Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde :

C'est toujours un plaisir, mesdames, messieurs les députés, de vous retrouver pour échanger avec vous. Nous devions effectivement nous voir le 3 juillet. Je m'étais préparée en vue de cette audition et j'espère me montrer aujourd'hui aussi performante que j'aurais pu l'être avant son report. Plus sérieusement, la reprise s'est faite pour moi, comme chaque année d'ailleurs, à la conférence des ambassadeurs, moment important pour se reconnecter avec tous les enjeux de la planète, mais aussi pour écouter le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a employé cette année une formule qui m'a frappée et que je voudrais partager avec vous : « Il n'y a plus aujourd'hui de soft power, on est partout dans le hard. » Dans son discours, Jean-Yves Le Drian, a également déclaré : « La culture, la formation et le développement sont bien les nouveaux attributs de la puissance, si nous voulons continuer à peser sur la scène internationale », ajoutant que l'audiovisuel extérieur était un sujet plus stratégique que jamais, qu'il nous fallait pleinement prendre en compte.

Effectivement, la culture, l'information et le développement sont les piliers de notre action. Les savoir-faire des équipes de France Médias Monde touchent chaque semaine 176 millions de personnes dans le monde, en télévision, en radio ou en numérique. C'est un des outils de la France qui a le plus d'impact à l'international. Ces équipes accomplissent vraiment des prouesses, et je mesure la chance que j'ai de pouvoir exercer avec elles un métier aussi porteur de sens.

Je vous parlerai, bien sûr, de l'exécution de notre COM mais, comme l'année 2019 est bien avancée, j'élargirai un peu mon propos aux enjeux actuels et aux perspectives.

Pour éviter de vous assommer de chiffres, je vous ai apporté de petits dépliants qui vous permettront de vous y retrouver. Je mettrai seulement ici en avant une croissance de 26 millions de contacts hebdomadaires supplémentaires, soit 17 % de plus qu'en 2017, grâce à laquelle nous atteignons les 176 millions de contacts dont je vous parlais.

Nous progressons beaucoup dans le broadcast classique, les « chaînes à la papa ». La radio et la télévision progressent même plus fortement que le numérique en 2018. Voilà un élément qui peut être versé à la réflexion sur les GAFA et leurs algorithmes que le président Studer évoquait.

Nos 176 millions de contacts se répartissent à raison de 130 millions sur la radio et la télévision et de 46 millions d'utilisateurs du numérique. Je veux d'autant plus tirer mon chapeau aux équipes de France Médias Monde que ces résultats ont été obtenus alors que notre subvention avait connu une progression moindre que ce qu'elle devait être dans la trajectoire prévue par le COM. Nos équipes ont donc littéralement mis les bouchées doubles !

Ces résultats sont aussi le fruit d'une stratégie inscrite dans notre contrat d'objectifs et de moyens. Plutôt que de vous en donner de nouveau le détail et de vous exposer le contenu de l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), je mettrai un coup de projecteur sur une sélection de cinq points clés parmi bien d'autres : l'enjeu des langues, avec la diffusion du français mais aussi l'emploi de langues étrangères, qui est notre signe distinctif ; la qualité référente de notre offre éditoriale, tout particulièrement en matière d'information, qui en fait un outil de lutte contre les infox – l'info équilibrée, certifiée et honnête, c'est notre métier ! – ; le numérique, qui est devenu notre routine quotidienne ; l'accessibilité mondiale, car il fait partie de notre mission fondamentale de rendre accessible à l'échelle de la planète nos contenus de qualité et une information libre et équilibrée ; notre gestion à la fois rigoureuse et réactive, qui permet au groupe de s'adapter, dans un contexte financier que vous savez contraint – comme d'ailleurs pour tout le reste du secteur et d'autres secteurs d'activité.

