Mon collègue qui vient de s'exprimer à l'instant a bien dit que nous sentons que notre intuition était la bonne. Il y a une agitation autour des pôles et une aggravation d'un certain nombre de tensions.
Pour l'Antarctique, l'affaire paraît à peu près cadrée. En tout cas, nous y sommes bon pied bon oeil, et nous ne voyons pas ce qui pourrait nous en déloger ou nous interdire d'avoir à dire ce que nous avons à dire. Le bateau que nous y avons mis, je l'ai vu au moment où on le construisait. C'est quelque chose de magnifique. Vous avez raison de le dire, nous avons besoin d'autres matériels.
Pour le pôle Nord, la situation est plus complexe. Je pense qu'il faut prendre très au sérieux l'intervention des États-Unis, parce qu'ils sont agressifs partout où ils sont. En deux cent vingt-neuf ans d'histoire, ils ont deux cent vingt-deux ans de guerre, et leur habitude est bien de s'emparer – c'est une constante –, comme ils l'ont fait pour la moitié du Mexique, l'Alaska et le reste. S'ils proposent d'acheter le Groenland, c'est que c'est tendu. Proximité n'est pas raison. Comme disait le roi François 1er, au moment de l'accord de Tordesillas, « je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde ». Précisément, moi aussi j'aimerais voir celle qui dit que les Français n'ont rien à faire là-dedans. Nous y avons un intérêt très fort et je crois qu'il va falloir que nous travaillions un peu plus là-dessus, parce qu'il faut que nous arrivions à comprendre ce que les États-Unis veulent. Je crois que c'est un bienfait que les Chinois y mettent les doigts, parce que cela fait moins de face-à-face. Cela fait de potentiels alliés. Cela fait des gens qui rentrent dans la discussion. Qu'ils veuillent des terres rares, etc., les uns veulent des poissons, les autres du pétrole, peu importe, tout le monde veut quelque chose. L'important c'est quelle part de raison et de droit international on peut introduire dans tout cela. Pour nous, les Français, c'est cela notre chance, c'est d'être producteur de droit international et d'accords. Nous le faisons à partir de la recherche scientifique. Je vous donne tout à fait raison, parce que c'est la seule langue internationale universaliste que nous parlons tous.
Ma question ne s'attardera que sur un seul point, c'est la question des routes maritimes au pôle Nord. Nous avons été assez fascinés par tout ce qui nous a été dit. L'impact environnemental a l'air considérable, mais vous nous avez dit tout à l'heure que c'est un mythe, les routes ne s'ouvriront pas plus de trois mois par an. Cela change beaucoup de choses. Dans l'idée que je m'en faisais, c'était un processus qui allait maintenant être en expansion, on n'y pouvait rien, les routes allaient s'ouvrir et se changer au niveau du monde. Ni le canal de Panama ni le canal de Suez n'allaient être le gabarit final des routes maritimes. Pouvez-vous préciser sur ce point, parce que cela va changer beaucoup de choses dans l'approche que nous allons avoir de la géopolitique dans cette zone ?