Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du vendredi 4 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Article 14

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Vous proposez de supprimer cet article en vous prévalant du fait que les cellules souches embryonnaires proviennent d'un embryon et que leur dérivation provoque la destruction de celui-ci.

Le point de départ de notre réflexion est justement la différence de nature entre embryon et cellule souche embryonnaire. Les lignées de cellules souches embryonnaires utilisées dans les protocoles de recherche ont certes été dérivées d'un embryon, mais celui-ci ne faisait plus l'objet d'un projet parental et, de ce fait, était voué à la destruction. De plus, cette opération a eu lieu il y a des années : souvent plus de vingt ans pour les premières. Les cellules souches se multiplient ensuite en culture, et les laboratoires qui les utilisent, dans leur très grande majorité, ne font pas de recherches sur l'embryon.

Malgré ces différences substantielles entre recherche sur les cellules souches embryonnaires et recherche sur l'embryon, la loi française continue à les assimiler l'une à l'autre et les soumettre au même encadrement. En matière de cellules souches, le régime de l'autorisation préalable alourdit, sans justification éthique, les contraintes pesant sur la recherche française.

Ces cellules souches présentent pourtant un potentiel considérable pour faire progresser nos connaissances et mettre au point de nouveaux traitements. Pour les seules équipes françaises, elles donnent lieu à dix à quinze publications par an dans des revues scientifiques prestigieuses. Un essai clinique sur l'insuffisance cardiaque sévère a été complété, un autre est en cours sur les atteintes de la rétine, deux autres encore sont en train d'être finalisés. Dans le monde, vingt-cinq essais cliniques font appel aux cellules souches embryonnaires.

Il est temps de revoir et rééquilibrer le régime juridique applicable à ces recherches ; le Conseil d'État nous y a invités dans le cadre des travaux préparatoires à notre projet de loi. C'est au regard de tous ces éléments que le Gouvernement a choisi d'instaurer un régime de déclaration, plus adapté à la réalité des enjeux éthiques soulevés par les lignées de cellules souches embryonnaires.

Le Gouvernement partage toutefois votre préoccupation du maintien des garanties éthiques et juridiques nécessaires. Soucieux de concilier liberté et responsabilité, et de prévenir toute dérive, il a veillé à ce que l'ABM conserve un droit d'opposition et d'inspection en cas de méconnaissance des impératifs éthiques propres à ce type de recherche. Je rappelle aussi que toute nouvelle dérivation de lignées de cellules souches sera soumise au régime d'autorisation de la recherche sur l'embryon, puisqu'il s'agira d'une nouvelle destruction.

En instaurant un régime de déclaration pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, le projet de loi a dégagé une solution respectueuse des valeurs éthiques auxquelles nous sommes attachés, tout en laissant une place à l'espoir que représente pour la science et les malades le potentiel de ces recherches. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à vos amendements.

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