Je commencerai par l'enjeu des langues. Le français est évidemment notre socle, c'est même notre passion, mais le développement des langues étrangères est le signe distinctif d'un média international. Il permet d'ailleurs de promouvoir la francophonie à travers les autres langues et de conquérir de nouveaux publics. France Médias Monde diffuse en quinze langues au quotidien, mais l'on mentionne assez peu les trois langues qui sont également utilisées de façon hebdomadaire : l'arménien, le créole et le peul. Nous ne diffusons dans ces langues qu'une fois par semaine, mais cela compte quand même, car cela fédère des gens autour de nous.

Parmi les 176 millions de contacts que je vous citais, un sur deux provient des langues étrangères. Ces dernières sont donc un réel atout, que nous avons en partage avec les autres grands médias internationaux : BBC, Deutsche Welle, Voice of America… Tous ces grands groupes sont évidemment plurilingues.

Je ne saurai malheureusement vous détailler tous les résultats langue par langue. Il est cependant très satisfaisant et très encourageant de voir que FMM fonctionne dans toutes les langues. J'ai d'ailleurs coutume de dire que, à France Médias Monde, on parle français même quand on parle anglais, persan ou arabe, car on parle depuis la France et on est, en quelque sorte, porteur de l'inconscient collectif de notre pays. Peut-être ne le mesure-t-on pas bien quand on vit dedans, mais on ressent très fortement sa présence quand on regarde nos chaînes de l'étranger.

Globalement, comme les chiffres le montrent, l'offre en langues étrangères de France Médias Monde cartonne. Pour son offre numérique, dont les résultats sont déjà connus pour le deuxième trimestre 2019, on dénombre 20 millions de visites mensuelles, soit une progression de 40 % par rapport à la même période en 2018. Permettez-moi de citer notamment les rédactions en langues asiatiques. Peut-être l'Asie semble-t-elle un peu loin de nous, mais nous devons y être très attractifs, parce que notre offre en chinois, en vietnamien et en cambodgien a enregistré une hausse de 38 % d'une année sur l'autre. Pour notre offre en brésilien, nous regardons les compteurs grimper – le nouveau Président de la République brésilienne paraissant jouer pour nous le rôle d'une sorte de produit marketing. Là aussi, notre offre cartonne, on ne sait pas jusqu'où ça ira ! Toutes les offres en langue arabe, sur France 24 et sur Monte Carlo Doualiya (MCD), augmentent également de manière très importante leur diffusion.

Je vais me concentrer sur l'espagnol, langue dans laquelle diffusent France 24 et Radio France Internationale (RFI), et les langues africaines. S'agissant de l'espagnol, vous avez vécu ici même les étapes du lancement de notre offre en 2017. Les résultats sont très prometteurs, puisque nous touchons plus de 8 millions de foyers latino-américains, c'est-à-dire un doublement par rapport à la période où nous n'offrions pas de contenu espagnol. Nous touchons 12 millions de foyers à temps partiel au Mexique – cet après-midi, je rencontre d'ailleurs le directeur de l'action culturelle du Mexique, qui veut accroître nos partenariats. Nous avons également une large exposition numérique. Les premiers sondages conduits dans trois pays, la Colombie, l'Argentine et le Mexique, ont montré que notre notoriété était en croissance de plus de 50 % entre le dernier trimestre 2017, moment du lancement de notre offre en espagnol, et le premier semestre 2018. Près d'un quart des personnes qui connaissent France 24 déclarent regarder la chaîne. Ce taux de conversion, comme on dit dans notre jargon, est très significatif.

Dans les univers numériques, France 24 en espagnol a doublé son trafic en 2018, enregistrant des pointes de plus de 1 million de visites par mois. Ces résultats se confirment au premier semestre 2019, qui a notamment connu une croissance exponentielle sur YouTube où France 24 a dépassé 15,5 millions de vidéos vues en moyenne, soit une multiplication par 7,5 des vidéos vues par rapport à 2018. En outre, ceux qui les regardent le font longtemps ; on enregistre un record de durée : plus de quatre minutes sur YouTube en moyenne.

