Intervention de Coralie Dubost

Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 21h05
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure :

Je donne tout d'abord l'avis de la commission sur les amendements qui viennent d'être présentés. Madame Ménard, vous proposez un maintien du droit actuel, qui, cela a été largement évoqué, notamment au cours des auditions, n'est pas opérationnel.

Nous avons notamment entendu, certes à huis clos, des témoignages très clairs : même lorsque le dispositif juridique actuel est opérationnel, il n'évite pas qu'une distinction s'opère, au sein d'une même famille homoparentale de femmes, entre les enfants, selon qu'ils sont nés avant ou après 2013, ce qui conduit parfois à la délivrance de trois livrets de famille pour deux enfants seulement.

La commission est donc défavorable à cet amendement : une telle solution ne serait pas responsable ni cohérente avec l'adoption de l'article 1er du projet de loi dont elle ne tire pas les conséquences.

S'agissant de l'amendement n° 1535, je remercie également M. Jean-Louis Touraine pour ses travaux dans le cadre des travaux de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, pour nos échanges très enrichissants dans le cadre de ce titre Ier sur lequel nous sommes co-rapporteurs, ainsi que pour la cause qu'il défend.

Si je ne souhaite pas entrer dans la technique juridique concernant la question des origines, dont nous avons parlé cet après-midi, je sais combien vous vous êtes battu, cher collègue, avec d'autres, pour une filiation spécifique visant à permettre aux enfants concernés de connaître leurs origines. Je comprends cette cause et salue votre engagement à son profit.

Par ailleurs, et nous l'avons également évoqué entre nous ainsi que cet après-midi, il nous semblait particulièrement important de distinguer la question de la filiation de celle des origines, sans pour autant abandonner la recherche d'une consécration de ce droit d'accès à son identité.

C'est la raison qui me conduit à donner un avis défavorable à cet amendement.

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, je comprends également votre demande qui rejoint également ce qui a été évoqué tout à l'heure par M. Hervé Saulignac : vous voudriez aller jusqu'au bout de cette quête de l'égalité dans les modalités d'établissement de la filiation entre les couples de femmes et les couples hétérosexuels.

Comme l'a expliqué la ministre tout à l'heure, nous avons trouvé me semble-t-il, au travers de la proposition du Gouvernement sur laquelle que je vais également revenir, une solution satisfaisante dans la mesure où elle permet de simplifier et de mettre tous les types de familles concernées dans un même titre.

Elle permet en effet de regrouper toutes les personnes ayant recours à la PMA : cela concerne donc également, même si nous le les avons pas évoquées, toutes les femmes non mariées.

Toutes les femmes, donc, du point de vue de la gestatrice, qu'elles soient ou non mariées, qu'elles soient en couple hétérosexuel ou homosexuel, se voient appliquer un régime défini par un même chapitre du code civil intitulé : « De l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ».

Du point de vue de la femme gestatrice, il s'agit à mon sens d'un pas important. Il faut donc retenir cette solution. Si nous allions tout de suite, aujourd'hui, plus loin, nous susciterions des peurs dont nos collègues qui ont défendu des amendements de suppression de l'article 4 se sont fait l'écho. Elles sont liées à celle d'une grande révolution qui ferait faire à notre droit de la filiation une grande bascule.

Or nous ne souhaitons pas que ce soit le cas aujourd'hui : nous avons abouti à une solution d'équilibre. Je ne dis pas cependant que je serais opposée à une réforme du droit de la filiation, même si j'exprime ainsi une opinion infiniment personnelle. Une telle réforme ne pourrait de toute façon s‘envisager qu'en dehors du champ ce projet de loi.

Je pense en effet que si aujourd'hui la pluralité des familles, y compris d'ailleurs des familles hétérosexuelles, peut poser des questions et provoquer de vastes débats, les aborder nous éloignerait des strictes conséquences de l'adoption de l'article Ier.

Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs des amendements en discussion commune de les retirer. À défaut, j'y serais défavorable.

J'apporte ma petite pierre à notre édifice, puisque la ministre a je crois parfaitement présenté l'amendement n° 2266 qui est défendu conjointement par le Gouvernement ainsi que par moi-même – sous le n° 2267 –, en tant que rapporteure et au nom des différents échanges que j'ai eus avec mes collègues.

Je ne veux pas m'attribuer seule le mérite de ce travail, car nous avons été nombreux à y prendre part. Les mots trouvés à cette occasion ont été particulièrement justes : au cours des auditions, nous avons été touchés par ceux qui ont été employés et qui, en rapport avec ce titre VII bis et avec l'éventualité de basculer dans le titre VII, avaient trait à la symbolique. Nous avons en effet entendu à plusieurs reprises des témoignages bouleversants.

Il me semble que nous sommes prêts, à l'automne 2019, à assumer des choix sociétaux et politiques.

Nous avons notamment entendu cet appel : aidez-nous à être des citoyens comme les autres. Il est évident que nous avons eu à coeur, dans ces conditions, de bien faire les choses, sans pour autant provoquer l'effondrement du statut de la totalité des familles hétéro-parentales.

Le choix a été fait de revenir sur cet article 311-20 du code civil qui avait déjà, depuis 1994 — cela ne date donc pas d'avant-hier —, aménagé un régime spécifique aux familles hétéro-parentales engagées dans un processus de PMA avec tiers donneur.

Depuis 1994 donc, cette idée que lorsque l'on ne situait pas dans le cadre d'une procréation charnelle, sexuée et directe, l'engagement dans ce processus devait néanmoins se traduire par un mode de filiation particulier, s'est imposée. Ce mode permettait d'établir, avec un père non biologique, une filiation qui était déjà la plus solide du code civil.

En effet, une fois que le couple hétérosexuel a consenti au don, suivi le processus de PMA, que l'enfant est venu au monde et que la reconnaissance a eu lieu, la filiation ne peut être détruite.

Elle ne peut pas l'être, c'est-à-dire que la volonté de l'homme, dans ce couple composé de lui-même et d'une femme, de reconnaître l'enfant à venir et d'en assumer la responsabilité pour toute la durée de sa vie, avec toutes les conséquences qu'emporte un lien de filiation, était indestructible. Une puissance était par conséquent en germe dans cet acte de volonté.

Le fait de l'étendre aux couples de femmes et de se conformer à cette modalité sans pour autant toucher aux notions de présomption de paternité ou d'introduire une comaternité constitue précisément un équilibre très sain pour l'avenir.

Simplicité, sécurité pour l'enfant, sérénité dans cette capacité à homogénéiser : cette avancée va donc à mon sens satisfaire bon nombre de parlementaires et ce de façon transpartisane.

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