Le 2 septembre, le ministre de la Culture, Franck Riester, a réuni tous les patrons de l'audiovisuel, public comme privé, pour discuter de deux premières parties du projet de loi sur la réforme audiovisuelle et recueillir nos réactions. Toutes les radios ont alors décidé d'écrire de manière conjointe. Nous ne partagions évidemment pas tous les mêmes positions, néanmoins Radio France et France Médias Monde ont souhaité rester solidaires de leurs collègues privés, sauf sur la partie concernant les quotas. Nous nous sommes en effet désolidarisés de ce paragraphe, car nous considérons que notre mission fondamentale est la promotion de la chanson francophone. Non seulement cela figure dans notre cahier des charges, mais c'est même une passion partagée au sein de l'entreprise. Ayant vécu cela de très près avec le Québec quand je dirigeais TV5 Monde, je nous trouve parfois un peu mous dans la défense de la langue française. De plus, cela marche très bien : il y a vraiment de quoi faire avec nos artistes, en France comme dans la francophonie.
En revanche, nous voulions souligner deux autres points : le premier concerne l'avènement de la 5G pour les radios et les plans de service dans ce domaine, qui nous semblaient devoir faire l'objet de l'attention du CSA. Cela ne doit pas forcément être en libre-service ! Il faut des plans de service pour garantir précisément l'équilibre des radios. D'autres radios souhaitaient que tous les mobiles soient équipés en France pour recevoir l'ensemble des radios FM et DAB+, ce qui nous réjouirait profondément. Mais il serait sans doute délicat pour les fabricants de fournir, dans un seul pays, des supports comportant ce type de fonctionnalité. En tout cas, nous avons voulu appeler l'attention sur l'accessibilité des radios sur ces nouveaux supports.
Le deuxième point concerne les plateformes. C'est à nous de décider d'être sur toutes les plateformes. Nous ne pouvons pas être pillés sans notre consentement, ce qui nécessite peut-être de contractualiser, prévoir des modalités de rémunération selon des critères à déterminer – cela peut prendre la forme de données ou d'argent sonnant et trébuchant.
La plateforme pour les radios est en gestation depuis longtemps. RTL a évoqué l'idée et Radio France est aussi mobilisée sur cette question. Il n'a pas échappé aux grandes radios nationales qu'un « Netflix » de la radio pouvait être intéressant. Tout le monde y réfléchit, notamment des start-up. Nous sommes oecuméniques : étant le service public, nous travaillons main dans la main avec Radio France. Nous serons à leurs côtés pour les podcasts et nous continuerons à être partenaires. Ce n'est pas la première fois que nos radios se regroupent dans des offres en linéaire ; nous serons toujours prêts à faire en plus du délinéarisé et des podcasts.
Si nous avons une stratégie d'hyperdistribution, sur une éventuelle plateforme franco-française comme sur d'autres, c'est d'abord parce que nous gérons plusieurs langues et sommes présents dans d'autres pays. Si nous voulions nous cantonner à un système propriétaire, français de surcroît, nous n'aurions pas les moyens d'exister à l'échelle internationale, avec nos seuls petits moyens de marketing et de communication, dans toutes ces langues et tous ces pays. Pour nous, l'hyperdistribution n'est pas une option, ou alors ce serait suicidaire. En revanche, ce n'est pas une hyperdistribution naïve : nous innovons sans arrêt dans nos contenus propriétaires, en refondant nos sites, en les remodelant. C'est en continu qu'il faut progresser ; l'agilité doit être constante. Nous sommes présents sur les plateformes françaises et étrangères parce que notre mission consiste à être accessible au plus grand nombre ; cela correspond d'ailleurs aux indicateurs du COM. Personne ne trouverait que c'est une bonne idée de faire une stratégie propriétaire et de perdre ainsi l'ensemble de nos audiences sur YouTube, Facebook et Twitter.
Cela me touche beaucoup que vous ayez repéré l'émission « Pas 2 quartier », qui est un vrai bijou. Cette émission, tout comme « Priorité santé », est au coeur de notre mission de service public. Grand Corps Malade, que vous avez cité, est notre partenaire et notre parrain. Nous avons lancé une autre émission dans la même veine, « Légendes urbaines », que je vous invite à découvrir. Cette émission de RFI sera aussi diffusée sur France 24 ; elle va chercher des rappeurs, une culture qui est aussi celle des quartiers ; on y entend des gens géniaux, des intelligences foudroyantes. On aurait tort de se priver du génie des banlieues françaises ! Cette émission est multidiffusée : elle est délinéarisée et vous pouvez la voir sur l'appli si vous la téléchargez ; elle est également diffusée sur Franceinfo, avec qui nous sommes partenaires ; elle le sera également sur le site du ministère de l'Éducation nationale.
Ce que j'adore dans « Pas 2 quartier », c'est le réseau que nous avons créé grâce à elle dans toute la France, de banlieue à banlieue, et qui est animé par des jeunes qui nous font confiance. Ils nous écrivent et nous informent soit lorsque quelque chose ne va pas, afin que nous soyons à leurs côtés, mais également lorsque quelque chose de génial se passe. Il fallait voir, par exemple, l'émission consacrée à l'organisation de la Coupe du monde de football par les habitants d'un quartier de Châtillon : c'est une fête incroyable qui se déroule sur un week-end ; les équipes qui ne comptent pas assez de membres originaires d'un même pays sont complétées par des personnes d'autres nationalités – par exemple, des Algériens viennent renforcer l'équipe des Comores ou de la Guyane. Pendant ces deux jours magnifiques, il n'y a pas de violence. C'est chouette !