YouTube, qui distribue des médailles, nous a attribué la médaille d'argent pour l'espagnol, car nous y avons enregistré 110 000 abonnés en peu de temps. Dans le même temps, la chaîne en français et la chaîne en arabe ont reçu la médaille d'or, puisqu'on sera bientôt à 2 millions d'abonnés, mais ces chaînes sont beaucoup plus anciennes.

Notre partenariat en espagnol avec Arte fonctionne aussi superbement. Les Latino-Américains sont très curieux de découvrir les programmes d'Arte, sous-titrés en espagnol, que nous mettons sur notre site. Nous avons créé un onglet spécial et, inversement, Arte renvoie vers nous, depuis son site sous-titré en espagnol, des gens curieux d'information. C'est un beau partenariat pertinent.

Aujourd'hui, nous nous heurtons au fait que les câblo-opérateurs plaident pour une augmentation du volume de programmes, puisque l'espagnol ne représente que six heures. Conscients du contexte budgétaire, nous avons fait appel à toute l'astuce de notre directeur technique, qui a trouvé un dispositif permettant de passer à douze heures sans dépenser un centime supplémentaire. Il est vrai qu'il s'agit de rediffusions, mais nous sommes contraints aujourd'hui, par les dispositifs techniques, à ne pas faire autant que nous le voudrions. Notre équipe de Bogota est vraiment très motivée. Si certains d'entre vous ont l'occasion d'y aller, vous aurez le plaisir de voir cette jeune rédaction. Nous arrivons à dégager de quoi faire un flash à l'heure au sein de ces rediffusions. Nous pourrions ainsi passer à douze heures pour zéro euro. Ce sera débattu au conseil d'administration qui aura lieu au mois d'octobre, dans quelques semaines. De sa décision va dépendre la croissance de notre distribution et de nos résultats d'audience.

J'en viens aux langues africaines. Il y a des zones de tension en Afrique, vous le savez, certaines se trouvant même dans une situation prégénocidaire du fait de remontées du terrorisme djihadiste. Dans ces pays malmenés, les médias en langue africaine ne sont pas tout à fait équilibrés. Ils sont de parti pris et peuvent être assimilés à des médias de propagande. Il est donc important qu'une voix délivre, dans la langue locale, une information équilibrée, non partisane et certifiée. C'est un vrai enjeu de paix, auquel nous pouvons concourir, ainsi que de développement. Dans ce contexte, nous avons lancé, en partenariat avec Canal France International (CFI) et l'Agence française de développement (AFD), un premier magazine en peul, dans le cadre d'un programme MédiaSahel. De même, le 21 octobre, nous installerons à Dakar la rédaction en mandingue de RFI. La voilà enfin, sur le continent ! Nous en rêvions depuis longtemps, mais nous avions dû sans arrêt repousser notre installation pour des raisons de sécurité. Notre objectif, à Dakar, est de créer un « hub » en Afrique de l'Ouest ; nous avons déjà une rédaction à Lagos, au Nigeria, et une en Tanzanie, en Afrique de l'Est.

En Afrique de l'Ouest, nous voudrions proposer de la formation et une offre en peul plus souvent qu'une seule fois par semaine. C'est un projet de grande ampleur. Nous y travaillons avec l'AFD depuis des mois déjà. Nous espérons un lancement en 2020, en lien avec CFI, parce qu'il y aura un gros volet de formation. CFI est devenu une filiale de France Médias Monde en 2017, et nous sommes très heureux de travailler main dans la main avec ses équipes. Nous voyons avec plaisir que 40 % des projets de CFI sont développés en s'adossant aux médias du groupe France Médias Monde.

