoup pour éviter les tracasseries ; prise en compte du réel – face à la procréation, les couples de femmes ne sont pas dans la même situation que les couples hétérosexuels et la revendication d'une similitude absolue est donc complexe à satisfaire car la vraisemblance biologique ne peut pas jouer ; enfin, volonté de ne pas modifier le droit de la filiation existant pour les couples hétérosexuels. Nous souhaitons accorder de nouveaux droits aux couples de femmes, en allant au bout de la démarche, sans rien retirer aux autres.

Là où le projet de loi initial créait un nouveau titre VII bis, dédié à la filiation des enfants nés de couples de femmes ayant eu recours à une AMP avec tiers donneur, la rapporteure et moi-même vous proposons de compléter le titre VII du livre Ier du code civil relatif à la filiation. Au sein de ce titre, un nouveau chapitre sera créé, relatif au recours à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, pour tous les couples sans distinction, qu'ils soient hétérosexuels ou composés de deux femmes. Les différentes auditions ont mis en lumière une demande forte en ce sens. Dans le projet initial, nous avions sans doute péché par souci excessif de symétrie : entre le titre VII consacré à la filiation charnelle et le titre VIII consacré à la filiation adoptive, nous avions créé un titre VII bis consacré à la filiation pour les couples de femmes. Nous le corrigeons. Ce n'est pas seulement une question de légistique, l'emplacement des dispositions étant toujours un enjeu symbolique important. Ainsi, le dispositif sera plus clair, avec un large tronc commun relatif à l'AMP, puis des éléments propres à chaque cas de figure.

En second lieu, le débat s'est beaucoup focalisé sur la déclaration anticipée de volonté (DAV). Comme vous le constatez, dans l'amendement que nous vous proposons, elle est supprimée. Elle répondait à un souci de sécurité juridique – que nous conservons – mais, lors des auditions, certains ont considéré ce nouveau document juridique comme inutile et pouvant être interprété comme opérant une distinction excessive entre les couples en fonction de leur orientation sexuelle. Je le répète, ce n'était pas la volonté du Gouvernement, mais les réactions doivent être entendues.

Dans l'amendement, nous conservons un haut niveau de sécurité juridique pour les deux femmes et l'enfant, grâce au recours à une notion juridique bien connue en droit civil : la reconnaissance. Elle sera effectuée conjointement par les deux mères, qui s'engageront ensemble sur la base d'une stricte égalité dans ce projet devant notaire, au moment où il recueillera le consentement à l'AMP. La reconnaissance existe déjà en droit de la filiation : ainsi, un père non marié peut reconnaître son enfant par acte authentique devant notaire. Nous étendons cette possibilité aux couples de femmes ayant recours à la PMA. À la naissance, l'une des mères – ou les deux – produira simplement cette reconnaissance, comme le fait aujourd'hui un père ayant reconnu son enfant par anticipation.

L'acte de naissance portera alors la mention selon laquelle l'enfant a été reconnu par ses deux mères, mais aucune mention de la PMA, ni aucune notion juridique nouvelle. Ce dispositif, clair et raisonnable, offre une réponse aux inquiétudes, en termes tant de sécurité, de simplicité que d'égalité.

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