Concernant l'intérêt de l'enfant, je vais dire quelque chose de peu correct du point de vue de la communication politique, mais qui correspond à ma conviction juridique. Lorsque nous avons consacré le droit à l'accès aux origines au bénéfice de l'enfant du don devenu majeur, c'est l'intérêt de l'enfant qui nous a servi de boussole. En revanche, je ne crois pas que ce soit l'intérêt de l'enfant qui doit guider le mode d'établissement d'une filiation.
En effet, si, en adoptant cette logique à propos de l'établissement de la filiation d'un couple de femmes, nous l'introduisions incidemment pour les couples hétérosexuels, je vous laisse imaginer les discussions que nous aurions au sujet des familles hétérosexuelles, sur la question de savoir ce qu'est une bonne famille, un bon parent et qui a le droit d'établir sa filiation ou non. Cela me paraît dangereux : nous en reviendrions aux débats des années soixante-dix à quatre-vingt-dix, lorsqu'un père pouvait encore contester sa paternité en invoquant la « débauche » ou l'« inconduite notoire » de la mère. Par pitié, ne nous engageons pas sur cette voie !
L'établissement du mode de filiation ne doit pas être vu sous ce seul angle, mais – c'est mon sentiment personnel – sous celui de la cause, donc de la responsabilité, de la venue au monde d'un enfant. Dans la plupart des cas, il s'agit, comme depuis des millénaires, de la procréation charnelle ; d'où la coloration du titre VII du code civil. Depuis quelques décennies, la science a apporté d'autres techniques – dont acte : la PMA pour les couples hétérosexuels d'abord, pour les couples homosexuels ensuite.