Pour conclure sur ce premier point clé, je voudrais souligner que cette stratégie forte de langues étrangères est parfaitement cohérente avec la promotion de la langue française et de la francophonie, qui nous semble devoir passer aussi par le plurilinguisme. Évidemment, nos médias sont en français partout dans le monde. Quand FMM s'implante quelque part, on diffuse en français, sauf si on se heurte à un refus complet des opérateurs, qui sont nécessairement commerciaux – nous ne bénéficions évidemment pas, à l'étranger, d'une obligation de must carry. FMM crée, en tout cas, un bain linguistique francophone partout, mais nous parlons également du français, de la France et de la francophonie dans les langues que je vous citais.

Nous développons des ressources d'apprentissage du français dans toutes les langues utilisées par nos rédactions. Dans chaque langue, nous avons une méthode pour apprendre le français. Nous allons même au-delà, puisque nous proposons des méthodes pour apprendre le français dans vingt langues. Notre offre est complémentaire de celle de TV5, puisqu'elle permet notamment de toucher de grands débutants absolus, que l'on va chercher dans leur langue maternelle. Vous retrouverez tous ces éléments sur le site de RFI Savoirs, qui permet, après avoir appris le français, d'apprendre ensuite en français.

Nous sommes aussi une caisse de résonance de la francophonie. Nous avons poursuivi notre engagement en ce domaine par le lancement, à l'occasion du sommet de la francophonie d'Erevan tenu l'année dernière, d'une nouvelle émission : « De vive(s) voix ». Nous travaillons aussi en liaison avec les artisans de la Saison Africa2020, qui va évidemment toucher aussi les pays francophones d'Afrique. Nous sommes bien sûr en lien étroit avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et avec sa secrétaire générale, Louise Mushikiwabo. Nous préparons actuellement un nouvel accord-cadre, qui permettra notamment une très forte mobilisation autour du cinquantenaire de l'OIF, en 2020. Nous serons partenaires de la « piste de la francophonie », aux côtés de TV5 Monde et de l'OIF. Ce tour du monde de la langue française sera lancé dans quelques jours.

Il me semble que nous travaillons aussi au français et à la francophonie du fait de notre investissement sur la future plateforme éducative du secteur public, portée par France Télévisions en vue d'une meilleure coordination de toutes les ressources éducatives du service public. Nous y travaillons dur. Cette plateforme sera à la fois destinée aux enseignants, aux élèves et aux milieux associatifs. Sur ce point, je commence d'ailleurs à répondre à Bruno Studer. La plateforme est conçue en étroite liaison avec le ministère de l'Éducation nationale. Nous allons y apporter notre savoir-faire spécifique en matière d'apprentissage du français comme langue étrangère, mais aussi de connaissance en français des thématiques internationales. Nous allons, en outre, apporter des contenus en langue étrangère, tout particulièrement en anglais et en espagnol, de façon à nourrir l'apprentissage des langues étrangères pour les élèves français.

Vous voyez que, au fond, la langue française évolue dans un monde plurilingue. Peut-être cela vous rappellera-t-il la formule prononcée à l'Académie française, le 20 mars 2018, par le chef de l'État. On ne peut pas dissocier la promotion du français de notre rapport aux langues étrangères. On n'est jamais contre les langues, ou alors on est « tout contre », comme disait Sacha Guitry.

S'agissant de mon deuxième point, je dirai que, tout comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous faisons de la lutte contre les infox par le seul fait que notre offre éditoriale est référente. Notre mission est de proposer une information de service public certifiée, indépendante, vérifiée, équilibrée et plurielle. C'est le fondement de notre existence : permettre à des zones où l'information libre n'existe pas d'avoir accès à cette information malgré tout. J'entends l'information au sens large, c'est-à-dire y compris sur le plan culturel, sur des sujets de santé, sur l'égalité des hommes et des femmes ou sur d'autres valeurs. Voilà ce qui fonde notre existence internationale.

