Intervention de Emmanuelle Cortot-Boucher

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 9h35
Commission des affaires sociales

Emmanuelle Cortot-Boucher :

Je vous remercie pour ces nombreuses questions, qui couvrent un champ très large.

M. Mesnier m'a tout d'abord interrogée sur le rôle de l'Agence en termes de formation. Il est tout à fait exact que l'Agence de la biomédecine a une mission d'encadrement et d'accompagnement des praticiens intervenant dans les domaines qui relèvent de sa compétence. À ce titre, elle élabore des règles de bonnes pratiques, qui encadrent les activités d'AMP, de prélèvement, de greffe ou celles relatives aux diagnostics prénataux et préimplantatoires.

Dans le champ de la greffe et des prélèvements, l'Agence délivre déjà des formations aux personnels, notamment pour assurer l'accueil des familles en deuil à l'hôpital. Cet accueil, on le sait, est souvent déterminant quant aux éléments que les familles portent à la connaissance des médecins préleveurs s'agissant du consentement au don émis par le patient décédé. L'Agence effectue dans ce domaine un travail de formation très important, qu'elle devra amplifier.

Ce travail de formation concerne également les praticiens qui accueillent les femmes enceintes et les informent des modalités de réalisation des diagnostics prénataux. Les conditions dans lesquelles s'effectuent ces diagnostics ont beaucoup évolué au cours des dernières années, notamment avec la découverte de l'ADN foetal libre dans le sang de la mère et l'élaboration de tests permettant de l'analyser. Ces nouveaux tests, qui présentent de nombreux avantages, supposent une information précise, claire et compréhensible des femmes auxquelles ils sont proposés. L'Agence joue un rôle de formation à l'égard des personnels qui interviennent dans ces domaines.

L'Agence devra aussi progresser, en recensant mieux les besoins de formation des différents champs de compétences, ce qui constituera une de ses priorités dans les années à venir. Pour cela, elle pourra s'appuyer sur ses services territoriaux, qui exercent des missions de régulation et d'appui sur le terrain. Ces services transmettront des informations permettant d'établir des plans de formation adaptés, qui répondront réellement aux besoins des professionnels.

S'agissant du don de gamètes, que M. Ramadier a évoqué, le plan ministériel adopté en 2017 vise bien à atteindre l'autosuffisance d'ici à 2021. Si celle-ci est déjà atteinte pour les dons de spermatozoïdes, avec 404 donneurs par an, nous en sommes loin en ce qui concerne le don d'ovocytes. En 2018, 756 femmes ont donné leurs gamètes, alors que 2 900 couples attendaient un don. Les files d'attente sont donc assez longues.

Pour agir sur le don de gamètes, l'Agence, qui organise des campagnes annuelles de promotion du don depuis l'automne 2008, devra amplifier son action dans ce domaine. Elle teste ses campagnes avant leur lancement puis en évalue l'efficacité. Pour la première fois, en 2019, un baromètre a été établi, qui renseigne sur le don de gamètes et sa perception par la population. Cet outil aidera l'Agence à mieux élaborer et cibler ses campagnes, et à renforcer leur efficacité.

M. Ramadier a également évoqué les nouvelles dispositions qui pourraient être adoptées dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, en particulier l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes. La pénurie d'ovocytes est sans lien direct avec cette évolution, qui ne concerne que le stock de spermatozoïdes, pour lequel l'Agence atteint l'autosuffisance à l'heure actuelle.

Pour ce type de don, une pénurie n'est pas certaine. Les pays qui ont effectué un basculement analogue à celui que la France envisage ont en effet constaté une baisse transitoire liée à la nécessité de reconstituer un stock, sans lien avec l'ouverture de l'AMP à de nouvelles catégories de couples ou de personnes. Cette diminution est plutôt à relier à l'institution d'un droit d'accès aux origines, qui, empêchant de recourir à des personnes ayant donné leurs gamètes sous le régime de l'anonymat, suppose de remobiliser des donneurs pour reconstituer un stock.

De ce point de vue, l'Agence devra mener une action forte de communication, pour mobiliser de nouveaux donneurs de spermatozoïdes dans les conditions prévues par la nouvelle loi. Elle est bien sûr prête à jouer ce rôle, comme à travailler avec les CECOS.

