Il est vrai que, dans ces débats, beaucoup de points de vue s'expriment, avec parfois des confusions sur lesquelles je vais revenir, mais une chose est sûre : il y a des visions différentes, assez cohérentes, toutes légitimes et respectables, même celles que notre groupe ne partage pas.
Je trouve intéressant qu'un tel débat ait lieu à l'Assemblée nationale, bien que l'article 1er, qui n'est que l'extension d'un droit, ne doive pas, en soi, susciter autant de réactions. Mais il y a, derrière celles-ci, des visions globales de la société, de la famille, des individus et de leurs rôles sociaux, des genres. Cependant, si tout le monde peut s'exprimer et donner son point de vue, certains propos sont assez violents, notamment pour les personnes concernées, dont ils remettent en cause l'existence même. Il ne faut pas l'oublier.
Certaines argumentations peuvent entraîner des confusions : je pense notamment à l'enjeu d'égalité. De notre point de vue, le débat n'est pas un débat d'éthique mais d'égalité, et on le répétera au besoin pour éviter que celles et ceux qui nous écoutent ou qui nous liront soient pris de confusion. En effet, le débat éthique a été tranché en 1994, quand la loi a reconnu, sous conditions certes, que ces techniques étaient accessibles aux couples hétérosexuels. Il ne s'agit donc, dans cet article, que de reconnaître, au nom du principe d'égalité, le même droit aux autres couples et aux femmes seules qui en ont besoin pour des raisons d'infertilité biologique ou sociale.
La GPA soulève, elle, une question éthique : nous n'y échapperons pas, c'est l'intérêt de ces discussions sur la bioéthique que de permettre de réviser régulièrement l'état du droit. Elle diffère de la PMA en ce que, étant aujourd'hui interdite à tous en France – pas forcément dans le reste du monde – , en débattre ne concernerait pas uniquement les couples d'hommes, mais tout le monde. Nous devrons dès lors nous prononcer sur la légalisation de cette pratique, pour tous, dans notre pays. Je note d'ailleurs que les États qui ont fait un autre choix éthique ont généralement admis la GPA pour tous les couples, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels, voire pour les célibataires. Mais ce n'est pas le cas en France et voilà pourquoi il y a une différence significative entre notre débat sur la PMA, qui porte sur l'extension d'un droit déjà reconnu, et le débat éthique sur la GPA, que nous aurons sans doute et au terme duquel notre assemblée devra trancher.
Pour finir, je reviens sur l'argument de l'intérêt supérieur de l'enfant, car il est régulièrement répété. Rappelons déjà que les rapports de l'enfant avec sa famille et les autres adultes relèvent de la construction sociale : ce ne sont pas des faits de nature. L'intérêt supérieur de l'enfant est une notion extrêmement récente puisque, il y a un siècle, sinon une cinquantaine d'années – ce n'est rien à l'échelle de l'humanité – , les enfants n'étaient pas considérés de la même manière qu'aujourd'hui, l'enfance elle-même n'existait pas en tant que catégorie sociale et les familles en avaient une autre conception. De tels processus ne sont pas des faits de nature, mais des faits de société, et c'est un progrès humain d'avoir la capacité de les faire évoluer.
Mais, même dans le monde de 2019, il existe des constructions sociales différentes, ni meilleures ni pires que la nôtre, sans plus de souffrance ou de joie, mais qui sont le fruit des choix des sociétés à un moment donné. C'est pourquoi c'est à la nôtre de permettre aux enfants, quelle que soit la manière dont ils viennent au monde, d'être sujets de droit et d'avoir des parents qui, quelle que soit la composition de la cellule familiale, aient un travail et puissent subvenir à leurs besoins. C'est à notre société et à travers nos choix sociopolitiques de faire respecter les intérêts des enfants issus de PMA. J'ai été très heureuse d'entendre plusieurs interventions, notamment de nos collègues Les Républicains, pointer la question sociale et économique : je pense à la condition des familles monoparentales et aux autres inégalités dont souffrent les femmes. Et j'espère bien que nous nous retrouverons tous, en particulier lors des débats budgétaires, pour défendre la nécessité de dégager les moyens politiques et collectifs suffisants pour répondre à ces questions. Je vous donne rendez-vous.