La prolifération des infox, voire des infox profondes, ou deep fake, ainsi que la manipulation généralisée de l'information rendent cette mission encore plus brûlante et essentielle. Les médias de France Médias Monde se sont mobilisés de longue date dans la lutte contre les infox. C'est une thématique que votre commission connaît bien. Nous avons commencé à travailler à cette tâche dès 2015, et même dès 2014, grâce à des outils ciblés.

Nous proposons de nombreux programmes sur ce sujet. Certains d'entre vous connaissent déjà « Info ou intox », sur France 24, car vous avez été nombreux à venir en visite à France Médias Monde. « Contre-faits » est également une émission de France 24, qui vise les manipulations sur les informations européennes. Elle a été lancée en 2018. Les observateurs de France 24 passent ainsi leur temps à lutter contre les infox.

Nous avons lancé aussi une émission hebdomadaire sur RFI, les « Dessous de l'infox ». Chaque vendredi, on y décortique les fausses informations et les mécanismes de manipulation de l'information. Nous proposons également l'« Atelier des médias » sur RFI. Nos rédactions disposent donc maintenant de spécialistes très pointus de la vérification des faits. Toutes les antennes du groupe les mettent à profit.

Mais nous participons aussi à des initiatives collaboratives en ce domaine. Au niveau du secteur audiovisuel public français, le site de Franceinfo propose un onglet « Vrai ou fake ». En Europe, depuis juin 2018, nous avons été étroitement associés au « FactCheckEU », pendant les élections, avec d'autres grands médias internationaux, d'ailleurs tous membres de l'International Factchecking Network, dont nous sommes aussi un membre actif. Nous travaillons aussi en direct avec Facebook et Google sur ces questions.

En outre, nous déployons de nombreuses actions en matière d'éducation aux médias, qui nous semble être le rempart le plus fondamental, car on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque média et derrière chaque info. Il faut que nous soyons nous-mêmes préparés à séparer le vrai du faux. Cela participe d'une éducation qui doit commencer tôt. Nous sommes frappés par les témoignages des enseignants qui viennent nous voir. Des instituteurs utilisent nos outils dans des classes de CE1. L'émission « Info ou intox » marche même avec les enfants.

Dans le domaine du numérique, mon troisième point, un projet me tient à coeur, qui regarde aussi cette assemblée. C'est notre projet commun « Enter ! » avec la Deutsche Welle. Il s'adresse à des jeunes qui n'ont pas participé à un échange Erasmus en Europe et ne sont pas forcément anglophones. Ils ont besoin d'information dans leur langue. Cette information qui leur parle de l'Europe doit raviver le sentiment d'appartenance commun. Le projet vous regarde, parce qu'il met en oeuvre l'un des articles du traité d'Aix-la-Chapelle, qui a fait l'objet d'un rapport de votre collègue Laëtitia Saint-Paul. Nous avons reçu un accueil très favorable du nouveau Parlement européen et de la nouvelle Commission. Nous espérons pouvoir lancer le projet avec nos collègues de la Deutsche Welle. J'étais la semaine dernière à Bonn ; nous avons beaucoup progressé et espérons même pouvoir lancer un projet pilote. Ce sera aussi une façon de lutter contre les infox, qui manipulent et ciblent beaucoup la jeunesse.

Le numérique, c'est notre routine. Je vous disais tout à l'heure que nous comptions 46 millions d'utilisateurs dans l'environnement numérique chaque semaine. Je citerai aussi 410 millions de visites et 900 millions de vidéos vues dans l'année 2018. Je pense que nous allons franchir très largement la barre du milliard de vidéos vues cette année. Nous comptons 75 millions d'abonnés sur Facebook et Twitter et 3 millions d'abonnés sur nos chaînes YouTube. Nous continuons sur notre lancée.

