Intervention de Virginie Schwarz

Réunion du mercredi 11 septembre 2019 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Virginie Schwarz :

Je suis très heureuse d'être parmi vous et d'avoir l'occasion de vous présenter ma vision de Météo-France et de répondre à vos questions.

Je voudrais d'abord vous dire quelques mots de mon parcours. J'ai commencé ma carrière comme ingénieur des Mines, en direction régionale, dans le domaine du développement économique et de l'aide aux PME. J'ai en particulier porté un programme d'aide à la reconversion des PME sous-traitantes de la Défense, à l'époque en difficulté. J'ai ensuite rejoint le domaine de l'énergie, comme sous-directrice en charge de l'électricité, au ministère de l'industrie. Pendant une dizaine d'années, j'ai ensuite occupé différents postes de direction au sein de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). J'y ai créé une direction chargée de l'expertise qui avait pour missions le conseil aux pouvoirs publics et les outils de mise en oeuvre des politiques publiques, d'abord dans les domaines de l'énergie, de l'air et du bruit, puis de l'ensemble des domaines techniques d'intervention de l'agence, y compris les déchets, les sols, la consommation. Dans ce cadre, j'ai notamment participé à l'élaboration du premier Plan climat en 2004, puis du premier Plan national d'adaptation au changement climatique en 2011. Au cours de cette période à l'ADEME, j'ai quitté la France pendant quelques années pour rejoindre le Programme des Nations unies pour le développement, pour travailler sur le changement climatique, notamment pour aider à monter un programme d'appui aux régions des pays en développement et les aider à définir leurs stratégies d'adaptation et d'atténuation du changement climatique.

J'ai terminé mon parcours à l'ADEME comme directrice générale déléguée aux côtés des présidents MM. François Loos puis Bruno Léchevin. C'est là – au-delà des responsabilités de management que j'ai eu pendant toute ma carrière – que j'ai acquis l'expérience de gestion d'un établissement public qui présente de nombreuses similarités avec Météo-France. C'est un établissement porteur d'enjeux majeurs pour la société, avec un niveau d'expertise élevé, associant des missions de recherche et des missions opérationnelles dans un contexte de réorganisation et même de réduction d'effectifs.

Enfin, depuis cinq ans, je suis en charge, comme directrice de l'énergie du ministère de la transition écologique et solidaire, de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques de l'État concernant la production, le transport, la distribution et la vente de l'ensemble des formes d'énergie. Cela va du soutien aux énergies renouvelables à la tutelle des entreprises publiques du secteur de l'énergie, en passant par la sécurité d'approvisionnement. J'ai été en particulier fortement engagée dans l'élaboration de la nouvelle stratégie française pour l'énergie et le climat au travers de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Grâce à tous ces postes, je dispose d'une bonne connaissance de la sphère publique au sens large et d'une pratique du dialogue avec les territoires et les élus. J'ai également une bonne expérience des processus européens et internationaux, qu'il s'agisse de négociations européennes avec notamment le dernier paquet énergie-climat, des processus onusiens avec mon passage au Programme des Nations unies pour le développement, des organisations internationales via l'Agence internationale de l'énergie dont je suis vice-présidente ou de multiples coopérations bilatérales que j'ai menées dans presque tous mes postes.

Si votre commission et celle du Sénat donnent leur accord pour ma nomination, je serai heureuse de mettre ces expériences au service de Météo-France. D'abord parce que je suis convaincue que Météo-France est un établissement porteur d'enjeux majeurs pour la société française et au-delà.

Dans le domaine de la météo, le rôle de l'établissement en matière de sécurité publique et de vigilance, son appui quotidien auprès des services de la sécurité civile, des forces armées, des services de l'aviation civile ou des services environnementaux, sa capacité à anticiper, à prévenir, à se mobiliser lors de l'arrivée de phénomènes dangereux sont des atouts majeurs pour notre pays. Plus largement, les données et les services de l'établissement sont essentiels pour de nombreux secteurs d'activité météo sensibles, à commencer par celui de l'énergie que je connais bien, mais aussi bien sûr l'agriculture, l'aviation ou le tourisme.