Elle élabore déjà des règles de bonnes pratiques qui encadrent et orientent l'activité de ces derniers. Cette possibilité existera toujours dans le futur cadre législatif, même s'il faudra sans doute faire évoluer ces règles, en les complétant, si nécessaire.

Enfin, s'agissant des priorités et des listes d'attente différenciées, la position qu'a adoptée la commission spéciale est tout à claire : la loi ne prévoit aucune différentiation à l'accès. Les parlementaires ont même souhaité amender le texte pour que cela soit dit explicitement.

À M. Dharréville, qui m'a interrogée sur la nécessité de préserver la nature du don dans notre pays, je répondrai que l'Agence est extrêmement attachée à ce que le don d'organes, de cellules ou de gamètes, reste un don gratuit, volontaire et anonyme. Ces principes sont inscrits dans les articles 16 et suivants du code civil, qui constituent notre « constitution éthique », bien que l'expression, juridiquement, ne soit pas tout à fait exacte. Comme les précédentes directrices générales de l'Agence, je compte incarner ces valeurs, si je suis nommée à la tête de l'établissement.

Celles-ci, notamment la gratuité du don, permettent l'efficacité de la collecte d'organes en France. Le choix qu'ont fait certains pays de rendre le don d'organes payant a dissuadé certaines personnes de procéder à un don car cet acte perd alors sa dimension altruiste pour devenir un geste de commerce. C'est donc aussi dans un souci d'efficacité qu'il nous faut rester attachés à ce principe.

Quant à la nécessité de défendre les missions de l'Agence de la biomédecine et son caractère public, il est très clair que ses missions relèvent de l'intérêt général. L'État, comme l'ensemble des parties prenantes, y est très attaché. Je veillerai tout particulièrement à ce que ce caractère soit protégé.

Enfin, la sécurité des données, que M. Dharréville a évoquée, est un sujet de préoccupation, notamment en raison du développement de la médecine génomique. Parce que nous disposons aujourd'hui d'outils d'analyse extrêmement performants, nous pouvons décrypter quantité de génomes. Des données d'une extrême sensibilité sont donc conservées.

Le plan France médecine génomique prévoyant la création d'une douzaine de plateformes capables de séquencer le génome, nous devons nous interroger sur la manière dont nous conserverons ces données. Outre l'Agence de la biomédecine, d'autres organes sont impliqués dans cette réflexion, notamment l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et l'ensemble des organismes de recherche.

Nous avons la chance, en France, d'être très sensibilisés aux enjeux de la protection des données. Depuis longtemps, dans le paysage institutionnel, la Commission nationale de l'informatique et des libertés évoque le risque que des données sensibles soient mal protégées. Dans le cadre du plan France médecine génomique, l'Agence de la biomédecine participe à des groupes de travail qui réfléchissent à la manière de protéger celles-ci.

Je réponds ainsi à la première partie de la question de Mme Firmin Le Bodo, qui a également évoqué l'amendement, adopté par la commission spéciale, visant à créer une délégation parlementaire permanente à la bioéthique. Cet amendement se situe dans le prolongement des dispositions actuelles de la loi, en vertu desquelles l'Agence de la biomédecine a un devoir permanent d'information à l'égard non seulement du Gouvernement, mais aussi du Parlement. Cette mission lui donne l'occasion de s'exprimer régulièrement devant les commissions parlementaires et devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ainsi que de répondre à leurs attentes. Ce travail sera conduit à s'intensifier, si cette délégation permanente est créée.

Une telle délégation va par ailleurs dans le même sens que l'amendement visant à modifier la composition du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine, qui prévoit l'entrée de trois sénateurs et trois députés, en tant que tels, alors que jusqu'à présent, la loi ne mentionnait que des « représentants des pouvoirs publics, notamment du Parlement ».

Nous devrons discuter avec les parlementaires de cette délégation permanente, si elle est créée, des modalités concrètes selon lesquelles une collaboration pourra s'exercer, afin que celle-ci prenne une forme la plus efficace possible. De nombreuses formules sont envisageables, qui prolongeraient la participation des parlementaires au conseil d'orientation de l'Agence et permettraient des contacts plus fréquents que les simples occurrences liées à la présentation des rapports d'activité et des auditions spécifiquement prévues par la loi.