Nous sommes assez contents de ces résultats, qui font de nous un vrai acteur sur ces plateformes à l'échelle internationale. Notre stratégie éditoriale en est l'explication. Nous poursuivons une innovation constante sur tous les formats, notamment grâce au lab de France Médias Monde. Nous travaillons également sur l'intelligence artificielle. Nous avons reçu le prix du meilleur assistant vocal dans les trophées SMA, pour l'assistant vocal d'Amazon Alexa que RFI a développé. Nous sommes en contact étroit avec Google, qui a créé un centre en Afrique, à Accra, et qui nous a contactés pour notre expertise dans les langues africaines, en vue d'une coopération sur ces sujets en intelligence artificielle. Nous avons été très heureux de participer à la belle aventure de « Culture prime ». Si vous n'avez pas découvert cette offre du service public, je vous engage à le faire.

Ces succès d'audience sont aussi le fruit d'une organisation fondée sur le décloisonnement permanent de nos médias, entre le broadcast et le numérique, et d'une culture de la « data » dans l'entreprise. Beaucoup de formations sont dispensées autour de ces questions.

Enfin, nos résultats sont liés à une stratégie d'hyperdistribution. Étant propriétaires de tout ce que nous diffusons, nous sommes partout. Les plateformes ne sont pas nos ennemies. Nous ne pourrions pas avoir la notoriété que nous avons à l'échelle mondiale sans leur relais. Si nous devions dépenser en marketing ce que dépense un média national à l'échelle d'un pays, dans cent quatre-vingts pays et dans toutes nos langues, notre budget n'y suffirait pas. Les plateformes sont des partenaires. Néanmoins, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons qu'elles sont plus fortes, qu'il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier et essayer d'aller vers une régulation.

L'ambition mondiale, c'est l'accessibilité. Aujourd'hui, 385 millions de foyers reçoivent France 24, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport à 2018, avec de fortes percées en Asie et en Afrique anglophone. Nous continuons à croître, y compris en hors foyer, puisque nous avons franchi la barre des 2,5 millions de chambres d'hôtel et que nous sommes présents dans de nombreux aéroports et sur plusieurs lignes aériennes.

Les partenariats de RFI et de MCD ont encore augmenté pour atteindre le nombre de 1 700 radios partenaires, contre 1 500 en 2017. Nous devons réaffirmer sans cesse notre ambition mondiale. Même si nous devons faire des économies et rationaliser nos dépenses dans ce domaine, il ne faut pas renoncer à tel ou tel territoire, en nous disant, par exemple, que l'Asie ou l'Amérique latine ne feraient pas partie de notre mission. La France est universelle : elle ne doit pas renoncer à un territoire, même s'il faut être très rigoureux dans la gestion des coûts de distribution.

La gestion, c'est mon dernier point. L'humain est notre principal atout. Notre gestion doit être très attentive aux professionnels et aux salariés de notre entreprise, où travaillent des gens de soixante nationalités, qui parlent toutes les langues. Ceux qui sont venus visiter nos bureaux savent que notre groupe est une belle tour de Babel, où le français sert de cordon ombilical entre nous tous. C'est également une entreprise paritaire, qui fait preuve d'un très fort engagement en faveur des femmes. Je suis très fière de vous dire que nous avons obtenu la note quasi maximale de 99 sur 100 au nouvel index de l'égalité entre les femmes et les hommes, créé dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel que vous avez adoptée. Nous ne relâchons pas pour autant nos efforts, car nous savons que les progrès accomplis peuvent vite régresser.

Je tiens aussi à appeler votre attention sur nos correspondants étrangers, qui font la richesse de nos médias. Sans eux, nous ne pourrions pas disposer d'informations de terrain certifiées. Nous avons conclu un accord unanime l'an dernier, après nous être occupés de nos permanents, afin de leur consacrer chaque année 15 % de l'évolution de notre masse salariale fléchée. L'enjeu est de renforcer leur protection sociale, grâce à une coordination au niveau national. Nous avons saisi le ministre à cette fin. De notre côté, nous avançons. L'ensemble de nos cotisations antérieurement allouées à la sécurité sociale française l'étaient pour rien, puisque beaucoup d'entre eux n'étaient plus couverts et n'avaient plus accès aux prestations. Nous les avons donc consacrées à un système effectif de protection sociale. Mais cela doit se faire au niveau national. Radio France nous a rejoints. J'espère qu'avec l'aide du ministère des Solidarités et de la Santé et du ministère de la Culture, nous pourrons oeuvrer en ce sens, car la qualité de notre information internationale dépend aussi de la présence de ces correspondants.

