Je souhaite rappeler ce qu'il y a de souffrance derrière ces trois mots tout simples : « réduction des déficits », c'est-à-dire derrière les décisions comptables qui seront prises les jours prochains. J'ai longuement visité l'hôpital psychiatrique Philippe-Pinel, qui est situé dans ma circonscription : j'y ai vu des chambres prévues pour deux occupées par quatre patients, et cela durant un an, voire un an et demi. On se dit que, si on n'est pas fou en entrant dans de tels endroits, on l'est devenu à la sortie, parce qu'il est très difficile de vivre dans une pareille promiscuité.
Dans le même service, des oculus ont été installés : ce sont des hublots qui permettent de surveiller les patients derrière une vitre. Il n'est plus nécessaire de les laisser sortir dans le couloir, ce qui demanderait plus de temps aux soignants. Théoriquement, l'autorisation donnée à une telle privation de liberté doit être renouvelée quotidiennement mais, comme il n'y a pas suffisamment de psychiatres dans le service, le renouvellement n'intervient que toutes les trois semaines. Voilà l'état dans lequel se trouve l'hôpital psychiatrique de ma circonscription.
Je pourrais également évoquer une maison de retraite qui est gérée par l'hôpital et dont une aide-soignante m'a confié que c'étaient ses collègues et elle qui géraient les fins de vie sans oxygène ni antalgique. Elle a demandé des formations sur la démence ou sur la maladie d'Alzheimer : en cinq ans, elle en a obtenu une d'une journée, puis une deuxième parce qu'elle avait campé devant le bureau de sa directrice.
Les soignants que j'ai rencontrés ont globalement le sentiment non plus de faire leur métier mais de faire du travail à la chaîne, non plus de soigner mais de délivrer des médicaments et de faire du ménage et du gardiennage. Ils souffrent de ne plus pouvoir exercer le métier qu'ils aiment. En une journée, j'ai vu deux personnes pleurer.