Le jour est venu de ratifier un traité entre la France et l'Allemagne. Le MODEM soutiendra résolument le projet de loi. Ce serait une grave erreur que de penser qu'il s'agit là d'un traité comme les autres. Selon moi, ce traité répond à une nécessité européenne ; il ouvre un nouveau chemin ; il est porteur d'espoir.
Une nécessité européenne, d'abord, parce que, dans une Europe idéale, la convergence fiscale ne serait pas entravée par la règle de l'unanimité, nos économies convergeraient, les réglementations européennes évolueraient au rythme des défis auxquels l'Union est confrontée. Mais la réalité de l'Europe n'est pas celle-là. Aujourd'hui, au sein même de la zone euro, s'il y a une intention de convergence, il y a une réalité de divergence. Aujourd'hui, les réglementations européennes ne vont pas au rythme des GAFA, de la Chine ou de la montée des populismes. Aujourd'hui, ces réglementations, qui ont des répercussions directes sur les PME, sont autant de barrières non tarifaires qui les freinent dans leur développement au sein même de l'Union.
C'est pour cela, chers collègues, que la France et l'Allemagne ont une responsabilité particulière ; qu'elles doivent jouer un rôle d'accélérateur de convergence et d'initiatives européennes. Si elles décident d'une convergence accélérée de leurs modèles, si elles lancent des projets communs, alors elles auront un effet d'entraînement. C'est exactement ce qui est proposé dans ce traité, qui traite de l'harmonisation des espaces économiques, permettra de lancer des projets novateurs, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle, et favorisera un rapprochement dans le domaine de la défense. Ce sont là des objectifs concrets, précis, qui ont vocation à être les précurseurs d'une convergence européenne et le fer de lance de notre ambition commune.
Pour des raisons politiques, économiques et historiques, la France et l'Allemagne ne peuvent s'affranchir de cette responsabilité. Nous devons être une puissance d'impulsion européenne.
Rappelons-nous les paroles très justes prononcées par le président de la Commission européenne le jour de la signature du traité, à Aix-la-Chapelle : lorsque la France et l'Allemagne sont d'accord, cela en irrite certains, mais lorsqu'elles sont en désaccord, cela inquiète tout le monde. Je souhaite donc vous faire part d'un message essentiel : l'ambition de ce traité dépasse largement son cadre bilatéral. Il constitue une véritable avancée pour le projet européen, et c'est en ce sens qu'il trace un chemin.
Nos parlements, le Bundestag et l'Assemblée nationale, joueront quant à eux pleinement leur rôle : un contrôle conjoint des deux exécutifs afin de veiller à la pleine et entière application du traité ; un outil opérationnel pour la convergence de nos droits et le rapprochement de nos positions au niveau européen.
Le jour est venu, aussi, de faire un pas déterminant en matière transfrontalière. Lundi dernier, j'ai participé à la première réunion informelle, à Strasbourg, du comité de coopération transfrontalière prévu par le traité. Pour la première fois, autour de la table, étaient réunis les trois pouvoirs : le pouvoir législatif, avec des membres de l'Assemblée parlementaire franco-allemande ; l'État déconcentré, avec le préfet, et l'État central, avec l'ambassadeur chargé des commissions intergouvernementales, de la coopération et des questions frontalières ; les exécutifs locaux de la région Grand Est, des départements alsaciens, de la Moselle et de l'eurométropole de Strasbourg ; enfin, leurs équivalents allemands, à l'échelon fédéral et à celui des Länder.
Notre méthode est la suivante : aborder un par un chacun des problèmes irritants du quotidien auxquels sont confrontés les citoyens frontaliers, et les résoudre un par un, en y apportant une réponse tantôt par la voie réglementaire, tantôt par la convergence ou l'harmonisation de nos deux droits. C'est cette approche pragmatique là qui sera rendue possible par la ratification du traité d'Aix-la-Chapelle, au-delà du suivi des projets communs et de l'établissement d'un lien direct avec le conseil des ministres franco-allemand.
Le jour est venu, enfin, d'écrire une page nouvelle de l'histoire franco-allemande. Lors de la campagne des européennes, certains affirmaient qu'il était inutile d'avancer l'argument des soixante-quinze années de paix, parce qu'il ne parlait pas à nos concitoyens. Je voudrais en dire quelques mots aujourd'hui.
Mardi, le Président de la République était à Strasbourg – et vous l'accompagniez, madame la secrétaire d'État. Il a parlé, avec des mots que le miens ne sauraient égaler, des 70 ans du Conseil de l'Europe et de ces soixante-quinze années de paix, qui sont une parenthèse unique dans l'histoire de notre continent. Étant élu du Grand Est, une terre qui, plus que toute autre, a connu le prix du sang, avec la bataille de la Meuse, celle de la Marne, les tranchées de Verdun ou le camp de concentration du Struthof, dans le Bas-Rhin, je voudrais, chers collègues, que nous n'oubliions pas, au moment d'autoriser la ratification de ce traité, la force symbolique et historique qu'il possède.
Il est des choses que le temps qui passe n'efface pas, n'effacera jamais. Tel est le cas de l'histoire tragique entre la France et l'Allemagne. En revanche, je sais que ce nouveau traité d'amitié entre nos deux pays, cinquante-six ans après celui de l'Élysée, aura une résonance particulière pour toutes les familles – notamment la mienne – qui ont été déchirées par les guerres fratricides qui nous ont opposés. En préparant cette intervention, j'avais à l'esprit qu'il y a deux générations de cela, deux de mes grands-parents furent déportés à Auschwitz. Le jour est venu pour leur petit-fils de se tenir devant vous et de vous exhorter à voter en faveur d'un traité si fort qu'il rapprochera encore la France et l'Allemagne. C'est dire si ce traité est avant tout un magnifique et formidable message d'espoir.