L'élément nouveau, c'est qu'il existera une filiation homoparentale, mais la filiation que vous avez qualifiée de « déclarative », au sens où elle résulte d'un acte de volonté, existe déjà pour les hétérosexuels, depuis 1994, dans le cadre de l'AMP.
Je vous renvoie, sur ce point, à l'article 311-20 du code civil. Le consentement à la PMA devant notaire rend d'ailleurs cette filiation incontestable et, partant, plus solide que la filiation dite « biologique ». Elle ne peut pas être détruite, sauf si l'on prouve que le consentement a été privé d'effet avant l'insémination ou que l'enfant est issu non pas de l'AMP, mais d'une relation tierce. Cette filiation volontaire, décisionnelle, qui procède de l'engagement d'un homme et d'une femme dans le cadre d'un processus d'AMP, est la plus solide du code civil.
Il n'y a donc pas de doute : les parents sont ceux qui ont consenti à l'AMP et ont reçu les gamètes fournis par le donneur, et jamais celui-ci ne sera reconnu comme parent. Il n'existe aucun risque à ce sujet. Les garanties prévues expressément par le législateur en 1994 continueront à s'appliquer demain, y compris pour les couples homoparentaux.
Vous dites que le don de gamètes est la même chose qu'un don de sang. Il y a certes une similitude dans leur caractère altruiste, mais il existe une immense différence, que vous ne pouvez nier, monsieur Mélenchon : dans le cas de l'AMP, une tierce personne est issue du don. Or cette tierce personne n'est pas receveuse ; elle est autonome et n'a rien demandé.
Second point sur lequel nous devons éviter les confusions : les anciens donneurs. Je vous l'ai déjà dit, jamais nous n'irons les contraindre. Quant aux futurs donneurs, ils auront le choix de donner ou non, dans les conditions fixées par la loi.
Que ce soit sous le régime précédent ou sous le régime à venir, les donneurs auront toujours le choix. Dès lors, pourquoi ne donnerions-nous pas ce choix également aux enfants issus d'une IAD ?
Dans le cas argentin, avez-vous dit, certains voulaient savoir et d'autres ne le voulaient surtout pas. Or nous n'allons pas forcer les enfants issus d'une IAD à connaître leurs origines ! Il s'agit d'une simple faculté qui leur est offerte et qui ne sera sans doute pas utilisée par tous les enfants issus d'une IAD devenus majeurs.
L'idée d'envoyer un courrier à chacun d'eux, discutée en commission, a été balayée. C'est hors de question ! Certains lobbies ont demandé qu'un tel courrier soit systématique et obligatoire, mais nous avons refusé et nous tiendrons ferme sur cette position. Nous n'allons pas imposer aux parents de révéler à leur enfant son mode de conception. Nous n'imposerons pas non plus aux enfants issus d'une IAD de recevoir, à leur majorité, l'intégralité de leur récit identitaire si tel n'est pas leur choix.
Nous nous en remettons au choix des personnes. Nous respectons profondément les différences, chez les donneurs comme chez les enfants issus d'une IAD, et c'est pourquoi nous offrons à ces derniers la faculté d'accéder à leurs origines.
Si nous ouvrons cette possibilité, c'est aussi parce qu'il y a une responsabilité de l'État – telle est bien la question que nous devons nous poser lorsque nous examinons un texte relatif à la bioéthique, comme l'a souligné Mme la ministre sur d'autres sujets. En effet, l'État est responsable du fait que ces enfants sont issus d'une PMA, puisque c'est lui qui l'autorise et l'organise. Dès lors, notre responsabilité est aussi de leur offrir des réponses.
Parce que nous assumons nos responsabilités, dans le respect des uns et des autres, sans confusion avec la biologie, la sociologie ou la notion de parentalité, nous offrons la possibilité à ceux qui le souhaitent et pour qui cela serait important, sans forcer ceux qui ne le veulent pas, d'accéder au récit de leurs origines génétiques. Il s'agit d'une grande avancée, dont nous pouvons, je le pense, être très fiers.