C'est avec une véritable joie que j'ai participé à la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique dont nous débutons aujourd'hui la discussion en séance publique. Je tiens à remercier tous les membres de cette commission et tous les ministres pour leur écoute, leur respect et la qualité de nos échanges sur des questions à propos desquelles les prises de position ne doivent pas être binaires, mais nécessitent réflexion, humanité et empathie. Grâce à ce climat apaisé, mon point de vue sur les sujets sur lesquels je m'interrogeais a pu évoluer en toute liberté et sérénité, suivant le fil conducteur qu'est l'intérêt supérieur de l'enfant.
La société évolue. Les couples de femmes et les femmes seules qui ont recours à une PMA existent déjà : elles sont 2 000 à 3 000 à partir chaque année à l'étranger pour concrétiser leur projet. C'est pour tenir compte de cette situation que l'article 1er ouvre la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.
Cependant, je l'ai dit lors de nos échanges en commission, j'émets quelques réserves quant à l'autorisation de la PMA pour les femmes seules. Il s'agit bien de réserves et non d'un jugement, car je ne suis pas à leur place et, comme certaines ont pu le dire lors des auditions, elles n'ont pas choisi d'être seules.
La question que nous devons nous poser est la suivante : l'intérêt supérieur de l'enfant autorise-t-il que nous le privions d'un second parent ? Le 17 septembre, sur France Inter, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik disait : « Ce qui compte, c'est qu'il y ait deux [… ], c'est d'ouvrir le champ sensoriel de l'enfant, pour qu'il apprenne à aimer sa mère et quelqu'un d'autre. » Hommes et femmes, n'oublions pas notre condition humaine, notre vulnérabilité : en cas de maladie, de dépression, qui prendra le relais ? Nous avons tous nos excès : qui pourra tempérer les choses lorsqu'ils surviendront ?
C'est pour toutes ces raisons que j'ai cosigné l'amendement de ma collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe visant à limiter aux couples de femmes le bénéfice de l'accès à la PMA. Ce qui est essentiel au développement et à la construction de l'enfant, c'est qu'il soit issu d'un projet commun à deux êtres, qu'il s'agisse d'une femme et d'un homme ou de deux femmes. Il est par ailleurs fondamental que la PMA obéisse aux mêmes conditions de gratuité quelle que soit la situation de la famille, comme le prévoit le projet de loi.
Lors de l'examen des amendements portant sur l'article 1er, nous avons également eu de profonds et respectueux échanges sur le sort des embryons post mortem, sujet très délicat même s'il n'a concerné que quelque dix cas en dix ans.
La femme endeuillée est fragile et peut subir des pressions familiales ; pour elle, il est donc compliqué de faire un choix. De plus, l'idée de concevoir un enfant orphelin me met mal à l'aise. Cette situation risquerait également de charger l'enfant d'un rôle réparateur, d'en faire celui qui comble une perte, qui console. Enfin, quelles conséquences psychologiques pour l'enfant qui naît d'un parent mort ?
L'article 2 instaure la levée partielle de l'anonymat des dons de gamètes. C'est une autre avancée permise par le projet de loi.
Beaucoup d'adultes nés d'une PMA avec tiers donneur nous ont fait part de la souffrance que le secret avait pu représenter pour eux, ainsi que de leur souhait d'obtenir des informations concernant le donneur afin de reconstituer leur histoire. Pour eux, la distinction entre origine et filiation est sans ambiguïté : le donneur reste le donneur, les parents sont ceux qui les ont élevés.
L'article 2 permet de faire un grand pas vers plus de transparence quant au mode de procréation, même si les couples hétérosexuels peuvent toujours cacher celui-ci à leurs enfants. Une question s'est posée à ce sujet : jusqu'où la loi devait-elle intervenir dans la vie privée des parents ? Finalement, il me semble plus sage de laisser à ces derniers la liberté d'informer ou non leurs enfants, tout en prévoyant de les accompagner et de les sensibiliser au risque que peut représenter le secret et, a contrario, à l'importance de la vérité dans la construction de leur enfant.
J'en viens à l'article 19. Actuellement, le diagnostic préimplantatoire ne vise à rechercher qu'une maladie génétique précise, grave et incurable. Un amendement visant à l'étendre à la détection de la trisomie a été déposé. Une telle décision ne serait pas sans conséquences sur la société, car cette proposition soulève la question du tri entre les embryons.
Beaucoup de sujets abordés dans le projet de loi se situent sur une ligne de crête si ténue qu'il est difficile de faire un choix. En la matière, nos prises de position sont liées à notre histoire, à notre intimité. Puissions-nous, dans les heures et les jours à venir, garder la même qualité d'écoute et d'échange qu'en commission, par respect pour l'humanité et pour le mystère de chaque personne !