Ce soir et demain, nous allons discuter longuement de tous les enjeux de cette filiation.
J'entends beaucoup parler d'égalité, soit du point de vue de la femme qui accouche au sein du couple de femmes, soit entre les couples de femmes et les couples hétérosexuels. Même si nous n'examinons pas une grande loi d'égalité, il fallait bien aborder la question sous cet angle. Comme vous l'avez dit à plusieurs reprises et de différentes façons, soit nous assurions l'égalité entre tous les couples, créant alors une distinction entre les deux mères alors que nous allons les reconnaître pour la première fois dans le code civil, soit nous assurions l'égalité entre les mères, reconnaissant ainsi une différence de situation entre les couples homme-femme et les couples femme-femme. C'est la seconde option que nous avons retenue. Aurait-il été préférable de choisir la première et de suivre l'adage « mater semper certa est », selon lequel « la mère qui accouche est toujours certaine » ? Je n'en suis pas sûre, mais nous pourrons en débattre.
Je me suis permise de faire une petite incursion dans l'histoire du droit de la filiation, car j'aime savoir de quoi je parle.
Initialement, quand cet adage a été créé par les Romains – il ne s'agissait alors pas encore de droit, mais de coutumes – , la filiation par la mère était seulement réelle, et non légitime. Le fait que les enfants lui soient rattachés parce qu'elle avait accouché et qu'elle était certaine ne leur donnait aucun droit, n'entraînait aucun des effets de la filiation, que ce fût en matière de capacité juridique, de patrimoine, de citoyenneté ou d'héritage.
Ainsi, ce que je vous entends défendre comme étant absolument indispensable à la constitution d'une filiation juridique avec la mère ne l'était pas à l'époque. Les mêmes phrases, les mêmes mots, voyez-vous, peuvent prendre des sens très différents selon les époques dans lesquelles on se situe et selon les droits qui y sont attachés.
Je rejoins la garde des sceaux sur le fait que tous les enfants bénéficieront des mêmes effets dans leur filiation, quel que soit le mode d'établissement de cette dernière. Il s'agissait d'un prérequis absolument indispensable – chacun dans cette assemblée s'accordera, je crois, à le reconnaître – , et nous devons donc nous en féliciter.
Nous pourrons discuter plus longuement des enjeux d'égalité. Je ne pense pas que nous menions une grande réforme du droit de la filiation.