Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du jeudi 26 septembre 2019 à 9h00
Bioéthique — Article 1er

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Nous sommes favorables à l'amendement no 2408 de M. Cazenove modifié par les deux sous-amendements du Gouvernement et défavorables à l'ensemble des autres amendements.

Je souhaite vous exposer le raisonnement du Gouvernement. Vous avez évoqué un souci de cohérence et un souci d'humanité que nous ne pouvons tous que partager, à l'échelon individuel. Cela explique évidemment l'arrêt rendu par le Conseil d'État il y a trois ans. Cependant, nous examinons un projet de loi relatif à la bioéthique, qui vise à confronter les besoins et les douleurs individuels à une certaine vision de la société. Permettez-moi donc d'évoquer avec vous les effets de bord potentiels d'une telle mesure.

Considérons en premier lieu l'intérêt supérieur de l'enfant. Hier, déjà, des doutes ont été exprimés sur tous les bancs s'agissant de l'ouverture de l'AMP aux femmes seules. Aujourd'hui, il est envisagé de permettre la conception d'un enfant dont le père serait décédé bien longtemps avant sa naissance – je dis « bien longtemps » car nous convenons tous qu'il faut du temps pour faire son deuil. Or nous n'avons aucune idée de l'impact d'une telle situation sur l'intérêt supérieur de l'enfant ni sur sa construction.

Certains ont évoqué le libre choix, le libre arbitre des femmes, ou la possibilité de soumettre cette démarche à un consentement préalable qui permettrait d'être certain de la volonté des uns et des autres. Nous avons tous subi des deuils dans notre vie. Personne ne peut se projeter dans une situation de deuil, encore moins deux ou trois ans à l'avance. Les couples évoluent. La douleur peut être extrêmement profonde. Nos croyances ou nos histoires de vie font que le deuil peut être vécu différemment selon les périodes de la vie. C'est pourquoi je pense qu'un consentement préalable n'aurait pas de valeur dans une telle situation, dans laquelle personne ne peut se projeter – encore moins un homme par rapport à sa femme devenue veuve quelques années plus tard.

J'en viens à un autre effet de bord. À l'article 2, nous allons discuter de l'autoconservation des gamètes, qui va être offerte aux femmes et aux hommes désireux de préserver leur fertilité. La situation à laquelle tout le monde pense aujourd'hui – une femme seule avec un embryon congelé qui souhaiterait poursuivre ce projet parental après le veuvage – risque en réalité d'être extrêmement rare. Nous allons avoir beaucoup de spermatozoïdes congelés, et l'on peut imaginer qu'une femme devenue veuve et ayant déjà des enfants veuille faire un frère ou une soeur avec les spermatozoïdes congelés de son conjoint décédé. Rien ne nous permettra d'empêcher cette demande : à partir du moment où nous autoriserons l'AMP post mortem, nous ne pourrons pas la réserver aux couples ayant entamé une démarche d'AMP pour infertilité, mais nous devrons offrir cette possibilité à tous les couples dès lors qu'il existera des gamètes congelés.

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