Intervention de Agnès Thill

Séance en hémicycle du mercredi 25 septembre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Thill :

La question qui nous occupe n'est pas celle de l'égalité, mais celle du risque, réel, d'une aliénation de l'humain par la technique.

Du scandale des études biaisées aux témoignages de collectifs de médecins, de spécialistes ou d'enfants qui, nés par PMA ou par GPA, disent leur souffrance ou leurs difficultés, en passant par les états généraux de la bioéthique, ce sont autant d'études, d'analyses, de positionnements et d'avis que le Gouvernement refuse de prendre en compte. Plusieurs associations d'homosexuels, comme le relatent certains articles de presse, refusent, il faut le noter, de « servir de caution morale » pour justifier les graves dérives d'un individualisme exacerbé qui ne tente rien moins que de lever l'interdit de la réification du corps humain.

Le désir d'enfant chez les personnes homosexuelles, pour éminemment légitime qu'il soit, ne peut se réduire à la question de l'égalité, à l'accès à des droits et à la lutte contre les discriminations.

Une telle vision, simpliste, sous-entend qu'il existe une inégalité dans l'accès à la procréation pour les homosexuels, et que cette inégalité serait le fruit d'une discrimination à laquelle l'État devrait remédier en ouvrant la PMA aux couples de femmes. Cet argument est fallacieux. En effet, deux hommes ou deux femmes ensemble ne peuvent intrinsèquement concevoir un enfant, et cette impossibilité de procréer est une donnée objective : elle n'est nullement le fruit d'une action discriminante de la société à l'égard de la condition homosexuelle.

Les personnes homosexuelles ne peuvent donc prétendre à une réparation de l'État pour pallier une discrimination, puisque de discrimination, il n'y a point. Le dire n'est pas de l'homophobie : c'est un simple rappel objectif des faits.

Dans ce débat, la plupart des arguments avancés par les défenseurs de la PMA pour toutes sont subjectifs, qu'il s'agisse du désir d'enfant, de la souffrance de ne pas pouvoir en avoir, du sentiment de discrimination ou de l'amour. Mais face à des enjeux d'une telle ampleur, l'État ne doit pas fonder son action sur les émotions ou sur les inclinations subjectives de chacun, mais sur la raison.

L'AMP est une technique qui permet de pallier une condition médicale d'infertilité d'un couple hétérosexuel. Permettre aux couples de femmes homosexuelles d'y accéder revient à sous-entendre que celles-ci sont malades, ce qui n'est évidemment pas le cas.

Au nom du principe d'égalité, il sera impossible d'interdire la GPA une fois légalisée la PMA pour les couples de femmes. On se défendra alors de toute marchandisation en nous opposant le mot d'« éthique ». De « GPA éthique », il n'est évidemment pas question dans le présent texte ; mais celle-ci viendra bien plus vite qu'on ne le pense. Au nom de quoi, en effet, les homosexuels hommes n'auraient-ils pas, eux aussi, le droit d'accéder à une technique nouvelle pour concevoir un enfant ? Les arguments qu'on nous oppose aujourd'hui resteront exactement les mêmes.

À la réification de la femme s'ajoute celle de l'enfant, objet d'une transaction contractuelle. L'enfant devient donc lui aussi un objet : il n'est plus une personne.

Les avancées techniques ne sont pas forcément des progrès sur le plan moral. Les partisans de la PMA pour toutes se parent de la vertu de la lutte contre l'homophobie ; mais devons-nous servir de caution morale à cette vision archaïque et régressive de l'être humain, même au nom de la liberté ?

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