Chacun de nous conçoit la place de l'information météorologique dans sa vie quotidienne. Météo-France joue également un rôle majeur dans le domaine du climat pour contribuer à développer la compréhension des phénomènes au niveau mondial, à informer et à sensibiliser pour mieux prévenir les risques et aider à mettre en place les politiques d'adaptation désormais nécessaires. J'ai vraiment pu mesurer depuis quinze ans, à quel point la production par Météo-France de scénarios régionalisés déclinant les scénarios du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a été importante pour stimuler les réflexions en termes d'adaptation.

Météo-France est aussi internationalement reconnu pour l'excellence de ses travaux scientifiques et techniques. Les chercheurs de Météo-France enrichissent et améliorent les modèles qui sont utilisés par le Centre européen pour les prévisions météorologiques de moyen terme de Reading, qui est la référence en matière européenne. Ces chercheurs sont également reconnus sur les questions climatiques, notamment pour leur contribution aux travaux du GIEC.

Si vous émettez un avis favorable à ma nomination, ma priorité sera donc le maintien et le renforcement de la qualité du service rendu aux pouvoirs publics et aux Français par Météo-France et de ses actions de recherche et d'observation, notamment en matière de connaissance et d'anticipation des phénomènes extrêmes dans un contexte de changement climatique. En la matière, je n'oublie pas les enjeux des départements et territoires ultramarins qui sont marqués par des risques très spécifiques en matière de météo et de climat et pour lesquels Météo-France joue un rôle particulier pour la communauté internationale sur un certain nombre de sujets, par exemple la veille cyclonique dans l'océan Indien.

Eu égard à ces enjeux, je me réjouis qu'un financement ait pu être sécurisé pour un nouveau supercalculateur qui permettra de multiplier par cinq la puissance de calcul utile aux prévisions. Météo-France pourra ainsi améliorer la capacité d'anticipation de la vigilance, à des échelles plus petites, notamment infradépartementales, donc mieux informer les populations. Les épisodes de grêle, au début de l'été, nous ont rappelé l'importance de cet enjeu.

Cette puissance de calcul supplémentaire permettra également d'affiner les analyses et les prévisions climatiques. Le contrat d'objectifs et de performance qui a été signé entre l'établissement, le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l'action et des comptes publics permet de garantir le financement nécessaire au moins jusqu'en 2022. Cela apporte des allégements bienvenus en matière de gestion.

C'est un investissement public majeur et le futur PDG devra avoir une vigilance toute particulière pour ce projet dont le bon aboutissement constituera un enjeu phare de l'établissement au cours des prochaines années.

Les enjeux de développement du numérique vont cependant au-delà. Le potentiel du big data, de l'intelligence artificielle va révolutionner la manière d'observer et de prévoir le temps et, plus généralement, permettre de démultiplier les services d'information environnementale dont la météo fait partie. La masse de données issues d'observations prévisions numériques est déjà considérable. Ce sont près de 30 millions d'observations qui alimentent chaque jour les modèles de Météo-France. À cela s'ajoute la possibilité de récolter de nouvelles données d'origines diverses, totalement nouvelles via les objets connectés avec par exemple, demain, les essuie-glaces de nos futures voitures. Météo-France devra être à la pointe de l'utilisation de ces nouveaux outils, notamment pour améliorer les dispositifs d'avertissement en cas de vigilance.

En complément de la mobilisation des compétences internes, les partenariats avec d'autres types d'acteurs, publics comme privés, y compris ceux du monde des start-up, doivent permettre de développer ces sujets et d'offrir de nouveaux services. Dans ce contexte, je suis convaincue que le développement de services marchands – dans le strict respect de la concurrence et là où Météo-France a une valeur ajoutée – est une source de richesse pour l'entreprise, en termes financiers mais aussi pour la stimulation qui en résulte, et l'ouverture que cela donne dans un contexte où la politique de l'open data va par ailleurs imposer à l'établissement de se repositionner sur ces questions et réinterroger en partie son modèle économique.

