De toute manière, vous ne courez aucun risque de mettre au jour des fissures dans votre majorité, puisqu'il n'y aura pas de vote, ce que je trouve regrettable.
Monsieur le Premier ministre, la politique migratoire de la France et de l'Europe est un sujet dont nous devons parler sans naïveté, sans angélisme, avec courage et esprit de responsabilité. Il faut donc dire la vérité aux Français : nous ne sommes pas devenus la première destination migratoire, c'est vrai, mais selon Eurostat, nous figurons à la onzième place par rapport au nombre d'habitants.
Nous ne sommes d'ailleurs pas devenus non plus le pays le plus attractif, puisque nous nous trouvons au quinzième rang des pays d'Europe. Les pays qui nous entourent, l'Espagne, la Belgique, l'Irlande ou la Croatie sont beaucoup plus sollicités que nous ; et ce sont la Grèce, Chypre, Malte, qui accueillent le plus de migrants, prenant de plein fouet les accords de Dublin.
Voyez dans mes propos la volonté de regarder en face une situation douloureuse pour beaucoup de nos compatriotes, peu ou mal informés, qui rencontrent des difficultés pour trouver un emploi ou un logement, voire pour être accueillis, et ne comprennent donc pas toujours notre politique d'immigration. Mais la situation est également douloureuse pour de nombreux migrants, qui s'imaginent l'Europe comme un Eldorado et doivent très vite déchanter.
Pour autant, la crise migratoire est toujours là, moins violente qu'en 2015, mais bien présente. Chaque jour, des femmes, des hommes, des enfants mettent leur vie en péril pour rejoindre notre continent. Ils sont des demandeurs d'asile poussés à quitter leur terre natale ; ils tournent le dos à leurs racines pour fuir les violences et la mort. La majorité d'entre eux provient d'Afghanistan, d'Albanie, de Géorgie ; ils attendent de nous la protection qui leur est promise.
D'autres sont poussés par des raisons économiques, et nous n'échappons pas à l'augmentation de cette migration.
Monsieur le Premier ministre, nos choix doivent être guidés par trois mots. Le premier est celui d'« humanité », car certaines situations d'urgence humanitaire appellent, de la part de la communauté internationale, de l'Europe, de la France, une réponse à la hauteur du drame que vivent ces familles charriées jusqu'à nos rivages, ou pour lesquelles la route de l'exil s'achève dans les profondeurs de la Méditerranée.
Le second est la fermeté, face à l'immigration clandestine, aux séjours irréguliers, aux filières de passeurs qui exploitent la misère humaine. Le troisième, enfin, est l'efficacité, pour que les demandeurs d'asile qui n'obtiennent pas le statut de réfugié ne restent pas clandestinement sur notre territoire et que l'immigration économique corresponde à nos besoins.
C'est à ces seules conditions que nous pourrons montrer que l'immigration n'est pas seulement une affaire de chiffres, de coût pour nos finances publiques, de pression exercée sur les emplois et les salaires. Les craintes qui s'expriment sur l'immigration sont réelles en France comme ailleurs en Europe : on doit les entendre, et y répondre de la manière la plus juste qui soit.
Or la politique européenne en matière d'asile et d'immigration est marquée par des incohérences, des manquements de la part d'États membres tels que la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie.
L'Union européenne doit harmoniser ses règles et ses conditions d'accueil, et être vigilante en matière de coopération avec des États tiers : je pense à la Turquie, qui a suspendu l'accord de réadmission des migrants et laisse à nouveau ceux-ci quitter ses côtes pour rejoindre les nôtres, ainsi qu'au cas libyen, dénoncé avec force par l'ONU, l'Organisation des Nations unies.
L'Europe, la France doivent renforcer l'aide publique au développement : vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, elle constitue un levier essentiel pour redonner espoir aux populations, les éloigner des fondamentalismes qui se nourrissent de la misère, et leur permettre de participer à la prospérité de leur pays.
Notre communauté nationale s'est toujours enrichie de la diversité de ses origines, mais il est illusoire de penser que notre pays peut être une terre d'accueil sans limites. Le droit d'asile est l'honneur de la France, vous l'avez rappelé ; il doit être préservé, respecté, appliqué ; mais c'est parce que l'asile constitue un droit fondamental qu'il faut réformer notre politique migratoire. Cessons de subir des vagues successives d'immigration économique : instaurons enfin, comme le Canada, un mécanisme de quotas par métier, votés chaque année par le Parlement.
Établissons les responsabilités de chacun en ce qui concerne les mineurs non accompagnés, dont la surcharge est de plus de 2 milliards d'euros pour les départements. Redessinons l'aide médicale pour les étrangers – vous l'avez évoqué, madame la ministre – en luttant contre un certain nombre de dérives notoires : je pense notamment aux ressortissants géorgiens. Refondons également l'ADA – aide aux demandeurs d'asile – , souvent dévoyée.