Intervention de Claude Goasguen

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

Comme beaucoup de nos collègues, je voudrais dire que le constat est que nous n'avons pas de politique migratoire. Nous avons des réactions migratoires. D'ailleurs, entre nous, ce n'est pas la peine de nous fustiger, parce que, quand nous regardons l'histoire, il n'y a jamais eu de politique migratoire. À part quelques exceptions, il n'y a pas d'État ayant su maîtriser les politiques migratoires depuis des siècles.

Si nous voulons conduire une politique migratoire, encore faut-il s'en donner les moyens. Pourrons-nous faire une politique migratoire ? C'est un vrai sujet.

De mon point de vue, la politique migratoire est une politique en partie double. Si nous voulons avoir une politique migratoire, il ne faut pas la penser comme une politique simplement du pays d'accueil par rapport à d'autres pays, même si l'aide au développement est considérée dans les discours comme quelque chose d'important. En réalité, en regardant le regroupement familial, nous voyons bien que nous sommes dans une politique néocoloniale, que l'Europe n'a pas du tout changé d'avis à l'égard de l'Afrique qui est en train d'émerger et que notre politique est toujours orientée autour de nos propres besoins, sans tenir compte véritablement des besoins de pays ayant besoin que leur situation s'améliore.

C'est également ma position sur la question des étudiants. Vous savez que je me suis opposé à la plupart des personnes. Il y a incontestablement une volonté de paupériser les universités africaines. Faire venir des étudiants africains en quantité exerce une attraction tellement forte que, bien entendu, ils ne retourneront pas chez eux. J'ai enseigné à Abidjan à plusieurs reprises, il est clair qu'il y a une déperdition. L'attraction néocoloniale que nous exerçons sur l'Afrique n'a pas de compensation de l'autre côté. Il ne peut pas y avoir de politique migratoire, si elle ne s'inscrit pas en partie double.

C'est un véritable débat et j'attends que le Gouvernement nous fasse quelques propositions de ce point de vue.

Je voudrais dire d'ailleurs que, sur le plan international, il n'y a pas non plus de politique migratoire. Monsieur l'ambassadeur, le pacte de Marrakech est une plaisanterie ! C'est d'ailleurs le seul pacte de politique internationale sur lequel nous n'avons jamais été consultés. L'Assemblée nationale a été sortie du jeu, comme si véritablement, il fallait que les représentants de la nation soient totalement absents de la définition d'une politique migratoire internationale.

Il y a une chose sur laquelle il va falloir agir : la politique de l'asile, que vous avez très bien démontée. Je vais même au-delà : la France, qui prétend dicter la politique européenne d'asile, devrait d'abord regarder sa manière de traiter la question. Les gouvernements successifs ne contrôlent plus l'asile en France. Il n'y a pas de contrôle politique, car, administrativement, l'OFPRA ne dépend pas de la politique gouvernementale et nous n'appliquons plus la convention de 1954 concernant réfugiés. Je vous rappelle que la convention de 1954 n'est pas relative au droit d'asile. La convention de 1954 est la convention sur les réfugiés, ce qui n'est pas du tout la même chose. Nous avons une interprétation de l'asile par l'OFPRA. Je souhaite à l'Europe d'éviter d'étendre la jurisprudence française pour l'asile européen. Je vous rappelle que la seule manière de contrôler juridiquement le droit d'asile dans ce pays dépend de l'appel devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui est la seule juridiction compétente. Sur l'asile, ce n'est pas possible, nous ne pouvons pas continuer comme maintenant. Nous ne pourrons pas faire des quotas sur le droit d'asile « à la française ». Je voudrais attirer votre attention là-dessus, en vous remerciant et en particulier notre ami belge, qui devrait venir parmi nous rapidement, parce que je partage tout à fait ce qu'il a dit dans son analyse.

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