S'agissant de la plateforme Salto, elle est, à mon sens, en premier lieu, une plateforme de programmes dits patrimoniaux, alors que nous avons des formats courts, très en rapport avec l'actualité, et donc souvent diffusés en direct. Si France Télévisions, qui est membre à part entière de Salto, souhaite nous avoir à ses côtés, nous y serons, de la même façon que nous sommes aux côtés de Radio France. Nous travaillons toujours la main dans la main. J'avais compris que, pour l'instant, cette plateforme proposait plutôt des programmes de stock, tels que documentaires, fictions et films, mais si, dans le cadre de ce projet, on a besoin de nos contenus, nous répondrons volontiers présents aux côtés de France Télévisions.
Mme Tolmont s'inquiète des incidences de la baisse de notre dotation sur la qualité de notre information et sur le succès de notre stratégie. Jusqu'ici, nous n'avons pas touché le coeur des métiers. À cet égard, nos équipes méritent un coup de chapeau. Elles sont extrêmement talentueuses et donnent tout à leur métier, qui est une passion. Oui, nous avons dû, à certains moments, supprimer des postes, mais nous l'avons plutôt fait au travers de réorganisations. Je ne crois donc pas que la qualité de l'information ait pu le moins du monde en pâtir. Je dirais même qu'à notre arrivée, après que deux plans de départs successifs avaient supprimé 24 % des effectifs, nous avons créé des emplois afin de permettre aux salariés de travailler normalement.
Aujourd'hui, nous sommes, il est vrai, amenés à consentir quelques réductions, à renoncer à certaines missions – par exemple, la mission sociale qui consistait à trouver des remplaçants pour des salariés qui restaient en congé de longue maladie pendant dix ans. Nous avons pensé que nous pourrions peut-être partager la charge avec d'autres sources de solidarité. Toucher à notre coeur de métier, ce serait tuer la poule aux oeufs d'or. Nous refusons, évidemment, de le faire.
Si, dans le cadre de l'évolution qui vous sera un jour proposée – sur laquelle nous n'avons pas d'élément pour l'instant –, des rapprochements devaient aboutir à une holding, nous savons tous quels pourraient être les risques mais aussi les aspects positifs. Si l'on crée une structure de facilitation, une structure qui mette de l'huile dans les rouages, qui donne des petits coups de pouce pour surmonter les difficultés, les contraintes, et qui, en outre, dispose de moyens spécifiques qui ne nous seraient pas retirés – il n'est jamais interdit d'imaginer l'avenir de manière positive –, et si, comme je le disais tout à l'heure à Pierre-Alain Raphan, une enveloppe était fléchée pour l'international de sorte qu'on ne puisse pas succomber à la tentation d'accorder tous les financements disponibles à un gros problème national, je pense que l'on peut faire des choses intelligentes. On peut toujours, si l'on est passionné et si l'on y croit, agir intelligemment.
Nous avons conclu certains partenariats avec des campus et les instituts français, mais pas encore avec Campus France – un accord est en cours avec ce dernier. Nous nous délocalisons, évidemment, dans ces endroits, nous y couvrons l'actualité et sommes partenaires de leurs événements. France Médias Monde constitue une caisse de résonance du réseau culturel français.
S'agissant des ressources publicitaires, nous cumulons plusieurs caractéristiques, qui peuvent se voir comme des inconvénients. Tout d'abord, nous sommes des chaînes d'information et nous respectons une déontologie très stricte. Nous ne pouvons pas, par exemple, laisser certains annonceurs parrainer certaines émissions. Ainsi, Total ne peut pas parrainer une émission ayant trait au développement durable, ni un laboratoire pharmaceutique une émission sur la santé. Nous ne pouvons pas non plus faire de publicité gouvernementale. Je suis régulièrement saisie, à la veille d'élections, de demandes visant à présenter le résultat fantastique du gouvernement sortant d'un pays. Y accéder serait décrédibiliser notre antenne. Cette déontologie crée donc un cadre. Par ailleurs, l'information n'est pas le type de programme qui attire le plus les annonceurs. Sponsoriser un grand reportage montrant la famine dans certains pays n'est pas toujours valorisant. En outre, aucune régie publicitaire ne sait vendre seule des espaces publicitaires télévisuels à l'international et en plusieurs langues. Les régies agissent souvent sur leur seul marché national. Le marché international, qui est segmenté, est par ailleurs dominé par des acteurs anglophones.
Nous avons néanmoins réagi. À l'issue d'un appel d'offres, nous avons attribué le marché à une alliance entre France Télévisions Publicité, qui est très performante en Europe ainsi que sur le marché publicitaire français, et de Canal+ Régie, qui est très performante sur le marché africain et qui offre des ouvertures sur le monde arabe, un marché très difficile d'accès. Par conséquent nous progressons : notre chiffre d'affaires publicitaire a augmenté entre 2017 et 2018, il est également en progression depuis le début de l'année. Atteindrons-nous tous nos objectifs ? Je rappelle que notre contrat d'objectifs et de moyens prévoyait l'ouverture de l'antenne de RFI à la publicité de marques en Île-de-France et qu'il n'a pas été réformé. Or nous ne pouvons pas le faire de notre propre chef, cela est du ressort de l'État. Cela représente à peu près 200 000 euros que nous serions heureux de voir arriver dans notre trésorerie.