Je ne vais pas laisser le suspense s'installer : le groupe La République en Marche ne votera pas la proposition de loi. Nous voterons contre les articles, mais vous aurez remarqué que nous n'avons pas déposé d'amendements de suppression ; je vais l'expliquer.
Nous sommes en désaccord sur différents points. Le processus actuel est celui du Grenelle et notre débat en commission en est un moment important. Il doit nourrir le Grenelle, de même que les centaines de réunions organisées. Les groupes de travail sont à l'oeuvre et rendront leur copie le 29 octobre.
Chère collègue, votre investissement est remarquable, ancien et constant. Votre présence au Grenelle, le 3 septembre dernier, le souligne et nous avons le plus grand respect pour votre implication.
Mais, comme nous l'avons déjà souligné à l'occasion de l'examen de la précédente proposition de loi, votre volonté de trop définir les violences peut avoir un effet contreproductif. À force de trop définir, on crée des interstices dans lesquels certains peuvent s'engouffrer pour relativiser les crimes ou délits commis.
En outre, le texte propose d'inscrire les personnes condamnées pour violences conjugales au FIJAISV. Or ce fichier interdit aux auteurs de telles infractions de s'installer à proximité de mineurs ; ce n'est donc pas un outil adapté.
Enfin, le texte propose de rendre automatique le retrait de l'autorité parentale au parent condamné pour des crimes ou délits commis contre son enfant, et au parent qui s'est rendu coupable d'un crime sur la personne de l'autre parent. Les enfants sont les premières victimes collatérales de violences conjugales, subissant les répercussions d'un environnement familial toxique.
En 2018, vous l'avez rappelé, onze enfants sont décédés concomitamment à l'homicide de leur père ou de leur mère et quatorze enfants ont été tués dans le cadre de violences conjugales. Les violences conjugales et les violences faites aux enfants sont liées. Nous ne pouvons pas dissocier conjoint violent et parent. Quand un conjoint passe en comparution immédiate pour violences, la seule chose que peut faire le juge, c'est de lui retirer l'autorité parentale. C'est une solution radicale, y compris pour l'enfant, tant et si bien que les juges peinent à l'appliquer.
Selon la loi, l'autorité parentale est définie comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient à ses parents pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Elle doit s'exercer sans violences physiques ou psychologiques. Le Gouvernement a proposé la suppression du droit de visite et d'hébergement et la possibilité pour la mère de prendre les décisions de façon unilatérale tout en continuant à percevoir une pension alimentaire quand une plainte est examinée par le juge pénal, si celui-ci considère que le retrait de l'autorité parentale est trop radical.
Aussi, le retrait peut d'ores et déjà s'appliquer lorsqu'un parent est auteur, coauteur ou complice d'un crime sur la personne de l'autre parent. À titre présentenciel, l'auteur du crime est placé en détention provisoire ; il ne peut dès lors exercer une quelconque autorité.
Pourquoi ces explications ? Pour que vous compreniez bien que nous avons voté la précédente proposition de loi au regard de l'urgence avérée de l'adoption des dispositions qu'elle contenait. Quand une personne décède tous les deux ou trois jours, le bracelet anti-rapprochement est une nécessité. Les dispositions de la présente proposition de loi mériteraient un travail plus approfondi et pourraient nourrir les conclusions du Grenelle. Nous ne voterons donc pas votre texte.