Je pourrais vous parler du concept franco-allemand. Je pourrais disserter sur le traité d'Aix-la-Chapelle. Je pourrais insister sur les grands projets qui visent à concrétiser ce traité et que l'Assemblée parlementaire franco-allemande nouvellement créée sera appelée à suivre.
Permettez-moi plutôt de vous apporter un témoignage en ma qualité de députée de l'Est de la Moselle, ma circonscription comprenant Sarreguemines, à la frontière allemande. Mes concitoyens et moi-même avons déjà la chance de vivre ce partenariat, cette amitié encouragée par le traité, dans tous les actes de la vie quotidienne : transports, écoles, apprentissage, commerce, industrie. J'aimerais vous dire ce que la coopération franco-allemande et le traité d'Aix-la-Chapelle représentent concrètement pour nous.
C'est d'abord la possibilité d'apprendre l'allemand, dès les plus jeunes classes. Le recteur de l'académie Nancy-Metz a d'ailleurs lancé « l'année académique de l'allemand », 250 partenariats ayant été identifiés dans les collèges et les lycées.
C'est également la mobilité pour nos jeunes, qui peuvent suivre des stages dans les entreprises allemandes. C'est aussi une mobilité douce : le tram qui relie Sarreguemines à Sarrebruck véhicule les habitants des deux côtés de la frontière, les jeunes et les actifs, mais aussi les touristes, curieux de découvrir nos contrées.
Ce sont encore des milliers d'emplois pour nos travailleurs frontaliers : 22 000 Français font chaque jour la navette pour aller travailler en Allemagne, ce qui fait autant de demandeurs d'emploi en moins de ce côté de la frontière.
C'est enfin un partenariat industriel fort, fondé sur le savoir-faire et la confiance, car il en faut pour investir 500 millions d'euros dans une usine chez nous. Daimler l'a fait, pour transformer l'usine de la SMART et y construire sa première Mercedes SUV intégralement électrique.
Les retombées sont énormes : l'usine est pérennisée ; les 2 000 salariés sont assurés de conserver leur emploi, qui ne sera pas délocalisé ; leurs familles pourront demeurer dans ce bassin de vie, qui en a bien besoin. Et je ne vous parle ni des usines associées, ni des sous-traitants, ni de l'ensemble du tissu économique, qui y voit une bénédiction.
Voilà la preuve que, si nous agissons ensemble, l'Europe est forte et a de l'avenir.
Le partenariat franco-allemand a en outre été à l'origine de multiples échanges associatifs ou amicaux, y compris entre des anciens combattants, et de nombreux jumelages entre des communes qui se faisaient encore la guerre il y a un peu plus de soixante-dix ans. Nous ne comptons plus les mariages, les conventions, notamment entre les hôpitaux, les pompiers, pour soigner ou secourir la population, quel que soit le côté de la frontière où elle se trouve. Ajoutons-y les rencontres sportives, les fêtes de l'amitié, les portes ouvertes, les invitations mutuelles aux commémorations. Enfin, c'est peut-être anecdotique, mais sachez que le consul honoraire d'Allemagne à Metz est français.
Le traité d'Aix-la-Chapelle est une chance et une assurance. Une chance de constater que l'Europe au quotidien n'est pas une utopie et peut être dupliquée partout dans l'Union, pour peu qu'il y ait une volonté politique. Une assurance car, tant que les peuples noueront des échanges fructueux et positifs, dans un esprit de coopération, ils sauront résister aux tensions et aux turbulences, aux peurs d'un autre temps qui pourraient les inciter à se replier sur eux-mêmes et à tourner le dos à l'Europe.
Ce traité n'est pas une bizarrerie dans notre paysage politique, mais bel et bien un exemple à suivre, un cap à maintenir afin que toute l'Europe s'en inspire et que les citoyens européens puissent continuer à vivre en paix, en bonne intelligence, forts des valeurs qu'ils portent, malgré ou avec leurs spécificités et leurs différences. Être citoyen européen, c'est porter haut les valeurs de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit, sans que soit entachée la souveraineté des pays qui composent l'Union.
Le traité d'Aix-la-Chapelle est, pour moi et pour tous les habitants que je représente, une nécessité.