En répondant à la question de M. Mesnier, je crois avoir déjà fourni les éléments de réponse aux interrogations de Mme Khattabi sur la formation des professionnels de santé.

M. Perrut m'a interrogée sur la pénurie de gamètes et le risque d'une marchandisation, notamment au vu des dispositions que certains États ont adoptées. Comme je l'ai dit à M. Dharréville, la loi française pose la gratuité comme principe cardinal du don. Nous n'avons pas l'intention de revenir sur ce principe, que l'Agence de la biomédecine défend depuis qu'elle a été créée, pour des raisons d'efficacité. Si je suis nommée à la tête de cet établissement, je veillerai à ce que cette orientation soit maintenue.

Les campagnes de communication sur le don de gamètes, organisées depuis 2008, s'efforcent de cibler des publics jeunes. L'Agence essaie de les évaluer pour en améliorer l'efficacité. Ces axes demeurent pertinents, et le seront d'autant plus dans le contexte résultant de l'adoption de la nouvelle loi. Si elle est adoptée dans des termes conformes ou proches de ceux du texte adopté par la commission spéciale, il faudra veiller à mobiliser de nouveaux donneurs de gamètes, qui accepteront une possibilité de levée de l'anonymat du don, lorsque l'enfant issu du don aura atteint la majorité. Le projet de loi adopté par la commission spéciale prévoit en effet l'articulation entre une commission d'accès aux origines et l'Agence de la biomédecine, qui tiendra un registre contenant des données non identifiantes et identifiantes sur les donneurs de gamètes, permettant aux majeurs qui le souhaiteront d'y accéder, afin de construire leur histoire et leur identité.

S'agissant des mesures à prendre pour encourager le don de moelle osseuse, nous avons besoin, pour faire face aux besoins de greffe, de recruter environ 18 000 nouveaux donneurs par an, car 7 000 donneurs sortent tous les ans du registre, pour des questions d'âge. Afin d'atteindre cet objectif, il est envisagé d'ouvrir les possibilités de don à des publics nouveaux comme, récemment, à des personnes présentant un risque infectieux contrôlable, issu de piercings ou de tatouages.

Menée durant six mois, en 2018, une expérimentation prometteuse visait à proposer une inscription en ligne sur le registre des donneurs volontaires de moelle osseuse. Après avoir rempli un questionnaire, afin de vérifier qu'elles n'appartenaient pas à une population à risque, les personnes concernées recevaient un kit à domicile pour réaliser un prélèvement salivaire ou un frottis buccal dont l'analyse permettait de les inscrire, sans qu'elles aient eu à se rendre dans un centre de don.

Ces nouvelles modalités ont donné de très bons résultats : cela permet de raccourcir considérablement le délai entre le moment où l'on manifeste sa volonté d'être donneur et celui où l'on va effectivement s'inscrire et révéler ses caractéristiques de compatibilité. L'expérimentation devra être généralisée et il faudra sans doute poursuivre les actions de communication ciblant les publics qui sont plus particulièrement recherchés : les hommes jeunes, parce qu'ils présentent les meilleures caractéristiques de compatibilité pour la greffe de moelle, et les personnes issues de la diversité, pour des raisons d'appariement – elles ne sont pas assez présentes dans le registre, et il faut donc absolument les mobiliser.

Un autre domaine dans lequel il faut peut-être agir est la diffusion des connaissances sur les modalités de prélèvement des cellules souches hématopoïétiques. Dans l'esprit de beaucoup de gens, le don de moelle osseuse reste – cela a été dit – un acte réalisé par un prélèvement intraosseux. En réalité, des prélèvements sont aussi effectués dans le sang périphérique grâce à un traitement qui permet de libérer les cellules souches hématopoïétiques, de les mettre en circulation dans le sang. Le prélèvement est ainsi nettement moins invasif que beaucoup de personnes l'imaginent. On doit le faire savoir parce que cela peut aider un certain nombre de donneurs à se décider.

