Nous abordons l'une des questions les plus délicates, les plus cruelles posées par le projet de loi, et loin de moi l'idée de caricaturer les positions des uns et des autres quelles qu'elles soient. Je comprends parfaitement la demande d'enfant de la veuve. Je crois malgré tout qu'il est de notre devoir de dire non. Il est très difficile de dire non à quelqu'un qui est dans le malheur mais c'est parfois le devoir de la société et des tiers. J'ai beaucoup apprécié, madame la ministre des solidarités et de la santé, votre propos : ce n'est pas la femme qui est fragile, c'est la veuve – et le veuf l'est d'ailleurs tout autant.
Je n'aime pas évoquer mon expérience personnelle mais chacun vient ici avec son histoire. J'ai vécu un deuil, celui d'une femme que j'aimais et qui m'aimait. Je sais ce que cela représente. Pendant plusieurs jours, plusieurs mois, on pense, on vit, on rêve avec elle. On aime revoir les photographies, entendre la voix enregistrée par hasard, quelques heures auparavant, sur son répondeur. On aime aller là où elle aimait aller. On aime croiser les gens qu'elle aimait croiser. De même, on aime rencontrer des gens qui vous parlent d'elle – on ne le sait pas mais c'est très vrai. Tout cela peut justifier le besoin, l'exigence d'enfant. Tout comme on aime retrouver, dans les enfants déjà nés, le visage de leur mère.
Mais il faut savoir faire son deuil – on parle désormais d'un travail de deuil – , exprimer son amour de manière intense mais en mettant un terme à ce deuil. Il faut que la vie l'emporte ; « laissons les morts enterrer les morts ». Il faut se projeter dans l'avenir. Or, en lui donnant la possibilité de poursuivre l'AMP, on interdit à la jeune veuve de se projeter dans l'avenir. Il faut remercier le frère, la soeur, le fils, la fille, les parents, l'ami qui ont su vous expliquer qu'il fallait tourner la page. Un enfant existe par lui-même. Il n'a pas vocation à être le substitut d'un être qui nous a quittés.