Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du jeudi 26 septembre 2019 à 9h00
Bioéthique — Article 1er

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Avant que Mme la ministre des solidarités et de la santé ne réponde sur le fond, je souhaiterais apporter quelques informations supplémentaires.

On peut parfaitement comprendre la logique affective qui peut conduire une femme à demander une PMA post mortem. Néanmoins, je tiens à souligner que d'un point de vue juridique, les conséquences d'un tel acte ne sont pas neutres.

D'abord, en l'état du droit, la présomption de paternité ne s'applique plus si l'enfant naît plus de 300 jours après le décès du mari de la mère. Il faudrait donc écrire de nouvelles règles d'établissement de la filiation.

Ensuite, il faudrait instaurer de nouvelles règles concernant la tutelle de ces enfants mineurs, puisque l'autorité parentale du conjoint décédé ne pourra plus s'exercer, ainsi qu'en matière de succession. Ces règles risquent d'être très complexes : en cas de demande de procréation médicalement assistée, il faudra attendre l'intervention médicale, puis la naissance de l'enfant, ce qui retardera la succession de deux à trois ans. Ce n'est pas impossible, mais cela devrait être spécifiquement construit et pourrait mettre en difficulté certaines personnes qui bénéficient en partie de la succession. Nous entrerions dans un système extrêmement complexe qui pourrait porter préjudice aux cohéritiers.

Enfin, M. Balanant l'a évoqué, dans un arrêt de 2016, le Conseil d'État a admis la possibilité pour une femme de bénéficier des gamètes de son mari en Espagne. Toutefois, cette situation était très particulière, puisque les deux conjoints concernés étaient issus de deux pays où cette implantation est possible, à savoir l'Espagne et l'Italie. C'est en prenant en considération ces règles particulières que le Conseil d'État a rendu son arrêt. Je ne suis pas sûre que nous puissions tirer de cette circonstance jurisprudentielle particulière une règle générale.

Voilà, monsieur le président, les précisions juridiques que je voulais apporter et qui m'inclinent à penser que l'ouverture de la PMA post mortem n'est pas aisément réalisable dans le cadre du présent projet de loi.

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