Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du jeudi 12 septembre 2019 à 14h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé :

Je n'ai pas été assez précise, pardonnez-moi. La façon dont nous allons procéder vise à éviter toute pénurie de gamètes. Dès que la loi sera promulguée, nous avons prévu de mettre en place le registre à l'Agence de la biomédecine, tout en continuant à utiliser le stock de gamètes existant. Dans l'attente de la constitution du registre, qui prendra peut-être huit mois, il sera proposé aux nouveaux donneurs de se faire connaître lors du changement de régime, s'ils veulent basculer vers le nouveau régime.

Dès que le registre sera constitué à l'Agence de la biomédecine, on demandera à tous les nouveaux donneurs leur consentement. On constituera alors un stock parallèle. Cette phase, durant laquelle cohabiteront deux types de gamètes et d'embryons, durera environ un an. Cependant, les dons ne viendront que de l'ancien stock, que nous continuerons ainsi d'écluser. Il n'y aura pas d'enfants nés à la même date qui auront, pour les uns, accès à leurs origines, et seront pour les autres, privés de cet accès. Pour l'égalité des droits des enfants, les couples ne pourront pas choisir entre les deux régimes.

Lorsque l'on estimera que le nouveau stock suffisant, on basculera, par décret, de façon brutale, vers le nouveau régime. Tous les enfants nés d'un don réalisé après cette date seront placés sur le même pied d'égalité.

Lorsque les lois de bioéthiques antérieures ont été rédigées, nous pensions que les embryons surnuméraires offerts à l'accueil seraient utilisés. Force est de constater que très peu d'embryons sont dans ce cas – 19 l'année dernière. Cela explique qu'un stock se soit constitué. En réalité, les couples n'arrivent pas à se projeter dans un embryon issu d'un projet parental formé par d'autres. Il faut l'accepter : les couples veulent leurs propres gamètes, leurs propres embryons, et le transfert d'embryons n'intéresse personne.

Vous proposez que l'on recontacte les couples pour leur demander l'autorisation de basculer dans le nouveau régime. Nous refusons de le faire, comme pour les gamètes. Car nous considérons que lorsque le don a été réalisé, le contrat moral était que les donneurs resteraient dans l'anonymat. Le simple fait de les appeler par téléphone constituerait une effraction.

Imaginez des couples qui ont donné leurs embryons pour un autre projet parental, sans parvenir à avoir un enfant par AMP. Ils ont fait un don altruiste, mais ils n'ont pas forcément envie, dix ans plus tard, que l'on vienne leur dire quel a été le sort de leurs embryons. Nous pensons qu'il n'est pas éthique de retourner vers des personnes qui s'étaient vu promettre l'anonymat et qui pensaient qu'elles n'entendraient plus jamais parler des CECOS.

Nous proposons simplement de faire une campagne d'information afin que tous les donneurs des régimes antérieurs, qu'ils soient des couples ou des donneurs de gamètes, se fassent connaître s'ils souhaitent être enregistrés dans le nouveau registre de l'Agence de la biomédecine.

Cela ne peut être qu'un appel général. Nous ne voyons pas qui accepterait de contacter des couples, qui ont peut-être divorcé, qui ont eu une vie complexe, pour leur rappeler qu'ils n'ont pas eu d'enfants, mais que, quinze ans après, leurs embryons sont toujours conservés. Il nous semble que cela n'est pas éthique.

D'où le choix que nous avons fait. Je comprends qu'il puisse vous paraître violent, mais nous n'avons pas d'autre solution. Nous ne pouvons pas indéfiniment garder 20 000 embryons, placés sous l'ancien régime, qui sont là depuis des années parce que personne n'en veut, et qui ne seront jamais utilisés. J'espère avoir été claire.

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