M. Belhaddad m'a interrogée sur la modification des règles relatives à la composition du conseil d'administration de l'Agence. Le texte adopté par la commission spéciale prévoit – et il est, sur ce point, conforme au projet de loi déposé par le Gouvernement – l'entrée au conseil d'administration d'un certain nombre de représentants d'associations, notamment de donneurs d'organes. Je crois que cette évolution entre tout à fait dans le cadre du développement de la démocratie sanitaire et qu'elle peut apporter beaucoup à l'Agence, qui travaille déjà très étroitement avec les associations. Celles-ci seront intégrées au sein même des organes de gouvernance, ce qui ne pourra qu'aider l'Agence à prendre les bonnes décisions, en particulier pour mobiliser les donneurs et élaborer la stratégie la plus adaptée possible en matière d'actions de communication.

Madame Robert, on a effectivement observé, en 2018, pour la première fois depuis plusieurs années une petite diminution du nombre de greffes : il y a eu 300 greffes de moins qu'en 2017. Cette baisse a pu être limitée à 5 % : dès que les premiers signaux d'inquiétude sont apparus, l'ensemble des acteurs se sont mobilisés. L'Agence de la biomédecine a alerté tout le monde, pour faire en sorte que la baisse soit aussi réduite que possible. La mobilisation a permis de limiter l'ampleur de la baisse, mais on voit bien que les acquis restent fragiles et qu'il y a encore beaucoup d'efforts à déployer pour consolider la situation.

Les pistes sont multiples, car il s'agit d'une activité extrêmement complexe. Nous pouvons agir sur beaucoup de plans pour essayer d'augmenter le nombre de prélèvements et de greffes.

Dans le domaine du prélèvement sur donneur vivant, il y a la question du développement du don croisé d'organes. Ce type de don est possible en France depuis plusieurs années, mais il ne « décolle » malheureusement pas. Les chiffres restent très bas : seules quatre greffes ont pu avoir lieu dans ce cadre en 2016, ce qui est très peu. C'est d'autant plus étonnant que ce type de don fonctionne bien dans d'autres États membres de l'Union européenne – au Royaume-Uni, en Espagne et aux Pays-Bas – ou encore aux États-Unis. Il y a sans doute quelque chose à faire pour que notre dispositif soit plus efficace dans ce domaine. C'est un des objectifs du projet de loi qui est actuellement en discussion. Comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, il est prévu d'assouplir les conditions dans lesquelles le don croisé d'organes est encadré dans notre pays. Vous savez que ce don ne peut actuellement se faire qu'entre deux paires, deux couples, et qu'il doit être réalisé d'une façon simultanée. Le projet de loi tend à faire disparaître la limite liée aux deux paires afin de permettre des chaînes plus longues, et à assouplir la condition de simultanéité en prévoyant que les prélèvements doivent être faits dans un délai de 24 heures, ce qui ouvre de belles perspectives. Il faudra sans doute beaucoup d'expertise pour élaborer les chaînes de don croisé, car elles sont complexes. C'est un des domaines dans lesquels nous devrons mobiliser une expertise en algorithmes. Le recours aux techniques d'intelligence artificielle peut nous aider à augmenter le nombre de greffes.

En ce qui concerne le prélèvement sur donneur décédé, les pistes de progression sont multiples et il faut utiliser tous les leviers. J'en ai déjà mentionné quelques-uns dans mon propos liminaire.

Il faut développer le prélèvement multiple d'organes : on prélève aujourd'hui, en moyenne, 3 organes sur un donneur décédé, alors qu'on peut sans doute aller un peu plus loin. L'objectif fixé par le plan est de parvenir à 3,3 organes, ce qui représente une différence substantielle quand on prend en compte tous les patients décédés qui font l'objet d'un prélèvement.

On peut aussi agir sur le consentement au don, en essayant de réduire le taux d'opposition. Il reste relativement important en France : il s'élève à 30 %. Il s'est un peu réduit au cours des dernières années, puisqu'il était auparavant de 33 %, mais il reste nettement plus élevé qu'en Espagne, par exemple, où il est de 15 %. Nous avons donc un travail à poursuivre. Il est déjà très important, mais il faut sans doute l'amplifier en ce qui concerne la connaissance des modalités du consentement au don telles qu'elles sont prévues par la loi. Celle-ci est encore très mal connue et l'ambiguïté ne joue pas au bénéfice du consentement, malgré la présomption en vigueur. On doit faire connaître cette loi pour que le sujet puisse être abordé en famille et que les proches n'aient pas d'hésitation lorsqu'ils sont abordés par les soignants au moment où une décision de prélèvement doit être prise.

