Intervention de Amélie de Montchalin

Séance en hémicycle du jeudi 3 octobre 2019 à 9h00
Coopération et intégration franco-allemandes — Motion de rejet préalable

Amélie de Montchalin, secrétaire d'état chargée des affaires européennes :

Merci.

À vous en croire, la convergence européenne dans le domaine social ne serait pas l'objectif de Mme Annegret Kramp-Karrenbauer ; en tout cas, c'est le nôtre. Le Président de la République l'a affirmé dans son discours de la Sorbonne et depuis lors. Il y a quelques semaines, Ursula von der Leyen elle-même a annoncé devant le Parlement européen que la fixation d'un salaire plancher dans chaque État membre ferait partie de ses objectifs, afin qu'aucun travailleur à plein temps ne gagne moins que le seuil de pauvreté. J'espère que vous partagez cet objectif. C'est bien une présidente de nationalité allemande qui l'a fait sien devant le Parlement européen, et je crois que beaucoup de Français le partagent. Je tenais à préciser ce point.

Je vous le répète, nous ne renoncerons pas à notre siège au Conseil de sécurité. Vous appelez à une réforme du Conseil, et c'est effectivement un débat important. Nous le disons souvent : il est de l'intérêt de la paix dans le monde et de la diplomatie mondiale que les instances internationales représentent les grands équilibres géopolitiques. Ma déclaration visait à clarifier les choses : nous pensons qu'un siège unique pour l'ensemble de l'Union européenne ne serait conforme ni à la charte de San Francisco, ni à ce que les Européens veulent.

S'agissant de la réunification allemande, qui aurait été une annexion, je voudrais rappeler à tous quelques faits, en ce jour anniversaire du 3 octobre qui nous invite à quelques clarifications. Le 13 novembre 1989, le parlement de la République démocratique allemande a déclaré que la réunification était une question à régler par les Allemands eux-mêmes ; il a ainsi exprimé un choix de souveraineté. Le 18 mars 1990, des élections ont eu lieu en RDA, qui ont vu la victoire de la CDU. Celle-ci a invoqué l'article 23 de la Loi fondamentale de la RFA, qui permettait à un Land d'adhérer unilatéralement à la RFA – on avait donc inscrit dans les textes, dès 1949, que la réunification était possible et souhaitable. Le 22 août 1990, le parlement de la RDA a adopté une loi créant de nouveaux Länder. Le 23 août, il a demandé l'adhésion à la RFA, dans l'esprit de la constitution de 1949. Cette adhésion a pris effet le 3 octobre suivant. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une annexion, puisque, à chaque étape, ce sont les décideurs de la RDA qui ont, par des choix positifs, permis cette réunification.

J'en viens aux projets d'armement communs. Je croyais, monsieur Mélenchon, que vous étiez de tendance pacifiste. Or, s'il y a bien quelque chose qui favorise la paix, c'est que des pays partagent leurs informations secret-défense. La bonne nouvelle du projet SCAF, c'est qu'à partir du moment où elles conçoivent ensemble un avion de combat, la France, l'Allemagne et l'Espagne ne peuvent plus se faire la guerre entre elles. Je suis toujours étonnée de voir ceux-là mêmes qui se disent pacifistes rejeter tout projet d'armement commun, alors que le fait de disposer des mêmes armes réduit la probabilité d'une guerre. C'est bien parce que nous voulons nous rapprocher et souhaitons ensemble la paix que nous mettons en commun nos armements.

Vis-à-vis de la Russie, nous ne cherchons pas une posture diplomatique définitive. Pour moi, l'amitié à l'égard de la Russie ou l'opposition à celle-ci ne doivent ni l'une ni l'autre être systématiques. Le Président de la République cherche à rétablir un dialogue franc et exigeant sur un certain nombre de sujets, notamment pour avancer dans le règlement des conflits gelés à l'Est du continent – en Ukraine, en Moldavie et dans le Caucase, notamment en Géorgie – , qui ont fait naître des zones de non-droit. Pour y parvenir, nous avons besoin d'entretenir un dialogue soutenu avec la Russie. Dans d'autres domaines, en revanche, de vrais différends nous opposent, sans toutefois que nous soyons dans une opposition systématique.

Mardi dernier à Strasbourg, le Président de la République et moi-même avons participé à la célébration des 70 ans du Conseil de l'Europe, organisation qui promeut, à l'échelle du continent européen, des valeurs telles que le respect des droits de l'homme, la protection des minorités et la protection des journalistes. Au sein du Conseil de l'Europe, nous exprimons vis-à-vis de la Russie des exigences concernant le droit de manifester, le droit de candidats à se présenter aux élections ou encore la protection des leaders militants, tchétchènes ou autres. La France, qui assure la présidence du comité des ministres du Conseil de l'Europe pour six mois, est pleinement associée à ces demandes.

Nous avons à l'égard de la Russie non pas une opposition systématique ou une amitié romantique, mais un dialogue franc et exigeant. C'est un pays de culture européenne, un vrai partenaire, avec lequel nous avons de nombreux échanges, notamment au sein du Conseil de l'Europe, mais vis-à-vis duquel nous avons aussi des exigences. Je crois qu'il était important de le rappeler.

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