Nous abordons le sujet du logement. Nous avons adopté le principe du droit des victimes de violences à rester dans leur domicile si elles le souhaitent : c'est la première option, qui concerne une femme sur deux.
Toutefois, de nombreuses victimes désirent quitter le domicile conjugal : parce que les souvenirs attachés à ce lieu sont trop douloureux ou bien parce que l'environnement n'est pas favorable – des proches du compagnon violent peuvent résider à proximité, des voisins qui ont entendu les coups ont pu se taire durant des années... La deuxième option, qu'il ne faut pas négliger, consiste donc à se reloger dans le parc privé ou public.
Si le débat sur le nombre de places d'hébergement d'urgence est capital, rien ne remplace un logement de droit commun. Il faut mobiliser des moyens pour les hébergements d'urgence car ils ne sont pas tous adaptés aux femmes : dans de nombreux cas, celles-ci refusent de quitter leur conjoint pour éviter de se retrouver dans un centre mêlant des populations diverses – personnes sans domicile fixe, toxicomanes, etc. Elles ne veulent pas fuir une violence pour en subir une autre.
Notre réflexion porte dès lors sur le parc locatif courant. Nous proposons d'expérimenter un dispositif dédié aux femmes, consistant en l'accompagnement dans la prise en charge de la caution, du dépôt de garantie et des premiers mois de loyer. Ces femmes quittent souvent leur logement sans aucun papier : retrouver une réalité administrative et obtenir les aides nécessaires, comme l'aide personnalisée au logement (APL), prend alors quasiment une année, même avec le soutien des associations.
Ce dispositif reposerait sur un organisme qui accomplit un travail remarquable : Action Logement. L'amendement CL132 est le fruit de la dernière discussion que j'ai eue hier avec ses dirigeants, qui disent y être tout à fait favorables. Depuis l'audition de la semaine dernière, ils ont commencé à travailler sur un dispositif expérimental permettant aux femmes de quitter le domicile conjugal et de retrouver un logement immédiatement. Ils sont prêts à mobiliser les moyens humains, techniques et financiers nécessaires. Je ne trahis rien en vous répétant ce qu'ils m'ont dit hier.
Toutefois, ils craignent que notre proposition de loi aille trop loin en modifiant les catégories d'emplois des fonds fixées par la loi, qui déterminent les opérations que peut mener Action Logement. D'un commun accord avec ceux qui deviendraient nos partenaires si cette disposition était votée, je propose de supprimer les deux alinéas qui modifient ces catégories d'emplois : ils n'ont pas d'utilité dans la mesure où Action Logement accepte d'entrer dans l'expérimentation à droit constant.
Le relogement des femmes à l'extérieur de leur domicile conjugal est un vrai sujet : nous n'avons pas à ce jour de dispositif en dehors des foyers et des centres d'hébergement d'urgence. Il faut trouver une autre solution. Ce nouvel outil viendrait compléter la proposition du Gouvernement de leur attribuer de façon prioritaire certains logements du parc public. Action Logement est d'accord pour travailler sur ce sujet. Le besoin existe et cela ne coûte rien de plus au budget de la nation : je ne vois donc aucune raison de s'opposer à cette initiative.
Je vous propose ainsi de conserver le volet de l'expérimentation et de supprimer ces deux alinéas. Nous reverrons peut-être la définition précise de l'expérimentation en séance publique avec le Gouvernement, mais ce serait là une véritable opportunité d'avancer sur la question du logement.