Notre contexte budgétaire ne va pas en s'améliorant. Entre 2018 et 2022, ce seront 3,5 millions d'euros de moins. Mais ce chiffre ne mesure pas la réalité de l'effort fourni, puisqu'il y a des glissements chaque année, notamment de la masse salariale, des amortissements, des évolutions automatiques. Il faudra poursuivre les efforts pour maintenir les équilibres financiers. Il n'y a pas cinquante pistes d'économies possibles : ce sont celles que nous avons déjà mises en oeuvre en 2018. Nous avons dû sortir de New York, de Los Angeles, de Washington et de la Scandinavie. En 2019, nous avons dû quitter la TNT d'outre-mer, fermer MCD aux Émirats arabes unis, parce que les prix étaient exorbitants et que le numérique se développe dans cette zone – il faut parfois faire des choix. Nous avons arrêté notre site ondes moyennes de Chypre, après que les Américains nous ont quittés et que nous n'avons pas trouvé de repreneurs. L'onde moyenne est, en réalité, un filet de sécurité plutôt qu'un outil d'audience, dans la mesure où elle sert lorsque des fréquences FM sont fermées. Quand nous disposons de fréquences FM, nous les gardons toutes pour MCD, qui fait de l'audience – en Irak, par exemple, elle est suivie par 4 millions de personnes. Nous allons poursuivre la rationalisation de notre dispositif, en veillant à être présents en Europe, en Afrique et dans le monde arabe, qui sont des priorités.

Nous avons également fait des efforts sur nos grilles, en allégeant en 2018 certaines tranches horaires. Nous avons prolongé des grilles allégées d'été et accéléré la numérisation de certaines rédactions à RFI. En 2019 et 2020, nous n'avons pas prévu d'autres modifications de grilles. Nous avons poursuivi la politique des départs ciblés non remplacés. Comme vous le savez, 55 % de nos budgets sont consacrés à la masse salariale. Salarial, chez nous, est synonyme de programme, puisque nous n'achetons pas, mais que nous produisons, en quinze langues, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en direct. C'est une donnée structurelle de notre budget.

Nous avons fait de gros efforts sur nos achats, en nous rapprochant des autres entreprises publiques de l'audiovisuel. Nous attendons des économies significatives sur notre loyer et notre régie de production, qui vont nous permettre de boucler notre budget 2020. Nous sommes également obligés de faire des économies sur le marketing et la communication. Cela ne nous réjouit pas, mais, au fond, c'est la qualité de nos programmes qui porte nos audiences, plus encore que notre communication. Grâce à tous ces efforts, nous avons obtenu un résultat net à l'équilibre en 2018, sans renoncer à aucun de nos objectifs et en connaissant même des progressions fulgurantes. C'est, encore une fois, le fait du travail des équipes, que je veux saluer, car sans leur incroyable motivation, nous n'en serions pas là.

Disposer de médias mondiaux plurilingues n'est pas donné à tous les États de la planète. La France a la chance d'être dotée d'un outil performant, porteur de ses valeurs, qui a un vrai sens. C'est une mission que le privé ne peut pas remplir – on ne connaît pas d'équivalent privé aux médias mondiaux plurilingues. C'est pourquoi, dans le cadre de la réforme qui arrive, il faudra veiller à protéger son statut, à garantir sa place, à prendre des mesures pour préserver ses moyens. Comme Albert Camus, nous pensons que préparer l'avenir, c'est tout donner au présent, ce que nous nous efforçons de faire chaque jour.

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