J'ai bien entendu votre long exposé, monsieur Dharréville, qui répond aux interrogations avec lesquelles nous avons terminé la séance de vendredi soir dernier. J'ai réfléchi longuement ce week-end à nos échanges. Je me suis dit que, s'il y avait encore autant de confusion sur la question des origines, de l'anonymat, de l'accès aux données identifiantes ou non identifiantes, de la filiation, c'est peut-être parce que nous avions omis de rappeler, au préalable, un mot indispensable – dont on retrouve l'idée dans vos propos – , même s'il n'est pas nécessaire qu'on l'inscrive dans la loi pour y penser : « merci ». Merci à tous les donneurs qui ont donné depuis des dizaines d'années en France. Ils méritent en effet notre gratitude, notre considération, notre respect. Ce respect a en particulier consisté, pendant une période, à protéger leur identité vis-à-vis de tous.
Cela étant, précisément parce que le don est altruiste, généreux – vous l'avez évoqué – , il faut que nous soyons à même, en tant que législateur, d'entendre les questions, les demandes de considération et de respect des enfants issus d'un don, qui ont grandi, qui sont aujourd'hui des personnes majeures ; j'évoque ici les enfants issus d'une insémination artificielle avec don de sperme – IAD – non pas homoparentale mais bien hétéroparentale. Nous pouvons supposer qu'au cours des décennies à venir, d'autres questions se poseront.
En attendant, on l'a dit et j'entends le répéter avec beaucoup de sérénité, la question n'est pas celle de la recherche d'un père – le droit le confirme du reste déjà : la filiation avec le donneur est proscrite, et elle le restera. La question concerne plutôt l'histoire génétique : pourquoi cours-je plus vite que le reste de ma famille ? Pourquoi suis-je si bon en mathématiques ? Pourquoi ai-je les cheveux roux alors que les autres les ont bruns et blonds ?
Ainsi, j'y insiste, les questions qui se posent sont d'ordre génétique sans relever de la relation parentale. Et le besoin de connaître le récit de ses origines, ce n'est pas le besoin de changer le récit de son histoire familiale. Il me paraît vraiment important que nous fassions la différence, et que nous la fassions valoir à tous les donneurs passés et à venir, avec beaucoup de tranquillité. Ne faisons donc pas cette confusion ; les enfants issus d'une IAD, eux, ne la font pas.
Parce que nous respectons les anciens donneurs, aucun d'entre eux ne sera forcé de révéler des données non identifiantes ou des données identifiantes. Mme la ministre des solidarités et de la santé l'a rappelé, et le texte est, en la matière, très clair : il n'y aura pas d'obligation pour les donneurs précédents. En revanche, les donneurs à venir devront consentir à la révélation de leurs données non identifiantes ou identifiantes. Cela résultera donc, forcément, d'un choix.
S'agissant des donneurs précédents, le texte a déjà quelque peu évolué en commission, et je vous soumettrai un amendement. D'une part, les donneurs relevant du régime antérieur pourront se manifester pour faire savoir qu'ils permettent aux enfants issus de leur don d'accéder à des données non identifiantes ou identifiantes. D'autre part, on peut imaginer que, lorsqu'un enfant issu d'un don, une fois majeur, le souhaitera, l'on interroge le donneur. On sait gérer, déjà, cette situation en France.
Vous avez eu raison de rappeler, monsieur Dharréville, que le don est altruiste. Non seulement l'Assemblée respecte les donneurs, mais elle les remercie, comme la France entière. Et, parce que nous respectons infiniment le don et ce qu'est la PMA, parce que nous ne faisons aucune confusion avec la vraisemblance biologique, parce que nous ne voulons pas faire naître d'illusions, nous n'avons pas peur d'assumer le fait que certains enfants puissent avoir accès à une partie de leur récit génétique, et non de leur récit familial. J'émets un avis défavorable sur l'amendement.