C'est grâce à l'engagement de ses personnels, auxquels je veux rendre hommage, que Météo-France peut s'appuyer sur toutes ces innovations et tous ces moyens techniques, et être un acteur reconnu.

Ces transformations vont provoquer une évolution du rôle de l'expertise humaine qui peut être source d'opportunités pour les personnels et de revalorisation du travail, mais qui nécessitent un accompagnement approfondi des agents dont le métier se transforme, notamment dans les centres régionaux et départementaux.

Les évolutions des outils et des modes de travail combinés aux nécessaires efforts de maîtrise des dépenses ont conduit les pouvoirs publics à valider pour Météo-France un contrat d'objectifs et de performance pour 2017-2021 ainsi qu'une feuille de route dans le cadre du programme de transformation Action publique 2022. Ils fixent des objectifs de restructuration, de modernisation et d'amélioration de la qualité de service et de contribution à la baisse des dépenses par une réforme en profondeur des méthodes de travail, de l'organisation et des implantations de l'établissement. Cela implique une réduction du nombre d'implantations en métropole, une évolution des métiers, la possibilité donnée à de nombreux agents de changer de qualification et le déploiement à grande échelle des possibilités de travail à distance.

De nombreux agents de Météo-France ont vu et verront leur environnement de travail se transformer. Si ma nomination est confirmée dans la mise en oeuvre de cette feuille de route, j'aurai une attention particulière pour les territoires dans lesquels l'établissement est implanté et pour le dialogue avec les collectivités concernées, mais aussi et surtout pour l'accompagnement des agents individuellement et collectivement. Face à une telle transformation de l'établissement, il est encore plus indispensable d'entretenir un dialogue social de qualité avec les représentants du personnel.

Autre sujet stratégique que j'aimerais approfondir – et ça ne vous surprendra pas, compte tenu de mon parcours – c'est celui du rôle de Météo-France dans le domaine du changement climatique. Les récentes vagues de chaleur de fin juin et fin juillet ont à nouveau illustré les conséquences de ce dérèglement climatique.

Face aux enjeux d'atténuation et d'adaptation, ainsi que de gestion des risques météorologiques, les services météo et les services climatiques doivent de plus en plus aller de pair. Bien sûr, Météo-France doit rester une source de connaissances et de référence pour les institutions scientifiques comme le GIEC, pour les pouvoirs publics et pour les territoires, mais pourrait encore renforcer son action pour faire connaître les effets constatés et prévisibles des changements climatiques au bénéfice d'une meilleure prise de conscience des enjeux par nos concitoyens.

En interne, Météo-France devrait aussi pouvoir être encore davantage une référence en termes de performance environnementale et climatique, d'empreinte carbone et plus largement de responsabilité sociale et environnementale. La question de l'égalité homme-femme en particulier est un sujet qui me tient à coeur depuis longtemps et qui doit pouvoir être développé à Météo-France.

Enfin, Météo-France doit rester une référence dans la météorologie mondiale qui est marquée par à la fois par les besoins d'appui des pays en développement – qui souhaitent développer des services météo adaptés à leurs besoins –, par la croissance des besoins de calcul et par le développement des nouvelles technologies qui poussent à s'interroger sur des mutualisations et des regroupements possibles entre opérateurs nationaux.

Dans le domaine de la navigation aérienne, Météo-France devrait pouvoir être un des vingt centres régionaux d'avertissement sur les phénomènes météo dangereux qui vont progressivement remplacer les deux cents centres qui existent aujourd'hui.

En s'appuyant sur l'excellence de Météo-France, j'espère également que la France pourra accueillir les services du programme européen Copernicus dans le domaine de la météo et du climat, qui devraient quitter le Royaume-Uni, après le Brexit.

C'est donc consciente des défis qui attendent l'établissement mais aussi de ses forces, que je me présente devant vous. Les prochaines années ne seront pas faciles mais elles doivent permettre de renforcer l'établissement en le rendant encore plus performant au service de tous.

Si vous donnez votre accord à ma nomination, je serai heureuse de porter ce projet avec l'ensemble des équipes de Météo-France. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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