Par ailleurs, il faut sans doute agir sur la formation des praticiens à l'hôpital, afin qu'ils réussissent à traiter au mieux cette question lorsqu'une famille est endeuillée. C'est un sujet extrêmement délicat. Les équipes médicales doivent être accompagnées et recevoir une formation dans ce domaine.

Indépendamment de tout ce qui concerne le prélèvement en tant que tel, tout un pan d'actions porte sur l'amélioration de la greffe et de sa réussite. Cela suppose de mieux travailler avec les équipes qui vont assurer la greffe, notamment sur le plan de la télétransmission d'images, pour que les équipes de prélèvement et de greffe soient bien coordonnées. Cela implique également d'utiliser toutes les nouvelles techniques qui permettent de mieux conserver les organes afin qu'ils arrivent dans un meilleur état au moment où ils vont être implantés sur un receveur.

M. Lurton est revenu sur le consentement au prélèvement d'organes, dont je viens de parler. La loi a effectivement été modifiée en 2016. Le principe d'un consentement présumé a été maintenu – c'est un principe très ancien dans notre droit, puisqu'il remonte à la loi dite « Caillavet » de 1976. L'apport de la loi de 2016 est qu'elle a précisé que l'opposition au prélèvement s'exprime « principalement par l'inscription sur un registre national ». Un équilibre a été trouvé grâce au décret de 2016, qui a été élaboré en lien avec les associations de familles de donneurs et l'ensemble des parties prenantes : en cas de possibilité de prélèvement, on consulte d'abord le registre, mais le donneur potentiel peut aussi avoir exprimé son refus d'une autre manière, notamment s'il a expressément écrit qu'il s'oppose à un prélèvement de ses organes – un écrit daté et signé constitue un document tout à fait valable, qui doit être pris en compte. Le décret, dans le respect de la loi, rappelle également que l'on peut exprimer son refus d'une manière orale, verbale, auprès de ses proches. Ces derniers doivent en faire part à l'équipe de prélèvement, qui fait alors une retranscription de la manière selon laquelle le refus s'est concrètement exprimé, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de prélèvement en cas de refus expressément indiqué. C'est un équilibre consensuel, qui a été élaboré avec l'ensemble des parties prenantes et qui est bien accepté aujourd'hui. Il n'est pas du tout envisagé de revenir sur ce point dans le cadre du projet de loi.

M. Borowczyk m'a interrogée sur le don de moelle osseuse et sur la façon de le promouvoir. Je crois avoir abordé cette question lorsque j'ai répondu à M. Perrut.

Mme Limon a évoqué les nouvelles compétences qui pourraient être dévolues à l'Agence dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique. J'ai déjà parlé de la création d'un registre des donneurs de gamètes : ce sera une compétence extrêmement importante pour l'Agence, si elle lui est attribuée, et il faudra réaliser des investissements significatifs car le nouveau registre devra être fiable – c'est un domaine dans lequel les erreurs ne sont pas acceptables – et cela dans la très longue durée – on va consigner des données qui seront utilisées au plus tôt au bout de 18 ans et potentiellement 30 ou 40 ans plus tard. Il faudra créer un système informatique extrêmement robuste. L'Agence, si je suis nommée à sa direction, sera particulièrement vigilante sur ce sujet.

Il est envisagé d'attribuer d'autres compétences à l'Agence dans le cadre du projet de loi. C'est notamment le cas en matière de suivi des donneurs de cellules souches hématopoïétiques. Actuellement, la loi ne donne pas de compétence expresse à l'Agence dans ce domaine, ce qui constitue un manque. L'Agence assure, dans les faits, un suivi des donneurs parce qu'il est indispensable de le faire. Le projet de loi donnera un fondement légal à cette activité et permettra d'amplifier les actions menées. C'est fondamental non seulement dans l'intérêt des personnes suivies mais aussi en tant que moyen de promouvoir le don de moelle osseuse : si l'on est en mesure de donner des éléments précis sur l'état de santé et de montrer que le don est sans risque pour les donneurs, ce sera bien sûr un élément de nature à mobiliser plus de monde.

