« Lubrizol coupable, l'État complice » ont scandé hier 2 000 Rouennais devant leur préfecture. Comment ne pas les entendre et les comprendre, quand 5 253 tonnes de produits chimiques sont parties en fumées et en suies noires, soit l'équivalent de 276 camions de marchandises de 19 tonnes ? C'est une marée noire sur les têtes, les nôtres et celles de nos enfants.
L'État doit assumer sa responsabilité. La réalité est que votre gouvernement affaiblit les normes et diminue les contrôles en supprimant des effectifs dans les ministères compétents. Comment une usine classée Seveso et située au coeur d'un bassin de vie de 700 000 habitants, en bord de Seine, a-t-elle pu bénéficier en 2019 d'au moins trois arrêtés lui permettant d'augmenter ses capacités de stockage de produits chimiques sans évaluation environnementale préalable ? Comment expliquer que vous ayez mis cinq jours à rendre publique la liste des produits qui ont brûlé ? Qu'il me soit permis d'espérer qu'il existe encore une puissance publique ne se soumettant pas au bon vouloir d'industriels inconscients.
D'après le règlement européen qui classe les produits selon leur niveau de toxicité, ce sont majoritairement des produits dangereux par aspiration et très toxiques pour les organismes aquatiques qui ont brûlé. Assumez-vous toujours de dire que tous les produits ne sont pas dangereux et que la qualité de l'air est habituelle ? Quel est le vrai bilan sanitaire ? Quels sont les vrais effets sur la qualité de l'air, de l'eau et des sols ? La transparence la plus totale doit être faite tant sur les dysfonctionnements que sur les conséquences réelles de cette catastrophe industrielle.
Un nouvel incendie est à éteindre : celui des colères et des peurs légitimes, alimentées par les non-dits et par le grand écart entre les discours et ce dont les habitants sont témoins. La différence entre la catastrophe de Tchernobyl et aujourd'hui, c'est que les Français ne signeront pas un blanc-seing pour des déclarations sans preuves. Les Français attendent la vérité, madame la ministre ; encore faut-il que vous soyez tous prêts à la dire.