Le projet de loi prévoit aussi de donner une compétence à l'Agence en ce qui concerne la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites, dites iPS, après un prélèvement chez l'adulte. Ce qui est envisagé est un régime de déclaration comportant une possibilité d'opposition pour l'Agence. Elle pourra déployer cette activité en s'appuyant sur son conseil d'orientation, qui joue déjà un rôle extrêmement important pour l'autorisation des protocoles de recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines, étant entendu qu'il est prévu de passer à un régime de déclaration dans le dernier cas : cette instance est systématiquement consultée en la matière. Nous allons capitaliser sur l'expérience acquise dans le cadre de l'activité d'autorisation des projets de recherche sur l'embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines pour développer la compétence relative aux iPS.

J'ai déjà parlé de la modification de la composition du conseil d'orientation et du conseil d'administration. Ces évolutions s'inscrivent tout à fait dans le prolongement de la loi actuelle, au sens où celle-ci prévoit déjà une collaboration étroite avec les parlementaires, et l'on va renforcer encore la démocratie sanitaire au sein de l'Agence de la biomédecine au moyen d'une participation encore plus étroite des associations représentant les usagers et d'autres personnes concernées par les activités de l'Agence, notamment les associations représentant les familles de donneurs.

Vous m'avez aussi interrogée sur les difficultés de collecte de gamètes pour des femmes non blanches, issues de la diversité. Il est vrai que c'est une difficulté à laquelle on se heurte dans le domaine de l'AMP. Vous savez que l'on recherche un appariement, non pas parfait mais tout de même suffisant, entre les gamètes utilisés et le phénotype des parents, de manière que la filiation puisse paraître vraisemblable. Il y a effectivement une difficulté à laquelle on doit remédier. Jusqu'à présent, les campagnes de communication sur le don d'ovocytes n'ont pas ciblé particulièrement les publics issus de la diversité, à ma connaissance. C'est peut-être quelque chose qui devra être développé à l'avenir, en précisant bien pourquoi on cible ces publics, afin que ce soit bien compris. Il s'agit de sensibiliser les gens aux difficultés d'un certain nombre de couples à accéder à l'AMP compte tenu de la pénurie de gamètes présentant certaines caractéristiques.

M. Door m'a interrogée sur l'activité nouvelle qui pourrait être confiée à l'Agence en matière de recherche sur les iPS. C'est effectivement un domaine de compétence qu'il est envisagé de donner à l'Agence dans le cadre du projet de loi – je viens d'en parler. C'est nécessaire car ces activités de recherche, même si elles n'impliquent pas l'embryon humain, posent des questions éthiques redoutables, notamment dans la mesure où elles peuvent rendre possible la création artificielle de gamètes. Il y a des limites qui doivent être respectées en la matière. Le projet de loi prévoit que la modification du génome humain à des fins d'amélioration de la descendance est interdite. Il faudra exercer un contrôle strict sur les programmes de recherche impliquant les iPS, afin de s'assurer que la limite qui devrait être établie par la nouvelle loi est respectée.

Mme Wonner m'a posé une question sur le travail que l'Agence entend mener avec les CECOS, qui sont chargés de la conservation des ovocytes et du sperme. L'Agence joue déjà un rôle à l'égard de ces organismes : elle élabore des règles de bonnes pratiques pour leur activité. L'Agence a notamment rédigé, en 2018, un guide pratique sur l'activité de conservation cryogénique des gamètes – comment faire fonctionner une salle de cryoscopie, quelles sont les bonnes méthodes... L'Agence devra, bien sûr, poursuivre cette activité. Si le projet de loi relatif à la bioéthique est adopté dans les termes qui sont envisagés, il y aura un changement de paradigme à plusieurs égards pour les CECOS. L'Agence adaptera naturellement les règles de bonnes pratiques en conséquence : elle pourra les compléter pour donner aux CECOS toutes les orientations et les précisions nécessaires sur les points nouveaux qui ne seraient pas encore couverts par les règles de bonnes pratiques. Vous m'avez demandé si je suis prête à faire face à ces défis : je crois l'être.

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